Ils ne sont pas nombreux à faire partie du Panthéon des trains de légende. L’Eastern & Oriental Express Train est l’une de ces merveilles intemporelles qui vous embarquent dans un voyage unique entre Belle-Epoque et exotisme extrême-oriental. De Bangkok, la trépidante, à Singapour la futuriste en passant par la Malaisie dans toute sa magnificence, c’est un itinéraire enivrant de plus de 2000 km sillonnés en quatre jours, qui vous tend les bras. Prenez place, Forbes vous emmène à l’intérieur de ce palace roulant qui fascine toujours des décennies après. Récit.
Jour 1 : Les couleurs sont criardes (jaune poussin, vert bouteille ou rouge sang), les femmes rivalisent d’élégance dans leurs tenues traditionnelles que je devine indienne, thaïlandaise, chinoise ou moyen-orientale, le personnel de gare – lui – prend parfois la pose le temps d’un selfie réclamé par des touristes occidentaux adeptes d’Instagram : c’est un spectacle sensoriel haut en couleur qui s’offre à moi lorsque je pénètre dans la moiteur tropicale de la gare de Bangkok Hua Lampong. Paris et ses 3°c sont déjà si loin ! Des trains d’un autre âge sifflent péniblement tandis que mon regard est interpellé par une mystérieuse scène, plus précisément par l’attroupement de personnes autour d’un train stationné sur le dernier quai : 22 voitures racées au subtil mélange vert et crème drapé dans de délicates touches dorées font cliqueter les flashs. Il faut dire que la silhouette est majestueuse ! « Vous savez, je suis très ému de le voir en vrai, de pouvoir le contempler. L’Eastern & Oriental Express Train a même été immortalisé par le réalisateur David Lean en 1957 dans le célèbre film ‘Le pont de la Rivière Kwaï’ ! », me confie un touriste indien, enseignant de profession, visiblement très ému. Adapté à partir d’un roman de Pierre Boulle, l’œuvre cinématographique a participé à façonner la légende de l’Eastern & Oriental Express Train.
La puissante machine comprend deux voitures-restaurants et une voiture-bar. Construit en 1972 au Japon pour la Société de chemins de fer Néo-zélandaise, le train rejoindra vingt ans plus tard la prestigieuse collection Orient-Express du Britannique Belmond (racheté en décembre 2018 par le numéro 1 mondial du luxe, LVMH). Avec ses 46 hôtels, trains et croisières fluviales Haute-couture, l’hôtelier propose l’un des catalogues les plus fascinants qui soient : hôtels intemporels à Venise, Rio et Saint-Pétersbourg, expériences VIP au Machu Picchu, à Angkor Wat ou dans les rivières énigmatiques du Myanmar. Co-propriétaire de l’Eastern & Oriental Express Train, l’iconique groupe d’hôtellerie de luxe, YTL Hotels qui détient également des adresses mythiques à l’instar du Majestic Malacca, du Muse à St Tropez…et très prochainement Monkey Island en Angleterre. L’E&O est un écrin luxueusement transformé à Singapour : teck birman qui habille la plateforme d’observation, fauteuils capitonnés, moquettes et tapisseries Belle-Epoque, le décor nous immerge dans une atmosphère digne de l’univers de la grande Agatha Christie.
Il est temps à présent de gagner le lounge Eastern & Oriental Express Train de la gare Hua Lampong pour procéder à mon enregistrement et rencontrer mes futurs compagnons de voyage. J’apprécie notamment de m’extirper de l’humidité ambiante afin de rafraîchir mon épiderme à coup de climatisation bienvenue. Chaleureusement accueillie par le Responsable des opérations, Wofgang, dans un Français parfait – ne trahissant en rien son origine autrichienne – je prends place dans un des fauteuils cosy et me délecte d’une collation : il s’agit du cocktail du Roi de Thaïlande, une savoureuse boisson à base d’ananas. J’entends principalement parler anglais, très peu français, et comprends que la langue de Molière sera plutôt minoritaire pendant la traversée du Sud-Est asiatique. L’horloge affiche bientôt 17 : 50, nous sommes maintenant invités à rejoindre le quai. Face à nous, un élégant ballet de danseuses en toilettes traditionnelles thaïlandaises qui se livrent à une magnifique chorégraphie : ce folklore accompagne chaque départ de l’Eastern & Oriental Express. Dans une routine parfaitement exécutée, le personnel de bord nous dirige dans nos cabines attitrées.
