Retour en force, retour en grâce de la Maison Lanvin qui fait crépiter tous les flashs depuis que le talentueux Bruno Sialelli est à la barre. Le directeur artistique a récemment créé l’événement en faisant le choix de Paris Hilton comme égérie. Un choix très réfléchi symbole du bouillonnement artistique qui s’empare de la griffe centenaire. Plus qu’une renaissance, un retour aux sources que nous explique l’équipe créative en clôture de la semaine de la haute couture parisienne. Exit la bourgeoise et bienvenue à la néo-bourgeoise ! Une femme aussi consciente que raffinée.
Paris Hilton dans les habits d’ambassadrice Lanvin, un choix pas si évident de prime abord. Eclairez-nous.
Maison Lanvin : Paris Hilton, c’est la femme Lanvin telle qu’on la projette aujourd’hui. Une femme multi-facettes, élégante, sophistiquée, véhiculant ce fameux chic inné des Parisiennes. Chez Lanvin, nous avons toujours perçu cette profondeur qui émane de cette pionnière à jamais à l’origine du phénomène des influenceuses. La socialite est un peu la ‘mère’ de toute cette génération d’instagrammeurs, à commencer par Kim Kardashian. Cette notion de « motherhood », traduisez « maternité », fait écho à l’Histoire de notre Maison à travers la symbolique de la mère et de l’enfant, du lien charnel entre Jeanne Lanvin et de sa fille Marguerite. Et puis, le personnage de Paris Hilton roulant en Ferrari rose et parlant avec une voix de petite fille, ce n’est certainement pas la Paris Hilton de tous les jours. Notre directeur artistique Bruno Sialelli, a trouvé très intéressant de travailler cette dualité selon un registre d’images néo-bourgeois, toujours très couture. A contre-emploi, l’Américaine relookée en ‘Elvira’ dans le film culte Scarface, rend hommage à l’esthétique de Jeanne Lanvin et à son patrimoine immensément riche.
Avec son carré blond impeccable, sa posture sage et raffinée… Paris Hilton aurait-elle atteint « l’âge de raison » ?
M.L : Tout à fait, elle n’est plus dans le « spot » qui l’a rendu célèbre. Aujourd’hui, Paris Hilton dirige avec succès une affaire de plusieurs milliards de dollars tout en se préparant à convoler en noces. A quarante ans, elle a aussi fait le choix de militer contre la maltraitance des enfants placés en centres de rééducation : un combat qui se nourrit d’une expérience passée traumatisante. En clair, elle est passée à autre chose mais, malgré tout, elle garde son ‘personnage’ de Paris Hilton. Quand on regarde son compte Instagram, elle est toujours un peu « girlie », dans ses voitures roses, avec des paillettes etc. Donc, on trouvait cela très paradoxal, et en même temps, très intéressant d’explorer ces nombreuses couches. La collaboration s’est très bien passée, elle a tout de suite adhéré au projet !
On comprend mieux les motivations derrière. Expliquez-nous par ailleurs comment s’opère ce retour aux sources ?
M.L : Lanvin, depuis l’arrivée de Bruno Sialelli, est engagé dans cette phase exploratrice. Notre griffe est la plus ancienne Maison de haute couture encore en activité (1889), de fait nous sommes riches du plus beau patrimoine de mode. Nos archives regorgent de trésors ! N’oublions pas que la fondatrice Jeanne Lanvin a posé les fondations de la mode en conceptualisant tout ce qui se fait aujourd’hui : jadis exclusivement tourné vers les femmes, cette précurseure a saisi l’importance de s’ouvrir à la mode masculine, aux enfants, aux sportswear, mais aussi aux esthètes. Elle leur a dédié des collections art de vivre (décoration) et beauté (parfums…). Dans l’inconscient collectif, que l’on soit aux États-Unis, en France ou en Chine, Lanvin est une marque qui nous fait voyager dans les époques, les styles. Un chic « à la française » devenu un véritable marqueur. Nous opérons un travail de fond basé sur nos archives pour créer ce dialogue entre patrimoine et actualité. Paris Hilton met un coup de projecteur sur cette ambition.
C’est un choix un peu risqué, non ?
M.L : Ce choix est totalement assumé ! Paris Hilton est une femme entière, éprise de liberté. Personne ne pourra lui dire quoi faire et comment faire. Vingt ans après l’émergence du phénomène des influenceurs, elle fait toujours l’actualité.
Comment répondez-vous à la double injonction de perpétuer votre héritage tout en étant une griffe moderne et avant-gardiste ?
