Les stades redéfinissent le luxe en multipliant les espaces exclusifs et les services premium : cabanas privées sous les gradins, visites personnalisées avec une mascotte, et même la possibilité de voler dans l’avion de l’équipe. De quoi faire rêver, même ceux qui ont déjà les meilleurs sièges au bord du terrain.
Depuis leur installation dans le flambant neuf Intuit Dome d’Inglewood, un complexe à 2 milliards de dollars, les Clippers de Los Angeles ont attiré l’attention sur des équipements spectaculaires : le gigantesque Halo Board équipé de canons à t-shirts, la section inclinée surnommée le Wall réservée aux superfans, ou encore les tablettes de jeu à quatre boutons intégrées aux accoudoirs. Sans oublier les 1 400 toilettes de l’arène, soit trois fois plus que la moyenne des stades NBA. Pourtant, la plupart des spectateurs de cette arène de 18 000 places passeront à côté de ce qui pourrait bien être son plus grand atout : les sièges premium.
L’arène propose bien sûr des loges de luxe traditionnelles au niveau supérieur, mais les véritables nouveautés se trouvent ailleurs. Les fans occupant des sièges privilégiés le long des lignes de touche peuvent réserver des « bungalows en coulisses » : des salons privés haut de gamme offrant nourriture et boissons raffinées, un service de conciergerie et des places de parking exclusives dans le garage des joueurs. Ceux situés près des lignes de fond bénéficient d’un accès direct à des « cabanas » privées nichées sous les gradins. Les espaces communs ne sont pas en reste, comme le Red Lounge, réservé aux spectateurs au bord du terrain, qui déboursent entre 25 000 et 35 000 dollars pour un abonnement saisonnier. Mais le summum du luxe se trouve au Lexus Courtside Lounge, où les joueurs traversent un bar privé et une ligne de sécurité pour rejoindre le terrain depuis les vestiaires.
Pendant des décennies, les stades ont réservé leurs espaces améliorés aux VIP et aux sponsors, mais les nouvelles propositions des Clippers marquent une rupture audacieuse. Aussi innovantes que la technologie de reconnaissance faciale des stands de restauration « grab-and-go » de l’Intuit Dome, elles reflètent une redéfinition des sièges premium dans toute l’industrie. Cette nouvelle approche génère déjà des millions de dollars de revenus supplémentaires pour les équipes.
L’innovation dans les stades : des configurations exclusives pour des publics variés
L’évolution des sièges de luxe repose désormais sur une offre beaucoup plus diversifiée d’options haut de gamme. « Il y a dix, quinze ou vingt ans, il n’existait qu’un seul type de loge », explique Tracy Payne, architecte d’intérieur chez Populous, un cabinet d’architecture basé à Kansas City (Missouri), à l’origine de projets emblématiques comme le Truist Park des Braves d’Atlanta, l’UBS Arena des Islanders de New York ou encore le Sphere de Las Vegas. « Aujourd’hui, nous concevons une gamme impressionnante de produits haut de gamme adaptés à chaque type de client, avec des prix variés et des expériences pensées pour des publics différents. » Wesley Crosby, directeur du design intérieur chez Populous, explique qu’un client propose désormais jusqu’à 13 expériences haut de gamme différentes, conçues en collaboration avec son cabinet pour répondre à des besoins variés.
Tout d’abord, cette évolution passe par une réduction significative du nombre de suites de luxe traditionnelles. Lorsque la Crypto.com Arena, l’ancienne salle des Clippers située au centre de Los Angeles, a ouvert ses portes en 1999, la tendance était de maximiser leur nombre, atteignant un impressionnant total de 170 suites. Aujourd’hui, l’Intuit Dome ne compte que 46 suites principales, marquant un changement de cap notable.
De même, les Flames de Calgary de la NHL, qui ont lancé la construction de Scotia Place en juillet, réduiront le nombre de suites dans leur nouvelle arène, prévue pour la saison 2027-28, à 54, contre 80 dans leur actuel Scotiabank Saddledome. Les Titans de la NFL suivent une trajectoire similaire : leur futur Nissan Stadium, en cours de construction depuis février et dont l’ouverture est prévue pour 2027, passera de 177 suites à 130.
Les suites restantes deviennent de plus en plus personnalisables et se déclinent en un plus grand nombre de configurations — jusqu’à cinq types différents, variant en taille et en équipements, selon Payne. Certains de ces espaces atteignent même de nouveaux sommets en termes d’opulence. Les Titans, par exemple, proposeront un ensemble exclusif de 23 suites haut de gamme situées entre ce qu’ils appellent l’Adams Club et les 1350 Suites, avec accès à un espace club privé. Ils construiront également 11 Touchdown Suites au niveau du terrain, derrière l’une des zones d’en-but. (Les prix n’ont pas encore été fixés, mais le coût d’une licence de siège personnel dans le nouveau stade — qui réserve le droit d’acheter un abonnement saisonnier — oscillerait entre 750 et 75 000 dollars).
