Elle habille Julia Roberts, Zendaya, comme elle accompagne le style quotidien des Françaises qui lui sont fidèles collection après collection. Anne Fontaine, c’est le chemisier blanc érigé sur un piédestal avec une capacité innée à se renouveler. Avant elle, personne ne considérait cette pièce comme un univers à part entière. Rencontre avec la plus française des designers brésiliennes.
C’est finalement dans la difficulté que la marque à succès Anne Fontaine a vu le jour…
Anne Fontaine : Au début, je n’étais pas impliquée dans l’entreprise familiale de mon mari qui confectionnait des chemises pour hommes. Lorsque la société a commencé à connaître des difficultés, j’ai commencé à réfléchir à son renouveau. Il y avait un vrai savoir-faire artisanal à préserver. Tout à fait par hasard, je me trouvais dans le grenier de notre maison et je suis tombée sur des chutes de tissus. J’ai eu un déclic, celui de développer une ligne de chemisiers blancs exclusivement consacrée aux femmes, un public auquel on ne s’adressait pas.
De partout, on avait un choix pléthorique de robes, de jupes, de tailleurs… et, finalement, rien ne se faisait côté chemisiers. C’était un défi audacieux mais qui méritait d’être tenté. La marque Anne Fontaine était née.
Contre toute attente, c’est d’abord au Japon et aux Etats-Unis que le succès a été immédiat. En France, j’étais à contre-courant. Néanmoins, je tenais à en faire une pièce incontournable du vestiaire des Françaises. Vous savez, je suis brésilienne de mère et franco-allemande de père ; à 20 ans, je suis venue m’installer à Paris sur les traces de mes origines. J’avais donc à cœur de conquérir ce public.
Aujourd’hui, votre clientèle est planétaire. D’un marché à l’autre, qu’est-ce qui séduit votre communauté ?
La chemise blanche revêt une signification particulière d’un pays à l’autre. Aux Etats-Unis, c’est un must-have symbolisant la réussite. Une femme qui est accomplie professionnellement porte souvent ce vêtement avec un tailleur, un jean… Sinon, un peu partout, le chemisier blanc est l’un des pendants de la fameuse robe noire.
Trente ans après, comment arrivez-vous à la réinterpréter ?
C’est une question que l’on m’avait très vite posée au début de ma carrière. Les journalistes étaient curieux de savoir comment je parviendrais à sortir des collections, été comme hiver, sur ce même thème. Je pense qu’il n’y a pas de limite à mon imagination, surtout lorsque j’écoute de la bossa nova (rires) ! J’adore toucher les matières, respirer les tissus, créer des pièces de caractère qui matcheront avec la personnalité de mes clientes. Petite, déjà, j’aimais m’emparer des vêtements pour les métamorphoser. A dix ans, ma mère m’avait acheté une robe pour le mariage d’une cousine… Elle était affreuse (rires) ! J’ai décidé de la retravailler en catimini en modifiant sa coupe. Je pensais m’attirer les foudres de ma mère mais c’est tout le contraire qui s’est produit : elle était bluffée !
Au-delà de la matière, c’est formidable de pouvoir jouer avec les accessoires comme les boutons de manchette, les colliers qui ajoutent de la fantaisie, de l’élégance au vêtement. Ailleurs, on choisit d’abord sa tenue avant de compléter le look par un chemisier, chez moi, c’est tout le contraire ! Elle est le point de départ à toute silhouette. Le fait d’être autodidacte me permet d’explorer avec la même passion cet univers. Je n’ai pas fait d’école de design et de stylisme, ce qui au final laisse une grande place à ma créativité, ma spontanéité.
Aussi, l’une de mes meilleures décisions est d’avoir pris pour résidence principale ma maison de campagne à Honfleur dans le Calvados ! Tous les jours, je mesure ma chance de pouvoir vivre au contact de la nature, de m’en nourrir et de ne pas être absorbée par l’agitation des villes. Sans doute, cette bulle a contribué à stimuler mon imagination et à offrir le cadre parfait pour mener de front ma vie privée et professionnelle.