M.L : C’est une problématique qui se pose à toutes les marques centenaires. Lorsque l’on regarde autour de nous, nous voyons bien que les plus anciennes Maisons de luxe opèrent un recentrage sur la figure du fondateur, sur le socle de valeurs. Nous ressentons ce besoin de garder un fil rouge pour tisser cette histoire et l’actualiser encore et toujours. Il est essentiel d’entretenir le récit, de survivre après le passage d’un designer devenu iconique. Clairement, quand on s’attarde sur la période Albert Elbaz – l’une des plus encensées – on observe que ce sont « les années Albert Elbaz » effaçant de facto la signature Lanvin. Il est essentiel de savoir survivre à un directeur ou directrice artistique charismatique. De cette manière, la griffe devient intemporelle.
Albert Elbaz a effectivement effacé Lanvin en son temps. C’était donc un défi pour vous ?
M.L : Oui, clairement on parlait plus de lui que de la marque… Certes, cela a permis à Lanvin de rayonner et de connaître un nouvel âge d’or, toutefois à son départ, il y a eu une errance créative. Aujourd’hui, le travail de Bruno Sialelli et de nos équipes se concentre sur la matrice même de la Maison, sur son référentiel culturel et patrimonial. Quand Hedi Slimane est arrivé chez Saint Laurent, il a eu ce questionnement de savoir « qu’est-ce que Yves Saint Laurent ? ». Ce travail est une étape fondamentale.
A quelle époque souhaitez-vous vous fixer ?
M.L : L’entre-deux-guerres est une période charnière pour la Maison. Pourquoi ? Parce que Jeanne Lanvin a régné en reine incontestée, le tout-Paris et le gotha international se précipitaient vers son adresse. Elle a fait beaucoup pour l’institution de la mode française en participant notamment aux expositions universelles en tant qu’ambassadrice tricolore. Partie de rien, cette couturière de génie devenue entrepreneure, était entourée de Armand-Albert Rateau et de Jean Dunand : deux artistes prédominants du mouvement Art déco. Cette travailleuse acharnée supervisait dans ces deux immeubles, rue Boissy d’Anglas, plus de 800 petites mains ! Son style allant du chapeau cloche, aux robes un peu courtes comme la « Lesbos » brodée, en passant par des tenues sublimées de perles, de plumes, était si distinctif et incontournable. C’est LA grande époque Lanvin qu’il nous plaît de revisiter.
Évidemment, il y a eu d’autres âges d’or à l’image des années Claude Montana et, nous venons d’en parler, la décennie Alber Elbaz. Nos collections actuelles renouent avec le logo de la mère et de l’enfant car c’est une signature visuelle pleine de repères qui renvoie instantanément à l’imaginaire Lanvin, à cette quintessence dans le raffinement.
Toujours pour l’exemple, lorsque l’on rentre chez Saint Laurent, on sait pourquoi on est chez Saint Laurent : ce sont les années 1970, le côté très sulfureux, c’est Betty Catroux, Loulou de la Falaise… Hedi Slimane a pour sa part réhabilité cette ère de la Maison.
En miroir à l’entre-deux-guerres, nous vivons une séquence historique qui nous impacte tous. Comment appréhendez-vous le monde d’après ?
M.L : Etrangement, à 100 ans d’intervalle, nous nous trouvons aussi dans une phase de déconstruction-reconstruction. Fort heureusement, nous ne vivons pas de guerre néanmoins il est indéniable que nous traversons une période exceptionnelle. Nous nous sommes donc questionnés sur l’après-Covid : où allons-nous ? Il en ressort l’envie irrépressible de sortir, de voir ses amis, de s’habiller pour être belle et beau, d’aller danser… C’est dans cet esprit que nous avons révélé notre dernière vidéo au moment de la campagne Paris Hilton. Sur une musique de Gwen Stefani, le tube Rich Girl, on voit une bande de jeunes qui s’amusent dans un hôtel à Paris, portant des vêtements ultra-coutures, et enchaînant des mouvements. Cette vidéo capture un besoin de retrouver un sens de la fête, une joie de vivre…comme au sortir de la Première guerre mondiale.
La néo-bourgeoise, selon Lanvin, survivra-t-elle au monde post-Covid ? Comment ce personnage va-t-il évoluer ?
La néo-bourgeoise, c’est à la fois la publicitaire parisienne qui va porter des marques de luxe très sophistiquées, elle peut tout aussi prendre l’allure d’une femme résident à Shanghai et qui a un rapport à la mode différent. Il y a un côté cosmopolite, inclusif, nous ne répondons plus aux mêmes codes, aux mêmes exigences vis-à-vis de la société. A nos yeux, la néo-bourgeoise est beaucoup plus consciente, plus libre et autonome. Donc, elle a besoin de vêtements capables d’épouser sa personnalité, ses convictions. D’ailleurs, c’est pour cela que nous sommes l’une des seules marques de luxe à avoir – dès le premier défilé de Bruno Sialelli – affichée un casting très diversifié. Pas par volonté d’être dans l’ère du temps, mais juste pour être authentique avec ce que nous sommes et encourageons : habiller tous les corps, tous les métiers et pour toutes les occasions.
<<< À lire également : Balmain Incarne Le Nouveau Chic De La Fashion Week De Paris >>>
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits