Le fameux » Flying B » est pour nous tous un symbole du luxe, mais ce n’est là que le sommet de l’iceberg. Derrière les voitures extraordinaires se cache tout un écosystème mêlant techniques ultra-modernes et savoir-faire ancestral. Privilège rare, Bentley nous a ouvert les portes de sa factory, l’occasion de vous faire découvrir les coulisses de la conception de ces automobiles d’exceptions.
Crewe, terre de traditions
Au cœur de la campagne verdoyante du centre de l’Angleterre, les installations de Bentley sont à une heure au sud de Manchester. C’est, pour nous Français, une vraie carte postale britannique, avec ce qu’elle comporte de meilleur, les maisons de briques rouges, les manoirs baroques et autres moutons galopant dans les prés ! La Bentley-Factory est un lieu chargé d’histoire car lors du rachat de la marque par le groupe VW en 1998, Bentley a repris les locaux occupés jadis par Rolls-Royce. C’est d’ailleurs dans ces mêmes bâtiments que furent construits, durant la guerre, les fameux moteurs des légendaires avions Spitfire. L’usine originelle est toujours en exploitation, bien que largement modernisée.
Accueil princier, mise en condition royale
Le transfert de l’hôtel à l’usine plante le décor, en effet ce n’est, ni plus ni moins, qu’une Bentley Mulsanne (le joyau de la gamme) qui nous attendait au pied du manoir. Quoi de mieux pour apprécier le confort royal qu’offre cette limousine, que de se laisser emmener par son chauffeur. A l’arrière de ce palace roulant, il est très compliqué d’apprécier le paysage tant on est émerveillé par la beauté de cet intérieur. Le voyage prend une dimension exceptionnelle dans cette ambiance feutrée ou tout est dédié à une seule chose, votre bien-être. L’arrivée chez Bentley se fait par une route datée et un peu cabossée. Le chauffeur, avec ce flegme « So British », nous expliquera que si une Bentley reste confortable sur cette route, alors elle le sera sur toutes les routes du monde…
Sous l’œil du fondateur Walter Owen Bentley
Pour comprendre les gènes d’une telle marque, il faut commencer par s’intéresser à son histoire, à ce qui fait son socle. C’est donc tout naturellement que la première image que l’on voit, après avoir passé la porte, est celle de W.O Bentley, celui qui créa la marque en 1919. Après des débuts dans les chemins de fer, puis comme concessionnaire (pour une marque française : DFP), il crée, à Londres, ses propres voitures à son nom. Les automobiles Bentley étaient nées. Au départ il ne produisait que des châssis avec moteur, en effet à l’époque de multiples carrossiers proposaient d’habiller les voitures. Tradition que l’on retrouvait également en France avec Bugatti ou Delahaye. Avec les fameux Bentley-Boys, la firme remporta de nombreuses victoires en courses, mais ce qui fit sa légende ce sont les 5 titres gagnés au Mans en 1924, 1927, 1928, 1929 et 1930. En 1930, la ‘Blue Train’ releva même le défi de rejoindre Cannes à Londres plus rapidement que le train. Pari réussi, à une époque où les routes étaient loin de proposer confort et sécurité ! 1931 sera l’année de l’absorption par Rolls-Royce qui fera évoluer la marque jusqu’en 1998, date du passage sous giron allemand. L’histoire de Bentley est émaillée de succès et de péripéties financières mais la ligne directrice n’a jamais été interrompue, proposer des automobiles alliant sportivité et confort de haute volée.