Ce lien charnel avec la nature, c’est vos racines brésiliennes ?
J’ai toujours été sensible au respect de la biodiversité, ainsi j’ai suivi des études dans la biologie. A même pas vingt ans, j’ai pris une décision radicale en partant vivre en Amazonie chez des Indiens ! Le Brésil est un territoire immense, on peut très vite se couper de ce poumon vert en demeurant dans le confort des grandes villes. J’ai pris une année sabbatique et imposé ma décision à mes proches qui étaient affolés de me voir partir explorer ce territoire hostile, non pas par sa population mais par ses conditions de vie difficiles.
Cependant, il me fallait entreprendre ce retour aux sources. Là-bas, j’ai vécu ce que j’appelle « le cinéma du merveilleux », j’ai découvert un tableau minéral de toute beauté aussi enchanteur qu’utile. Le pouvoir des plantes, les savoir-faire des Indiens d’Amazonie… Je m’en suis nourrie. Quel bonheur !
Toutefois, avec le recul, je réalise la détresse de ma maman quand je lui ai annoncé une telle décision… Etant à présent mère de trois filles, je serai bouleversée si l’une d’elle m’annonçait partir découvrir un endroit hostile, dangereux. L’Amazonie, comme vous le savez, est un lieu qui attise bien des convoitises de personnes peu scrupuleuses.
Anne Fontaine : « J’ai voulu accompagner la garde-robe des femmes dans leur quotidien. Il n’y a pas que pour un rdv d’affaires ou un événement que l’on veut être apprêtée, on peut avoir envie de sortir le grand jeu un dimanche juste pour aller chercher sa baguette ! C’est toute la magie d’être une femme ! »
On comprend mieux cette capacité à relever les défis !
En fait, tout est question de passion, de convictions et de travail. Quand j’ai proposé d’aider mon époux dans le redressement de son entreprise familiale, j’étais convaincue qu’il fallait défendre un savoir-faire. J’ai eu la vision de m’adresser aux femmes et de prouver qu’il y avait tout un univers à développer. J’aime ce que je fais, j’aime faire plaisir et apporter du bonheur aux femmes Anne Fontaine. Une femme qui se sent bien dans ses vêtements sera encore plus confiante et rayonnante ! Là, je me dis que j’ai réussi, surtout si l’habit rejoint ses intemporels. Le ‘Timeless’ est un véritable marqueur.
Le chemisier blanc virginal a depuis été étoffé par des couleurs, par d’autres vêtements et accessoires : jeans, capes, robes, combinaisons, sacs, chaussures, bijoux… Est-ce venu naturellement ?
J’ai voulu accompagner les femmes dans leur quotidien, au gré de leurs humeurs. Il n’y a pas que pour un rendez-vous d’affaires ou un événement que l’on veut être apprêtée, on peut avoir envie de sortir le grand jeu un dimanche juste pour aller chercher sa baguette ! C’est toute la magie d’être une femme ! Par ailleurs, j’ai eu à cœur de designer des vêtements élégants et confortables en pensant les moindres détails. Etant une femme et styliste, je comprends parfaitement le besoin de concilier les deux aspects. Mes pairs masculins ne vont pas forcément intégrer cette liberté de mouvement.
Quand vous n’êtes pas en train de créer dans votre atelier de Honfleur, que faites-vous ?
Je me dédie à ma Fondation Anne Fontaine dont l’objectif est d’œuvrer à la préservation de la nature, par la plantation d’arbres notamment. La sensibilisation des plus jeunes est très importante également, c’est pourquoi je me rends dans des écoles pour mettre en lumière les nombreux enjeux. Je soutiens en outre de nombreuses initiatives caritatives, j’étais récemment à Singapour au gala de charité du prince Albert II de Monaco.
Anne Fontaine, en trois mots ?
La joie de vivre, l’amour. En somme, la joie de l’amour !
Pour aller plus loin :
46 avenue George V
75008 Paris
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