J’apprends qu’un maître d’hôtel dédié se chargera de répondre à chacun de mes souhaits durant ma villégiature. Les mains jointes dans le geste gracieux du Wai, Pawan me salue : j’entrevois dès lors la promesse d’un voyage mémorable à venir. Je découvre l’intérieur des compartiments et me retrouve téléportée dans le faste de l’époque coloniale : meubles en rotin et en teck, panneaux muraux en bois de cerisier, appliques en laiton, lustres en cristal, tapis orientaux et meubles rembourrés brodés à la main et cuivre astiqué. Ma cabine comprend un canapé qui le soir venu se transforme en lit, un pouf placé contre le dressing se muera en table basse lors du petit-déjeuner, la salle d’eau spartiate accueille une douche. D’épaisses serviettes de toilette siglées E&O et des orchidées violettes dans un petit vase font écho à la prose de Joseph Kessel dans Wagon-lit (1932) lorsqu’il emprunta le train mythique : « Le miracle était à l’intérieur, dans cette boîte close, vernie et capitonnée, et dans les battements de mon cœur fondu aux halètements de la bête métallique qui m’emportait, m’emportait..». 87 ans après, la magie demeure intacte.
L’Eastern and Oriental Express train propose quatre catégories d’hébergement privé : Pullman Simple, Pullman, Cabine State et Cabine Presidential, qui sont entièrement climatisées.
Le train s’éloigne de Hua Lampong station, exit la mégalopole bangkokoise et place à l’immersion dans l’exotisme thaïlandais. Depuis ma fenêtre panoramique, je contemple les palmiers, cocotiers, arbres du voyageur et autres temples ostentatoires qui jalonnent la voie ferrée. Des enfants en pleine partie de football s’arrêtent un instant et nous saluent chaleureusement tandis que le train n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière. Ces instantanées de vie aux antipodes suscitent bien d’enthousiasme parmi les guests, y compris moi. Pawan m’invite bientôt à rejoindre le wagon-restaurant pour dîner. Le dress code se veut chic et élégant, le salon ‘Rosaline’ – que je rejoins – est somptueusement décoré de bois de rose et de lambris d’orme. Valentin Waldman, directeur général de l’Eastern & Oriental Express Train, se présente aux convives dans son impeccable smoking. J’ai le plaisir de dîner avec ce Français expatrié fin connaisseur du Royaume. Au détour d’anecdotes, j’apprends notamment que d’éminents hommes politiques français ou des étoiles d’Hollywood – pour ne citer que Johnny Depp – ont été résidents de l’E&O.
Place aux agapes !
Le Chef français Yannis Martineau officie en cuisine depuis plusieurs années. Le natif de la Roche-Sur-Yon (Vendée) affiche un CV cinq étoiles, jugez plutôt : il a fait ses armes à l’Elysée et dans les cuisines des Meilleurs Ouvriers de France, Guy Krenzer et Lionel Lallement. Mêlant saveurs locales inspirées des pays parcourus par l’Eastern & Oriental : Thaïlande, Malaisie et Singapour, et grands classiques culinaires français (magret de canard, médaillon de bœuf avec croquette de foie gras), la gastronomie du Chef Yannis Martineau est une expérience culinaire de haut vol ! Son agneau cuit à feu doux servi dans un style massaman avec ses cacahouètes croquantes, sa soupe de nouilles et de gambas au curry singapourien, ou son dôme d’ananas mousseux agrémenté de cerises et de chocolat blanc réjouissent le palais ! L’admiration est encore plus grande pour le Chef et sa brigade lorsque vous découvrirez qu’ils ne disposent que de 12 mètres carrés pour élaborer cette cuisine étoilée dressée dans de l’argenterie, de la porcelaine fine et des verres en cristal.