100 ans d’histoires en traversant une rue
Une rue sépare le mini-musée de l’usine de production, en un instant on passe de l’histoire à la réalité. Le changement d’ambiance est radical, des dizaines de carrosseries sont suspendues et défilent au rythme de leur assemblage. Malgré quelques robots et la multitude d’installations à la pointe de la modernité, on sent qu’ici encore c’est la main de l’homme, le savoir-faire, qui est privilégié. Il suffit de s’attarder un peu à l’atelier de contrôle peinture pour comprendre le niveau d’exigence demandé. Là trône un immense capot de Mulsanne, en trois endroits des ronds de craie blanche isolent des défauts de peinture. Après avoir scruté, à plusieurs, cette pièce de carrosserie, personne n’a jamais réussi à distinguer le moindre problème ! Il faut croire que les années d’expériences des maîtres carrossiers Bentley, développent chez eux des qualités d’observation hors du commun. Au fil des allées se dessinent de belles carrosseries (dont la Continental Convertible…), et également de belles mécaniques. C’est l’occasion d’admirer de plus près le fameux et imposant moteur W12 : une pièce impressionnante qui dévoile également le train avant. Vu de près, les disques et mâchoires de freins sont énormes, certainement les plus gros que j’ai pu observer sur une supercar. Interdiction de filmer ici, mais on notera quand même la multitude de peintures personnalisées, avec parfois des goûts particuliers, comme cette teinte jaune-dorée sur une Mulsanne…
Un trésor…en bois
La partie « bois » de l’usine est encore une fois un mélange de techniques ultra-modernes et de savoir-faire artisanal. Certes les découpes des feuilles de bois précieux sont faites au laser, mais le polissage, l’assemblage voire la marqueterie, restent l’affaire de maîtres d’arts. Dans le » woodshop « , des exemples de différentes essences sont présentées, et si le bois rare et précieux vous semble trop banal, il existe même des plaquages en feuilles de roche ! La pièce climatisée où sont stockées les différentes feuilles de bois est exceptionnelle, tout d’abord parce qu’y pénétrer est rare, mais parce qu’une fois à l’intérieur l’odeur des essences naturelles est incroyable. En jetant un œil sur les étiquettes c’est un voyage qui s’offre à moi. Là des bois de Californie, là d’Espagne, là d’Hawaï, toute la planète est présente dans cette réserve précieuse. Parce que chez Bentley on s’attache aux détails et aux anecdotes, j’ai pu découvrir les étapes de fabrication d’un haut de portière de Mulsanne. A partir d’un bloc de bois massif, il sera découpé, formé et plaqué. Le détail ultime c’est la partie cachée de la portière qui n’est pas recouverte du plaquage afin d’être visible uniquement des passagers à l’intérieur de la voiture… il faut être dans une Bentley pour en découvrir tous les secrets !
Des intérieurs garnis de cuirs et d’exclusivités
Traditionnellement, les limousines hippomobiles étaient équipées de sièges en cuirs pour le cocher (soumis aux intempéries) et d’un habitacle tendu de matériaux, considérés plus nobles, comme le velours de soie ou le cachemire. Désormais le cuir équipe l’ensemble de l’habitacle et dans une Bentley il y a de quoi faire. Entre 10 et 20 peaux sont nécessaires pour habiller les sièges, les portes, le ciel de toit, il y en a partout. L’atelier sellerie est l’occasion de découvrir des cuirs qui en plus d’êtres superbes sont tannés et traités avec des produits respectueux de l’environnement. Le choix des couleurs est presque infini, on peut imaginer avoir un intérieur vert fluo à coutures roses ! Pour ma part, et après avoir testé plusieurs combinaisons, je resterai sur un choix plus sage. Les personnalisations sont très larges, du logo brodé en passant par les surpiqures, ici c’est quasiment du travail à façon, pas de place pour l’industriel.
Toujours plus loin dans l’exclusivité, entrez dans le département Mulliner
Une Bentley « de base » offre des prestations de haut rang, mais Bentley prouve qu’au-delà de la perfection il y a encore plusieurs étapes. C’est la mission du département Mulliner, offrir ce qui n’est pas au catalogue. Ici on ne parle pas d’argent, mais d’envies. Il est possible, par exemple, de faire des garnitures de portes en marqueterie intégrant un paysage ou le blason de votre noble famille. Vous souhaitez une version rallongée avec coffre-fort intégré ? Aucun problème, ici on laisse libre cours à l’imagination. Certains modèles de séries peuvent également bénéficier de pack limité, comme la Mulsanne WO édition, cent exemplaires à la peinture et aux finitions sombres pour un résultat très sportif et très élégant. Luxe suprême, dans l’accoudoir arrière se cache un morceau du moteur 8 litres des années 30, mais c’est surtout un morceau d’histoire car il est issu de la voiture personnelle de W.O. Bentley, la GK706.
Derrière la Continental GT, 100 ans d’histoire et de savoir-faire
La dernière Continental GT est un concentré de ce que Bentley propose en terme de luxe et de sportivité. Cerise sur le gâteau un entretien avec le responsable du design intérieur m’a permis d’encore mieux l’apprécier. La console et le tableau de bord formant le blason ailé, les inserts de cuivre dans les boutons pour rendre hommage au métal utilisé dans les premières productions de la marque, ici tout est dans le détail, tout raconte une histoire. Et lorsque l’on me confie les clés c’est avec encore plus de plaisir que je prends la route à bord de cette automobile d’exception. Tenue de route, confort, agrément moteur, la Continental distille un plaisir des sens à chaque tour de roue. Cet essai clôturera mon parcours au sein de la vénérable firme anglaise.
Comprendre pour mieux apprécier
Plus qu’un privilège, ce devrait être obligatoire de visiter la maison de Crewe avant chaque achat, parce qu’avant toute chose il faut comprendre qu’une Bentley est bien plus qu’un objet de luxe, c’est l’aboutissement d’une histoire, un concentré de talent et de savoir-faire. Icône moderne de la sportivité chic, Bentley reste le gardien d’un artisanat de haute qualité, comme quoi le luxe est souvent d’abord une histoire humaine.
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