Si vous pensez que le sujet de cet article ne vous concerne pas, lisez quand même la petite histoire qui suit : ALPHI est une pépite française qui compte un peu moins de 100 collaborateurs et qui est le leader hexagonal des solutions de coffrage (pour le BTP, donc). Le 23 janvier dernier, son PDG témoignait avec mes côtés, accompagné d’une jeune collaboratrice embauchée à l’issue de son alternance dans l’entreprise. Ce qui a motivé son choix de rester chez ALPHI ? Je la cite : « Une équipe soudée, une forte cohésion, l’autonomie et la confiance, la valorisation des employés, une certaine harmonie et la volonté d’être un exemple » pour le secteur, sur son territoire et au-delà. Pas le salaire, pas le « package », non, mais des éléments « intangibles » qui procèdent d’une logique que je qualifie de « care », de prendre soin. Parce qu’elle sent bien que les collaborateurs sont considérés dans cette entreprise, et parce que l’entreprise assume aussi un engagement sociétal fort et qui va se renforcer dans les prochains mois – à travers, notamment, la construction de son nouveau siège social.
Alors, intéressé ? Mais si vous vous attendez à lire ici LA définition de ce qu’est l’expérience collaborateur, détournez le regard, car ma conviction c’est que chacun doit pouvoir forger sa propre définition de ce qu’il met derrière ce nouveau mot valise qui peut tout vouloir dire – et donc ne rien vouloir dire… Cela participe à mon sens d’une démarche de co construction, en interne, avec les parties prenantes (RH bien sûr, mais aussi managers, collaborateurs, RSE, etc.), afin de s’aligner sur une vision partagée des enjeux et du périmètre que l’on veut donc assigner à l’expérience collaborateur.
Si j’ai une conviction, j’ai aussi une intuition : 2020 sera l’année de l’expérience collaborateur. Plusieurs signaux « faibles » me guident bien évidemment vers cette intuition : d’abord, l’étude en cours que réalisent MAZARS et le Crédit Agricole ; ensuite, les sollicitations que m’ont faites récemment des grands comptes ; enfin, ce n’est pas un hasard s’il existe depuis l’an passé un premier « Baromètre de l’Expérience collaborateur » – lequel montre bien que nous n’en sommes qu’aux balbutiements et que le sujet de « l’expérience candidat » prédomine sur les autres considérations possibles.
La deuxième intuition qui se cache derrière la première, et qui est aussi une conviction, c’est que l’éthique du care – et ce que cette forme d’éthique peut inspirer du point de vue des démarches managériales / de transformation – vont jouer un rôle majeur dans l’éclosion de la notion d’expérience collaborateur : car il va bien falloir la « nourrir », lui donner un peu de profondeur de champ, sauf à en rester au niveau d’une simple transposition des méthodes de l’expérience client vers le collaborateur : où l’on définit une promesse collaborateur comme on a pu définir une promesse client, et un parcours collaborateur comme…, etc.
Si cette transposition a du sens, elle est en germe déjà depuis une dizaine d’années et elle a des mérites évidents – formaliser une vision cible de l’expérience collaborateur comme on doit pouvoir définir une vision cible de l’expérience client. Mais ce n’est plus suffisant.
« Prendre soin », en ce sens, n’est pas une formule creuse dont se parent des consultants en mal d’inspiration, mais doit pouvoir être une réalité pour les personnes qui éprouvent chaque jour des « problématiques de vie » – parce qu’elles figurent par exemple parmi les 4 millions de salariés dits « aidants » (d’un proche malade et/ou âgé par exemple).
La question des fragilités, ou plutôt des « vulnérabilités » (pour m’inscrire dans le langage de l’éthique du care), constitue donc bien UNE entrée, parmi d’autres, pour « faire de l’expérience collaborateur », de façon très tangible mais aussi très sensible.
D’autres portes d’entrée existent : par la Voix des équipes, par la récolte et le traitement de leurs irritants, par exemple. C’est le chemin qu’a choisi la Poste et que l’on retrouve au Futuroscope.
Mais une autre peut être la question de l’engagement sociétal des collaborateurs et des clients, parce que des clients et des équipes engagés sont l’alpha et l’oméga de la pérennité des entreprises – et que ces formes d’engagement reposeront de façon croissante sur ce pivot que constitue l’engagement sociétal. Parce que j’ai besoin de me sentir utile, parce que j’ai besoin que mon métier soit reconnu, sa dimension sociétale deviendra une dimension majeure sans laquelle absentéisme, turnover et désengagement continueront de noircir le quotidien des managers.
En ce sens, l’expérience « sociétale » du collaborateur englobe tout à la fois la question du sens (rejoindre une entreprise dont les engagements sont forts et font écho à mes valeurs), celle de son propre engagement sociétal sur les sujets retenus par son entreprise (je m’implique, via du mécénat de compétences par exemple), celle de sa propre capacité à challenger les pratiques de son entreprise (je ne suis pas d’accord et je l’exprime, et je propose des solutions pour faire évoluer des pratiques), tout autant que le sujet de la fierté d’appartenance à une entreprise et un métier qui « s’engagent » (je recommande mon entreprise en tant qu’employeur à mes proches, pour évoquer le eNPS, le Net Promotor Score dédié aux employés) – pour ne retenir ici que quelques axes.
Cela vous semble abstrait ? Ça ne l’est pas du tout : quand Decathlon fait du retour produits un sujet stratégique pour l’enseigne, c’est parce qu’une jeune collaboratrice a interpellé la marque il y a trois ans sur sa responsabilité… Easy Return (c’est le nom dudit projet) figure aujourd’hui parmi les 24 projets stratégiques de l’enseigne.
L’expérience sociétale du collaborateur, c’est donc aller le « chercher » sur un autre terrain, c’est lui donner un autre terrain de jeu qu’un métier forcément un peu étriqué à partir d’un certain moment, c’est créer de l’engagement de sa part. C’est conceptualiser et concrétiser de nouvelles formes d’engagement au service de l’expérience client, de l’expérience collaborateur et du monde qui nous entoure.
Mais ce n’est là qu’une piste de travail parmi d’autres : à chaque entreprise d’identifier « sa » porte d’entrée vers l’expérience client, comme elle doit élaborer « sa » définition de ce que cela recouvre.
Ce qui restera, quand nous ne parlerons plus « d’expérience collaborateur » d’ici quelques années, c’est bien la question de la concrétisation d’une forme d’éthique, l’éthique du care : car si les phénomènes de mode passent, les questions de fond demeurent, une forme d’éthique (qui a déjà 40 ans, elle !) continuera de nous inspirer, et la caravane des opportunistes aura passé son chemin…
Vous voulez « faire » de l’expérience collaborateur ? Alors posez-vous la question du care et de l’engagement sous un angle holistique – engagement client, engagement collaborateur, engagement sociétal. Vous pourrez inspirer dans votre entreprise une démarche puissamment singulière, profonde, durable et… engageante.
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