Shalimar Ou Les Secrets d’Un Parfum Iconique

Un succès comme le parfum Shalimar de Guerlain ne doit rien au hasard. Immersion dans un flacon aux vertus magiques. 

Nous sommes en 1925, à la fin de la Première Guerre mondiale et au début d’un nouveau monde où l’art moderne se décline sous toutes ses formes et l’effervescence est à son paroxysme. Dans ce Paris des années folles, Jacques Guerlain, qui a déjà composé l’Heure bleue et Mitsouko, va saisir l’occasion de l’Exposition Universelle à Paris pour faire preuve d’une nouvelle audace : un parfum d’exception – le premier oriental – dans un flacon d’exception signé Baccarat. Une forme d’érotisme se dégage de ce parfum où la vanille en surdose révèle une fragrance capiteuse que le parfumeur associera à un mythe passionnel né aux Indes.
Hasard diront certains, grand coup marketing diront d’autres, tout colle néanmoins. Mais Shalimar est un parfum bien plus complexe encore, où l’imagerie sexuée d’une fragrance ensorcelante, entre en résonance avec l’histoire de l’émancipation des femmes de l’après-guerre.

Moins d’un siècle plus tard, Shalimar n’a pas pris une ride. A peine quelques lifting sous la houlette de Thierry Wasser, qui supprimera la bergamote :  « Shalimar est un parfum qui marie extraordinairement les contraires , c’est un jeu de clair-obscur ». Le passé qui fascine et rassure… ici la créativité olfactive ne fait qu’un avec l’héritage d’une maison séculaire où la belle parfumerie permet toutes les audaces. Une des clés du succès d’un parfum iconique.

UNE SCULPTURE ART DECO

Un piédestal, des arabesques inspirées des vasques des Jardins Shalimar, un motif du Taj Mahal, un bouchon de saphir bleu – le premier de couleur – fabriqué à la main dans les cristalleries de Baccarat, ce flacon dessiné par Raymond Guerlain, le cousin du parfumeur, est un petit bijou de prouesse technique et d’audace qui remportera le premier prix à l’Exposition des Arts Décoratifs en 1925. Une sculpture qui évoque la tentation charnelle, le désir, et le mystère, et qui répond aux fantasmes d’Orient de la France des années folles.  Shalimar révolutionne les codes de la parfumerie traditionnelle de l’époque.

LE DOUX PARFUM D’ORIENT

En 1925, le fantasme des odalisques langoureuses du début du siècle (peintre) a laissé place à l’envie d’aventure. Une quête d’évasion qui n’a pas échappée à Jacques Guerlain lorsqu’il découvre l’histoire de cet empereur moghol inconsolable qui fit édifier quatre siècles plus tôt le Taj Mahal et les Jardins de Shalimar en l’honneur de sa femme défunte. C’est le point de concordance parfait entre sa fragrance envoûtante et ce récit de voyage orientaliste… Shalimar est né d’une légende.

UNE GUERLINADE EROTIQUE

Surpuissante… l’histoire raconte que Jacques Guerlain cherchait à modifier le parfum Jicky, créé quelques années plus tôt, en y ajoutant des gouttes d’ethylvaniline (vanille de synthèse). Ainsi cette note de vanille qui engouffre tout sur son passage, domptée par de multiples accords qui lui donnent tour à tour des accents sucrés, particulièrement ambrés, musqués, mais aussi amers et poudrés, Shalimar est un chef d’œuvre olfactif dont la sensualité frôle l’érotisme. Il ne rencontre pas un succès immédiat auprès des Parisiennes, surprises par sa senteur hors du commun, mais auprès des New-Yorkaises envoûtées par cette nouvelle fragrance que portait – non sans un certain sens du marketing – Madame Guerlain lors d’une croisière Outre-Atlantique.

92 ANS DE MARKETING

Depuis la création de ce parfum oriental qui a cassé les codes établis de la parfumerie, la Maison Guerlain a su entretenir son histoire d’amour avec le public. Des éditions limitées chaque année, des déclinaisons plus légères et une égérie, Natalia Vodianova qui – à demi nue dans un clip de Paolo Roversi devenu culte (2008) – nourrit l’imagerie mêlant sensualité et exotisme de ce parfum. Chef de file incontesté des parfums orientaux, il se vend aujourd’hui plus de 500 000 flacons par an en France, et plus d’un million d’exemplaires dans le monde. Emblème de la Maison Guerlain, c’est le parfum le plus vendu après La Petite Robe Noire, avec 108 flacons par heure dans le monde.