Jour 2 : Après une première nuit à bord de l’Eastern & Oriental Express Train, je suis impatiente de débuter ma journée : il faut dire qu’une excursion sur le Pont de la Rivière Kwaï est planifiée ce jour. Mon Stewart Pawan – que j’adore déjà ! – me dépose un plateau bien garni pour mon petit-déjeuner en chambre : jus d’orange pressé, pains frais, sélection de miel, céréales et café au lait, en guise de cappuccino, me font presque oublier que je suis à bord d’un train en pleine marche et non dans un hôtel.
Il me tarde à présent d’aller prendre un bon bol d’air frais depuis le wagon d’observation en queue de voitures. La forêt thaïlandaise luxuriante défile sous nos yeux dépaysés. « A trop montrer Phuket ou Koh Samui, on en oublie que le Royaume a également ces beaux paysages à offrir », me glisse Doris, une touriste écossaise venue en couple. Rapidement, nous sympathisons. Cette joyeuse retraitée habituée à courir le monde ne résiste pas à l’envie de me questionner sur ‘les Gilets Jaunes’… « Mais que Diable se passe-t-il chez vous ? La situation commence à s’éterniser, et Paris me manque, vous savez ! », confie-t-elle dépitée. Alors que nous échangeons nos points de vue, pénétrant plus profondément dans la jungle thaï, deux trentenaires ayant troqué leurs costumes trois pièces emblématiques de la City à Londres, pour de confortables bermudas, se joignent à la discussion : « Le problème vient-il vraiment d’une énième taxe sur l’essence ? Non, ce n’est pas possible à la vue de cette colère ». Cocktails en mains, nous voilà à disserter politique et différences culturelles : le fameux flegme britannique à toutes épreuves, vous l’avez compris !
L’heure est venue de se rassembler au piano-bar pour se projeter, cette-fois, sur les vestiges d’une autre période troublée : la Deuxième Guerre mondiale. A 128 kilomètres à l’ouest de Bangkok, sous un ciel radieux, nous débarquons. Face à nous, le Pont de la Rivière Kwaï si emblématique de l’Histoire mouvementée du Sud-Est asiatique alors sous domination japonaise. Des milliers de prisonniers de guerre (Britanniques, Américains, Néerlandais, Australiens, Malais, Birmans…) ont été réduits au rôle de bêtes de somme pour édifier à mains nues ou à l’aide d’outils rudimentaires, la voie ferrée – ô combien stratégique – entre la Thaïlande et la Birmanie. Un historien local nous contera dans le détail le funeste destin de ces vies fauchées, si jeunes. A bord d’une embarcation confortable, nous entreprenons une croisière le long de la rivière pittoresque Kwai Yai passant sous le fameux pont. La visite se poursuit au musée du Thailand-Burma Railway Centre avant de se ponctuer par une marche piétonne jusqu’au Don Rak War Cemetary, afin de se recueillir près des tombes fleuries de ces Hommes passés dans la postérité.
De retour à bord de l’Eastern & Oriental Express Train, la journée reprend sur une note bien plus légère. Wolfgang nous propose de confier nos états d’âme à une voyante. C’est parti pour une session pleine de fous rires durant laquelle nous apprenons à nous découvrir un peu plus : un couple gay sera bientôt trois fois papas selon la diseuse de bonne aventure, tandis que des noceurs américains questionnent la devineresse sur leur projet de vacances sur la Lune. « Vous pouvez y croire, c’est pour bientôt ! », leur prédit la voyante sous l’œil circonspect de l’assistance. Quoiqu’il en soit, pour ce deuxième jour, les groupes sont bien moins disparates avec des affinités de plus en plus évidentes.
Pour le dîner, nous serons doublement gâtés. Le Chef résident Yannis Martineau co-signe la carte au côté de la célèbre Chef Singapourienne, Janice Wong. La virtuose des fourneaux a remporté de nombreuses distinctions récompensant sa cuisine et ses talents de pâtissière (élue notamment Chef pâtissière de l’année au World Gourmet Summit). Belmond a à cœur d’initier des collaborations gastronomiques éphémères avec des Chefs renommés internationaux. L’alchimie entre les toqués Yannis et Janice transparaît sur chaque mets présentés tels des tableaux culinaires. Riz au jasmin, racines de Lotus, fleur de gingembre fusionnent savoureusement avec de la viande de canard et du poisson à la vapeur. Pour le plus grand plaisir des gourmets-voyageurs, les deux Chefs renouvèleront l’exercice à l’occasion d’un brunch et du Tea-Time.
Jour 3 : Cette deuxième nuit a été bien plus courte que la première…Et pour cause, je n’ai pas résisté à l’envie de jouer les prolongations avec mes nouveaux amis écossais, anglais ou suisses, dans la voiture-bar mélodieusement animée par l’excellent pianiste. De ‘New York, New York’ de Sinatra, à ‘La Vie en rose’ de notre monument national, Edith Piaf en passant par des rythmes plus millennials à l’instar d’Adèle et son tube international ‘Hello’ ou Alicia Keys avec sa balade ‘No one’, nous avons recréé un véritable dancefloor sur rails !
Ceci étant confessé, je n’en demeure pas moins surmotivée à l’idée d’aller découvrir un village pittoresque de ma nouvelle destination : Kuala Kangsar, en Malaisie. Un autocar nous conduit au cœur d’une plantation de riz ceint de collines et de montagnes. La délégation se scinde en deux : ceux qui veulent visiter un village traditionnel malais et, les plus téméraires, qui se sentent d’aller faire un trek sous 38°. Je choisis la première option. Un guide nous initie à l’histoire de la région marquée par des Colons européens venus en nombre pour créer des plantations en vue de faire le commerce du caoutchouc. Un métier pénible qui perdure un siècle après sous la supervision des locaux. Nous nous enfonçons à présent dans les tréfonds de la rizière le temps d’une balade piétonne de deux heures. L’occasion de capturer des scènes de vie courante de villageois. Ces-derniers, nous accueillent joyeusement avec des serviettes rafraîchissantes, un goûter composé de délicieuses spécialités régionales et – cerise sur le gâteau – par un spectacle de danse d’arts martiaux que nous sommes nombreux à immortaliser.
Retour à notre palace roulant. De nos cabines devenues si familières ou depuis le wagon d’observation qui ne désemplit pas, nous nous attardons davantage devant le panorama extérieur qui parade. Des cocotiers, palmiers, rivières, des minarets, se relayent. Il y a comme un parfum d’adieu. Demain, le paysage sera bien plus urbain. Futuriste, même. Nous achèverons notre périple à Singapour.
Jour 4 : Singapour Woodlands Station
Avec deux heures de retard, nous débarquons à Singapour. Problème de régulation ferroviaire. La mécanique est néanmoins parfaitement huilée : Wolfgang, le responsable des opérations, les stewards, tous s’emploient à fluidifier au mieux notre retour à la terre ferme. Sur le quai, beaucoup d’étreintes et d’émotions. Le sentiment qui prédomine est celui d’avoir vécu un rêve éveillé…
Carnet de voyage :
Belmond / Eastern & Oriental Express Train
Réservation : 0 800 913 079 / 0845 0772 222
E-mail : [email protected]
YTL Hotels / [email protected]
Téléphone : +60 3 2783 1000
Turkish Airlines dessert Bangkok et Kuala Lumpur au départ de Paris-Charles de Gaulle et de l’Aéroport de Genève, avec une correspondance à Istanbul en vol quotidien.
Tarifs A/R à partir de 577 € TTC en classe Eco et à partir de 2410 € en classe Affaires.
Vente flash : Turkish Airlines propose actuellement un tarif promotionnel pour les vols multi-destinations Paris – Bangkok – Kuala Lumpur – Paris via Istanbul à partir de 530 € TTC en classe Eco. Offre valable pour les réservations effectuées entre mars et mai 2019.
Informations et réservations : https://www.turkishairlines.com/fr-fr/
Téléphone : 0825 800 902
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