Les avantages offerts par ces nouveaux espaces dans les stades modernes dépassent largement les comptoirs en marbre et les repas gastronomiques concoctés par des chefs renommés. Tout commence dès l’extérieur, avec un parking ou une dépose VIP et une entrée dédiée à l’arène. Les clients premium peuvent également accéder à des zones habituellement réservées du stade, voyager avec l’équipe pour assister à des matchs, ou encore recevoir la visite exclusive de la mascotte ou d’une légende retraitée du club.
Alors que les Titans prévoient d’ajouter une terrasse extérieure pour leurs clients premium, le Levi’s Stadium des 49ers de San Francisco se distingue par l’intégration de tables de billard, de shuffleboard et même de terrains de pétanque dans le cadre de ses rénovations. Certains sites vont encore plus loin, en proposant des articles en édition limitée ou des équipements surprenants comme des machines à glace dans les suites. La T-Mobile Arena des Golden Knights de Vegas, par exemple, dispose d’une salle entière dédiée à la production de glaçons sphériques et de glace ultra-transparente pour les cocktails. « La glace, c’est un vrai sujet », déclare Payne, avec une pointe d’ironie.
Ces nouveaux aménagements servent parfois à sublimer un emplacement déjà stratégique. Dans d’autres cas, ils compensent des lignes de vue moins favorables, transformant une zone autrefois négligée en un lieu incontournable. « Quand j’ai pu acheter mes premiers billets, mes sièges étaient très en hauteur, et je me souviens d’avoir envié ceux du bord du terrain », raconte Payne. « Aujourd’hui, notre approche est inversée : nous voulons que les spectateurs assis au bord du terrain lèvent les yeux vers les niveaux supérieurs et se demandent : « Qu’est-ce qu’il se passe là-haut ? Je veux y aller ! » ».
Les expériences les plus luxueuses de 2024
Une expérience ultra-luxueuse lors d’un événement majeur peut atteindre des sommets, dépassant parfois le million de dollars. Voici un aperçu des offres les plus extravagantes de l’année :
🏈 Événement : Super Bowl LVIII
Sport : NFL
Prix annoncé : 2,5 millions de dollars (2,38 millions d’euros)
Avantages exclusifs : Espace privé pour 20 personnes, bar à service complet, repas gastronomiques (notamment hot-dogs au wagyu et pommes de terre farcies au homard), cartes de stationnement VIP, accès à une entrée et à des salons VIP du stade.
🥊 Événement : Jake Paul vs Mike Tyson
Sport : Boxe
Prix annoncé : 2 millions de dollars (1,9 million d’euros)
Avantages exclusifs : Places au bord du ring, rencontres avant et après le combat, séance photo sur le ring, gants dédicacés, accès à un salon VIP, service de conciergerie et escorte de sécurité, deux nuits dans un hôtel de luxe.
🏎️ Événement : Grand Prix de Las Vegas
Sport : Formule 1
Prix annoncé : 1 million de dollars (951 650 euros)
Avantages exclusifs : Voyage en jet privé, séjour de cinq nuits au Fontainebleau, table VIP dans la cabine du DJ au club LIV, dîner privé, crédits de restauration et de villégiature, accès à une suite pour la course et une Aston Martin Vanquish 2025 en édition limitée (valeur de base : 434 000 dollars).
Marketing et hospitalité : une nouvelle ère pour l’expérience des spectateurs
L’essor des suites de luxe s’explique par le rôle de plus en plus stratégique du marketing interentreprises et de l’hospitalité d’entreprise. « Notre équipe dédiée aux expériences collabore chaque année avec plus de 200 marques », explique Flavil Hampsten, président des ventes de biens immobiliers chez Elevate, une société de conseil sportif basée à Charlotte, en Caroline du Nord. « Nous avons constaté une augmentation de 20 à 30 % des dépenses des clients, souvent orientées vers des expériences sur mesure, uniques, généralement autour d’événements sportifs. »
Cependant, les équipes s’enthousiasment également pour des options à des prix plus accessibles. Cela inclut des « mini-suites » pouvant accueillir 10 à 12 personnes, contre 18 à 25 habituellement, ou encore des groupes de sièges semi-privés, un format de plus en plus prisé dans les stades et connu sous divers noms (comme « loge boxes » ou « opera boxes »). Par exemple, l’Intuit Dome des Clippers propose 396 sièges regroupés dans ce qu’il appelle les Halo Lofts, tandis que le futur stade des Titans comptera 576 sièges répartis en configurations de quatre, six ou huit places, regroupés dans 126 loges studio. « Imaginez des fauteuils de cinéma en cuir », décrit Dan Werly, directeur des opérations des Titans. « Chaque siège sera doté d’une télévision personnelle et d’une glacière ou d’un mini-réfrigérateur, avec un accès exclusif à un club pour chaque occupant. »
Les loges, facturées par siège, représentent un investissement bien plus élevé qu’un billet classique, avec des loyers qui atteignent souvent des montants à six chiffres. Cependant, les suites traditionnelles doivent généralement être louées pour toute la saison ou plusieurs saisons, obligeant les clients à payer pour une vingtaine de sièges couvrant plus de 40 matchs par an en NBA ou en NHL. À l’inverse, ces espaces plus compacts réduisent considérablement les coûts, rendant l’expérience plus accessible. « Cela a ouvert la porte à une toute nouvelle catégorie d’acheteurs que les équipes peuvent désormais monétiser », explique Dustin Vicari, vice-président exécutif d’Elevate.
