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Le secteur du luxe de plus en plus solide sur ses fondations

Lancé en 2017, le programme Women@Dior est un projet international de mentorat et d’éducation consacré à l’autonomisation des jeunes femmes.

Derrière les vitrines scintillantes et les campagnes millimétrées des maisons de luxe, une révolution discrète se joue : celle de l’engagement social. Fondation, mécénat, partenariats avec des associations… Aujourd’hui, s’engager est devenu une nécessité stratégique pour ces géants du raffinement.

Un article issu du numéro 29 – hiver 2024, de Forbes France

L’élégance peut-elle sauver le monde ? Si la question paraît audacieuse, elle résonne pourtant dans les salons feutrés des maisons de luxe. Ces bastions du raffinement, longtemps synonymes de rareté et d’exclusivité, opèrent aujourd’hui une transformation à la fois discrète et ambitieuse. Une évolution où la recherche de l’excellence ne se limite plus à l’artisanat ou à la création, mais s’étend à un engagement social et culturel. Car derrière la splendeur des vitrines et la perfection des campagnes publicitaires, se cache une autre réalité : celle de marques qui se veulent désormais actrices du changement.

Mais pourquoi cette appétence pour la philanthropie ? S’agit-il d’une réponse pragmatique aux attentes de consommateurs plus exigeants, avides de transparence et de valeurs éthiques ? Ou bien d’un virage naturel pour un secteur en quête de sens dans un monde en mutation rapide ? Pour saisir l’essence de ce phénomène, il convient d’explorer ses origines, de décrypter les motivations des acteurs de ce luxe engagé et de comprendre les causes qui leur tiennent à cœur.

 

Les prémices d’un engagement

Il fut un temps où les actions philanthropiques des maisons de luxe se faisaient dans l’ombre, presque en silence. À l’origine, tout commença par des mécénats modestes, souvent liés aux mondes de l’art et de la culture. Ces initiatives, bien que louables, n’étaient pas conçues pour briller sous les projecteurs. Elles répondaient davantage à une logique de préservation du patrimoine culturel qu’à une véritable stratégie d’impact social.

La fondation Cartier pour l’art contemporain, lancée en 1984, fut l’une des premières à affirmer cette volonté. En soutenant des artistes émergents et en promouvant une vision avant-gardiste de l’art, Cartier a non seulement consolidé son image d’innovateur, mais a aussi ouvert la voie à une nouvelle ère pour le mécénat dans le secteur du luxe. Peu à peu, ce modèle s’est étendu à d’autres sphères : l’éducation, la durabilité environnementale et l’égalité des chances.

Ce n’était plus une question d’opportunité, mais une nécessité. Les maisons de luxe, autrefois observatrices des grands bouleversements sociaux, ont réalisé qu’elles pouvaient et devaient jouer un rôle actif dans la société.

L’engagement philanthropique n’est pas qu’un simple élan de générosité, comme une réponse aux critiques souvent adressées à une industrie perçue comme élitiste, voire déconnectée. Réponse à une transformation profonde des aspirations des consommateurs qui attendent des marques plus d’authenticité. À l’heure où les valeurs de durabilité, d’éthique et d’inclusivité guident les choix d’achat, surtout parmi les jeunes générations, les marques se retrouvent face à un impératif : évoluer ou risquer l’obsolescence.

Mais il ne s’agit pas seulement de répondre à une demande. Ces initiatives traduisent également une quête de légitimité. Être une maison de luxe, ce n’est pas seulement vendre des produits exceptionnels, c’est incarner des idéaux, transmettre un héritage, et raconter une histoire qui dépasse le tangible. Dans cette optique, la philanthropie devient un levier essentiel : elle enrichit le récit de la marque, renforce les liens émotionnels avec les clients et confère une nouvelle profondeur à son image.

Alors que les causes soutenues se multiplient, certaines lignes directrices se dégagent. L’art et la culture restent des piliers incontournables. À travers des fondations ou des partenariats, les maisons continuent de promouvoir la créativité et de préserver un patrimoine culturel universel. Mais d’autres enjeux gagnent en importance. L’éducation, notamment par le biais de formations aux métiers d’art, s’impose comme une priorité pour préserver les savoir-faire artisanaux, essentiels à l’ADN du luxe.

Et puis, il y a l’environnement. Le réchauffement climatique et ses conséquences redessinent les contours des engagements philanthropiques. Des initiatives comme le Landscape Resilience Fund ne se contentent pas de limiter l’impact écologique des maisons de luxe, elles participent activement à des solutions globales, prouvant que raffinement et responsabilité peuvent aller de pair.

Si l’engagement philanthropique du luxe s’incarne dans des dynamiques globales, il se traduit aussi par des initiatives portées par des maisons emblématiques. Chacune, fidèle à son histoire et à ses valeurs, a su construire un héritage philanthropique unique, qu’elle enrichit année après année. Dior, Chanel, Cartier et Louis Vuitton illustrent parfaitement cette tendance, chacune apportant sa vision singulière du luxe engagé. De l’éducation à la culture, en passant par la durabilité et l’artisanat, leurs actions s’inscrivent dans une quête commune : celle de concilier tradition, modernité et responsabilité.

 

La fondation Chanel : un engagement durable pour les femmes et les jeunes filles

Depuis sa création en 2011, la fondation Chanel place les femmes et les jeunes filles au cœur de ses actions philanthropiques. Convaincue que leur autonomie est un levier essentiel de transformation sociale, elle soutient des projets visant à améliorer leur condition économique et sociale à travers le monde. En collaborant avec des associations et des entreprises sociales, la fondation adapte ses interventions aux réalités locales tout en répondant à des enjeux globaux.

En Chine, par exemple, le programme YES4U, mené en partenariat avec Plan international France, accompagne les jeunes migrants dans leur insertion sociale et professionnelle. Cette initiative illustre l’approche pragmatique de la fondation Chanel, qui s’appuie sur des partenariats pour maximiser l’impact de ses actions. Plus qu’une aide ponctuelle, il s’agit de créer des opportunités durables, ancrées dans les besoins des communautés concernées.

Au-delà de l’éducation et de l’insertion, la fondation Chanel s’attaque également à des enjeux mondiaux, comme la lutte contre le changement climatique. En 2018, elle a rejoint ONU Femmes dans un projet ambitieux visant à promouvoir l’égalité des sexes tout en répondant aux défis environnementaux. Ce croisement entre enjeux climatiques et sociaux reflète une vision holistique de la philanthropie, où chaque cause est abordée comme une partie intégrante d’un écosystème global.

Parallèlement, la fondation s’engage à revaloriser la place des femmes dans les arts et la culture. Depuis 2016, elle soutient des projets qui mettent en lumière leurs contributions dans ces domaines, trop souvent sous-représentées. À travers ces initiatives, elle cherche à rééquilibrer les représentations et à offrir une visibilité accrue à des talents souvent oubliés.

 

L’art et la responsabilité selon LVMH

 

La fondation Louis Vuitton, inaugurée en 2014, incarne l’engagement du groupe LVMH en faveur de l’art et de la culture. Conçue par l’architecte Frank Gehry, cette institution se consacre à la pro- motion de l’art moderne et contemporain, tout en rendant ces expressions artistiques accessibles au plus grand nombre.

Depuis son ouverture, la fondation a organisé des expositions majeures telles que Icônes de l’art moderne. La Collection Chtchoukine, qui a attiré 1,2 million de visiteurs en quatre mois. Elle propose également des concerts, des performances et des colloques, affirmant ainsi son rôle de plateforme culturelle dynamique. En 2024, Louis Vuitton a renforcé son engagement culturel en concluant un partenariat avec le musée d’Orsay. Signé pour la période 2026-2030, il prévoit une contribution de 20 millions d’euros pour financer des travaux de réaménagement visant à améliorer l’accueil des visiteurs.

Le groupe LVMH, maison mère de Louis Vuitton, a démontré son engagement philanthropique lors de crises internationales. En 2019, le groupe a fait un don de 11 millions de dollars pour lutter contre les incendies en Amazonie. En 2022, il a versé 5 millions d’euros à la Croix-Rouge pour soutenir les victimes de la guerre en Ukraine en signe de solidarité. À noter que Bernard Arnault a fait un don de 200 millions d’euros pour la restauration de Notre-Dame-de-Paris à titre personnel et non sous l’égide de la fondation LVMH.

La maison Dior, autre maison du groupe LVMH, s’engage activement dans des initiatives philanthropiques, notamment en faveur des enfants dé- favorisés. En collaboration avec la Naked Heart Foundation, fondée en 2004 par Natalia Vodianova, Dior contribue à la construction d’aires de jeux dans des régions pauvres et au soutien des familles ayant des enfants aux besoins spécifiques ou en situation de handicap.

Lancé en 2017, le programme Women@Dior est un projet international de mentorat et d’éducation consacré à l’autonomisation des jeunes femmes. Ce programme unique offre aux participantes l’opportunité de développer leur confiance en elles et de façonner leur avenir professionnel. En 2020, Women@Dior a renforcé son impact en s’associant à l’Unesco, élargissant ainsi sa portée à plus de 2 000 jeunes femmes issues de divers horizons académiques et culturels. Les participantes bénéficient d’un mentorat personnalisé dispensé par des experts de Dior, ainsi que d’un accès à une plateforme éducative en ligne proposant des cours sur le leadership, l’égalité des sexes et le développement durable.

Par ailleurs, Dior participe à l’action « Entreprise pour les aidants » de la Grande Cause pour les aînés, en partenariat avec Make.org Foundation et Handéo. Cette initiative accompagne les salariés aidants, ceux qui assistent un proche âgé ou handicapé, en lui offrant un soutien adapté pour concilier vie professionnelle et responsabilités personnelles.

La maison Parfums Christian Dior a, quant à elle, noué un partenariat avec le WWF pour contribuer à la régénération de la biodiversité. Ce partenariat, initié en 2023, se décline en deux volets : un accompagnement technique pour évaluer et maîtriser l’empreinte de la maison sur la biodiversité et un mécénat visant à préserver et restaurer de vastes espaces naturels en France et en Amérique du Nord. En France, l’accent est mis sur la protection des habitats forestiers et l’étude de la population

du lynx boréal. En Amérique du Nord, l’objectif est de restaurer 15 000 hectares de corridors naturels pour favoriser le retour d’espèces emblématiques telles que le jaguar.

 

La fondation Cartier : quarante ans au croisement de l’art et des engagements féminins

 

Depuis sa création en 1984, la fondation Cartier pour l’art contemporain s’impose comme un acteur incontournable du paysage artistique mondial. Première fondation privée dédiée à l’art contemporain en France, elle incarne l’audace et la liberté d’une maison de luxe qui a su placer la création et l’innovation au cœur de son identité. Sous l’impulsion d’Alain Dominique Perrin, alors président de Cartier international, la fondation voit le jour avec une mission claire : offrir un espace d’expression libre aux artistes, qu’ils soient reconnus ou émergents, et encourager la transversalité entre les disciplines.

En 1994, elle s’installe dans un bâtiment emblématique du boulevard Raspail à Paris, conçu par l’architecte Jean Nouvel. Ce chef-d’œuvre de verre et d’acier, pensé comme un lieu ouvert et modulable, reflète l’esprit novateur de la fondation. Cet espace a accueilli des expositions marquantes, mêlant peinture, photographie, cinéma, architecture et design, tout en défiant les codes classiques des institutions muséales. En 2025, la fondation Cartier franchira une nouvelle étape en emménageant place du Palais-Royal. Ce nouveau site, également signé Jean Nouvel, sera doté d’espaces d’exposition adaptables et de plateformes mobiles permettant de renouveler sans cesse les perspectives. Avec ce projet, la fondation continue de repousser les limites de l’innovation architecturale et culturelle.

Cependant, l’engagement de la fondation Cartier ne se limite pas à l’art contemporain. Depuis 2006, elle porte également un programme phare en faveur des femmes : le Cartier Women’s Initiative. Ce projet international, mené en collaboration avec l’Insead, identifie, soutient et accompagne des femmes entrepreneures sociales du monde entier. Ces dernières bénéficient d’un soutien financier, de formations stratégiques et d’un réseau d’experts pour développer des projets à fort impact social ou environnemental. À travers cette initiative, la fondation Cartier agit concrètement pour réduire les inégalités de genre et promouvoir des solutions innovantes à des défis sociétaux majeurs. Parmi ses engagements féminins, la fondation met également en lumière les contributions des femmes dans le monde artistique. Ses expositions, souvent audacieuses, accordent une attention particulière aux voix féminines, leur offrant une plateforme où elles peuvent s’exprimer librement. Cette démarche traduit une volonté d’équilibre et de reconnaissance dans un milieu où les femmes ont longtemps été sous-représentées.


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