Un magnifique hôtel particulier rue Bassano, de grands volumes, un large escalier en marbre, et de magnifiques fresques qui ornent le plafond. Nous traversons les pièces de ce bâtiment majestueux dont l’histoire se croise avec une autre, celle de la maison Francesco Smalto qui s’est installée ici depuis quelque temps. La maison a été créée il y a 56 ans par un Italien, plus précisémment par l’homme « qui peut mêler le luxe et la sobriété, le quotidien et l’éclat » comme l’écrivait Françoise Sagan. Charles Aznavour et Claude François, Alain Delon et Jean Paul Belmondo font partie des icônes en Smalto.
Encore quelques pas rejoignant une pièce ensoleillée, où des mannequins en bois sont vêtus de tailleurs, et voilà, nous sommes gentiment accueillis par le directeur artistique de la marque, Franck Boclet.
Forbes. Bonjour Franck, parlez-nous un peu de la marque Francesco Smalto.
Franck Boclet. Bonjour. La marque a été créée en 1962 par Francesco Smalto, un Italien. Il a commencé sa carrière comme tailleur pour différentes marques, notamment pour Camps, puis a décidé, à un moment donné, de créer sa propre marque. Les années 1960, c’était l’époque du premier homme dans l’espace, de la révolution sexuelle, et en parallèle le début des grands créateurs futuristes comme Courrèges, Paco Rabanne, ou Pierre Cardin. La mode a pris des directions innovantes et révolutionnaires. Tout le monde pensait que c’était la fin des tailleurs classiques. Alors que Smalto, toujours à contre-courant, a eu l’idée de demander à André Courrèges, qui était un ami, d’inclure ses tailleurs d’homme dans les défilés Courrèges. C’est donc comme cela qu’il s’est fait connaître comme un tailleur différent des autres.
À partir des années 1980, Francesco Smalto décide de lancer sa ligne de prêt-à-porter. Il ouvre la première boutique rue François 1er, boutique qui existe toujours d’ailleurs. Grace à une publicité diffusée dans une salle de cinéma sur les Champs Elysées, il se fait connaître des stars de cinéma qui deviennent alors ses clients. Ensuite, la marque s’est développé à l’international, en Italie, dans les pays de l’Est, au Moyen Orient, afin de devenir une vraie griffe.
En 2001, la marque a été vendue à un homme d’affaire Alain Duménil qui a décidé d’investir dans les marques de luxe en commençant par Francesco Smalto.
F. Franck, racontez comment vous êtes arrivé dans la mode.
F.B. J’ai un cursus d’ingénieur textile au départ, j’ai commencé dans les petites boites de mode comme agent textile et après j’ai travaillé pour Kenzo, Arrow et Courrèges. À chaque fois on m’a demandé de m’occuper de la création. Donc finalement je suis passé de l’autre coté en acceptant ce nouveau rôle. C’est à ce moment-là que j’ai fait connaissance de Francesco Smalto dans les années 90 : j’ai commencé en m’occupant de sa ligne de prêt-à-porter tandis que lui continuait à s’occuper du sur-mesure. Je suis devenu en quelque sort son fils spirituel et j’ai continué à travailler pour la marque comme directeur artistique après que Monsieur Smalto se fut retiré de la société.
En 2007, j’ai quitté la maison pour une nouvelle aventure chez Emanuel Ungaro où j’ai travaillé pendant quatre ans. Ensuite je suis parti pour créer ma propre griffe Franck Boclet que j’ai arrêtée en 2012 tout en gardant la ligne de parfums qui continue à très bien marcher à date. Puis le hasard de la vie a fait qu’il y a six mois on m’a appelé pour revenir travailler dans la maison de Smalto (c’est presque ma maison) pour redresser la barre.