Innovation et personnalisation : l’avenir des expériences premium dans les arènes
Le nouveau client premium peut être un petit entrepreneur recevant des clients ou un cadre à revenus élevés encore en début de carrière. Quelle que soit leur catégorie, la demande est bien réelle, en grande partie renforcée par l’attrait des expériences en personne après la pandémie de Covid-19. Brian Ruede, PDG de Quint, une entreprise spécialisée dans l’hôtellerie haut de gamme basée à Charlotte — récemment acquise par Liberty Media et partenaire de ligues et d’équipes pour créer des expériences de luxe lors d’événements de premier plan — indique que près de 85 % de sa clientèle est composée de particuliers, et non d’entreprises.
Une étude menée par Elevate révèle par ailleurs que 34 % des acheteurs des expériences premium les plus coûteuses d’un programme de football de la Southeastern Conference ont un revenu familial annuel inférieur à 100 000 dollars. « Certains de nos fans veulent simplement du pop-corn et une bière, tandis que d’autres préfèrent un verre de Barolo, du homard et un steak tomahawk », explique Lorenzo DeCicco, directeur de l’exploitation des Flames. « Notre objectif est donc de proposer une expérience qui couvre tout l’éventail entre les deux. »
L’approche dépendra largement du sport concerné, notamment en raison des différences marquées dans le nombre de matchs à domicile en saison régulière — huit ou neuf en NFL contre 81 en MLB, par exemple — ainsi que des spécificités du marché. (La base locale de supporters est-elle aisée ? Quels sont les partenaires commerciaux potentiels dans la région ? Est-il pertinent d’investir dans des espaces extérieurs pour un sport d’hiver dans une ville du nord ?) Ces facteurs influencent directement l’impact financier.
Pour toutes les équipes des quatre grandes ligues professionnelles américaines, les places premium génèrent des revenus colossaux : en moyenne 54 millions de dollars pour la NFL, 45 millions pour la NBA, 41 millions pour la MLB et 35 millions pour la NHL lors de la saison la plus récente, selon Forbes. (Ces montants représentent une hausse de 14 à 36 % selon les ligues depuis la dernière saison avant la pandémie).
Pour 15 équipes des quatre grandes ligues, les revenus des places premium ont en réalité dépassé ceux des ventes de billets classiques au cours de la même saison. D’après Forbes, deux équipes — les Warriors de Golden State, avec leur Chase Center inauguré en 2019, et les Kings de Los Angeles, qui jouent à la Crypto.com Arena — ont généré plus de revenus grâce à leurs places premium qu’à toute autre source, y compris les droits médiatiques.
Ces espaces de luxe offrent également une opportunité supplémentaire aux sponsors, qui peuvent y apposer leur nom, ajoutant ainsi une nouvelle source de revenus. « Les grands événements permettent de générer des sommes significatives avec un nombre limité de sièges», explique Brian Ruede, de Quint. « Mais si on réussit à appliquer ce principe à tous les niveaux de sièges, alors on peut vraiment franchir un cap en termes de rentabilité. »
Même les stades les plus anciens cherchent à capitaliser sur cette tendance, les équipes reconnaissant qu’un stade ne peut rester compétitif que 10 à 15 ans avant de nécessiter une importante rénovation. Le Barclays Center des Nets, inauguré en 2012, subit actuellement une transformation de 100 millions de dollars étalée sur cinq ans. Dans le cadre de la première phase, deux nouveaux espaces club — JetBlue at The Key et Toki Row — ont été dévoilés le mois dernier, tandis que le nombre de suites a été réduit de 87 à un peu moins de 60. Les abonnements commencent respectivement à 12 500 et 33 000 dollars et incluent une saison de matchs des Nets, du Liberty de New York, ainsi que des concerts et autres événements.
Le design des nouveaux espaces premium des Titans s’inspire en partie du légendaire Wrigley Field, un stade centenaire qui a achevé une restauration de cinq ans en 2019. Jusqu’alors, les suites du stade n’avaient pas été rénovées depuis leur création à l’occasion du All-Star Game de la MLB en 1990, et le seul autre espace premium disponible était un club de 70 places, aménagé ultérieurement à partir de quelques suites.
Dans certains stades, de nouvelles offres premium peuvent être créées en réaffectant des espaces sous-utilisés, comme une salle verte ou un débarras situé dans les coulisses. Cependant, cette option n’était pas envisageable à Wrigley Field.
Un article de Brett Knight pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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