F. Comment pensez-vous révolutionner la marque aujourd’hui avec votre retour ?
F.B. Ah, c’est une question directe (rires). Bien évidemment, je repars en respectant l’ADN de Smalto, c’est-à-dire le savoir-faire d’un tailleur homme avec un coté très masculin, beaucoup d’élégance, du tissu de qualité et toujours avec un petit côté de provocateur. La marque a toujours aussi bien habillé les princes et les hommes d’Etat que les vedettes du showbiz et les stars du cinéma. Je vais garder son ADN et ses bases en rajoutant de nouvelles matières, de nouvelles coupes, et parfois des reprises d’anciennes collections d’il y a dix ans car la mode reste un éternel recommencement. Ce qui fera la différence dans la nouvelle collection été 2018, c’est qu’on personnalisera beaucoup plus les tailleurs qu’avant en utilisant des broderies faites main. Clin d’œil 2018, on va rajouter une petite ligne, uniquement de 12 pièces, de smoking red-carpet pour femmes.
Concernant les broderies, elles seront personnalisées. Un client qui voudra avoir une petite touche personnelle sur son tailleur pourra commander un motif ou une boutonnière uniques spécialement conçus pour lui.
F. Combien coûte un tailleur chez Smalto?
F.B. La marque s’adresse à une clientèle assez aisée. Un tailleur sur-mesure commence à partir de 6500-7000 €. Un tailleur prêt-à-porter première ligne va couter entre 2300 et 5000 €. Et deuxième ligne entre 1200 et 2000 €.
F. Il y avait un contrat entre Smalto et l’équipe de France de football. Existe-t-il toujours ?
F.B. Oui, on est toujours habilleur officiel de l’équipe de France. C’était moi qui avais initié ce contrat en 2006. Il n’y avait pas de stratégie de notre côté, c’est la Fédération qui est venue nous voir. Ils ont cherché un nouveau style pour habiller leur équipe. Et c’était très intéressant pour nous aussi car j’avais déjà habillé, en hommage à la Coupe du monde en France, les sportifs comme Yannick Noah, José Touré, Basile Boli. J’avais déjà un certain intérêt pour ces personnages charismatiques en qualité de communicant en publicité à la place des acteurs.
F. À l’occasion de la Coupe du monde de football 2018, qui a lieu cette année en Russie, faites-vous quelque chose de particulier avec eux?
F.B. On habille les nouveaux joueurs, on a fait des photos officielles le 30 mai à Clairefontaine, mais on ne fait rien de particulier pour l’instant. On continue ce qu’on a déjà commencé.
F. Pouvez-vous nous donner quelques chiffres sur la maison Smalto. Par exemple, quel est le chiffre d’affaire aujourd’hui ?
F.B. Malheureusement le chiffre d’affaire est en baisse, il est autour de 7 millions avec la ligne de prêt-à-porter inclue. L’objectif est donc de le remonter à 12-15 millions pour les trois prochaines années. Ce qui est tout à fait possible puisqu’il était à 25 millions quand je suis parti il y a dix ans.
F. Avec quels moyens comptez-vous atteindre cette objectif ?
F.B. Par l’action commerciale, par la création, par le produit. En re-dynamisant les boutiques, le réseau licence dans les accessoires (parfums, ceintures, etc). C’est comme un bébé qui est tombé et qu’il faut aider à remonter la pente. Parce que le nom est encore là. Donc on va relancer la marque partout où elle a été connue : pays francophones, pays du Moyen Orient, pays d’Afrique noire, pays de l’Est. Et après on attaque le nouveau marché, les pays d’Asie.
F. Pensez-vous que cette absence de dix ans va vous permettre d’avoir un regard neuf et différent pour rebooster la marque?
F.B. Certainement, le fait d’être passé par des aventures différentes, d’avoir créé ma propre société, mes parfums, d’avoir travaillé en free-lance et gérer des clients dans différents pays m’a apporté beaucoup d’expériences et de connaissances dont je peux faire profiter aujourd’hui Smalto.
F. Aujourd’hui vous positionnez-vous comme un entrepreneur au sein de la maison ? Avez-vous les coudées franches?
F.B. J’ai les coudées franches en respectant le budget bien évidement !
F. Un grand merci Franck et bon courage pour cette mission.
F.B. Merci a vous.
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