L’essentiel accessoire est de tous les voyages. Du Venise Simplon Orient Express aux croisières transatlantiques, des palaces de la Riviéra aux luxueuses résidences privées, la maison ERCUIS dédie depuis 150 ans son savoir-faire de haute précision aux arts de la table. Membre du Comité Colbert qui promeut à travers le monde le goût français, ses valeurs et son savoir-faire patrimonial, la marque au Centaure perpétue et réinvente sans cesse ce goût français inimitable.
Les couverts sont sans doute l’outil que l’on utilise le plus couramment dans une vie sans y prêter la moindre attention alors qu’ils participent à un rituel vital, celui du transport des mets et nourritures jusqu’à notre bouche. Outre sa fonction vitale, cet accessoire incontournable contient une multitude d’informations, en somme une véritable culture liée à l’Histoire, aux Histoires, celle des Nations et grandes puissances en construction, celle de l’Art, celle des Arts Décoratifs, celle des métiers d’Art, celle des affaires et de l’économie, celle des voyages et transports modernes, celle de la gastronomie, celle des révolutions, des aristocrates aux masses populaires.
On pourrait croire aussi qu’ils sont les accessoires d’une vie sédentaire. Eh bien, c’est tout le contraire ! Dévoué au transport, l’objet est, en soi, un objet de voyage par excellence : voyage gustatif, certes, par la dégustation qu’il promet et apprivoise, mais aussi voyage dans l’espace, depuis les déjeuners sur l’herbe d’Auguste Renoir ou de Claude Monet aux grandes traversées transatlantiques des années trente.
Au cœur de cet univers, Ercuis, un petit village de l’Oise situé à 50 km au nord de Paris qui a donné son nom à la marque, fabrique depuis le XIXème siècle des pièces prestigieuses de collection, des couverts en argent massif ou de prestige, montés comme des pièces de joaillerie exceptionnelles, associant argent massif, bois exotiques et pierres semi-précieuses pour des noms évocateurs de voyage dans le temps et l’espace – Calypso, Médicis, Condé (modèles hérités du XVIIème siècle) – et qui se déplacent dans leurs coffrets en bois précieux, leurs housses ou leurs écrins.
Tout, chez Ercuis, parle de luxe et de volupté, de ces petits détails qui font toute la différence pour embellir le quotidien. Et parce que tout voyage suppose des pauses, pour fêter ses 150 ans, Ercuis vient d ‘éditer un ensemble de table, une coupe et un chandelier, d’une beauté époustouflante baptisés Escale Enchantée. Le titre résume la raison d’être de cette maison d’orfèvrerie qui maintient l’art de vivre à la Française au sommet du luxe. Le voyage de l’argent. Tout a commencé en 1867, avec Adrien Céleste Pillon, le curé du village d’Ercuis qui fonde une société « d’orfèvrerie artistique, émaux en relief, cuivrage, argenture, dorure et tréfilerie ». Elle se développe rapidement et va tout changer dans cette rase campagne : une cité ouvrière est érigée et la main d’œuvre afflue vers l’usine dont les hauts fourneaux coupent la ligne d’horizon. On y fond l’argent qui va bientôt délaisser sa destination religieuse au profit d’une carrière laïque dans l’orfèvrerie de table.
L’ouverture vingt ans plus tard d’une boutique au décor précieux dans le dixième arrondissement de Paris coïncide avec celle des palaces sur la Riviéra et la côte Basque : la Société nouvelle de l’Orfèvrerie d’Ercuis , marque créée en 1908 sous l’administration du manufacturier Georges Maës, accompagne ce grand élan du tourisme élitiste. Ercuis est de toutes les fêtes de la haute société cosmopolite européenne. Pas étonnant que l’on retrouve le Centaure (son poinçon) sur la traversée inaugurale le 7 juin 1935 du Paquebot Normandie, de Paris à New York, symbole de la France des années 30, comble du luxe et du raffinement à la française, considéré comme le plus beau paquebot jamais construit ! Cette fois, c’est la classe touriste et non la Première Classe qu’équipe Ercuis…
Après la seconde guerre mondiale, Ercuis se reconstruit, consolide sa place dans les croisières, l’hôtellerie de luxe, et se tourne vers des formes plus contemporaines pour rejoindre, en 1978, les plus grands noms du luxe et de l’exception française au sein du Comité Colbert. Lorsqu’en 1981, le Venise Simplon Orient Express reprend du service, pour faire revivre l’art du voyage des années 20, Ercuis fait partie de l’aventure qui fait la part belle aux artisanats d’art : chaque objet a sa place et chaque détail sa raison d’être. Savoir-faire rares et matériaux nobles font revivre les fastes du train originel, pour créer cette expérience permanente d’un voyage marqué par l’émotion et le désir d’ailleurs. Ercuis réalise alors une ligne d’orfèvrerie originale gravée VSOE, toujours utilisée aujourd’hui à bord du train mythique, symbole de romantisme et d’aventure. La fabrique permanente du goût français : un travail de création La collaboration avec les palaces et tout naturellement avec les grands chefs qui les animent, est un moteur d’inventivité donnant lieu à la création de modèles exclusifs dans le cadre de commandes spéciales. C’est le bureau de création interne d’Ercuis qui dessine, conçoit et réalise ces pièces sur-mesure adaptées aux envies ou aux besoins précis de cette clientèle spécifique, parfois en collaboration avec des designers extérieurs. Ainsi, le modèle « Apostrophe », développé en étroite collaboration avec le chef Anne-Sophie Pic et les designers Catherine et Bruno Lefebvre en 2011, devait répondre au souhait de couverts « très longs pour un usage qui n’existe pas », en l’occurrence des cuillères en forme de spatule effilée : une approche très pointue pour une parfaite osmose entre le mets et le couvert imaginée par la chef étoilée pour son restaurant Pic à Valence.
Pour le chef Alain Ducasse, dans le cadre de la réouverture du palace Plazza Athénée avenue Montaigne à Paris en 2014, Ercuis réédite le couvert 3T en acier massif créé en 1966 par Roger Talon, emblématique du design français des années 60 (le 3 pour ses trois composantes (couverts, vaisselle, verres) et le T pour « Table, Tradition, arTisanale indusTrialisée » ).
Sans compter les accessoires de table pour le Shangri-la Hotel à Paris, un porte-douceurs pour l’Hôtel de Paris à Monaco ou encore un service à caviar pour le room-service du Royal Monceau Rafles, à Paris.
Un savoir-faire de haute-voltige Toutes ces belles choses resteraient lettre morte sans le travail des artistes orfèvres qui se cachent derrière chaque pièce. De ces hommes et ces femmes, on ne découvre souvent le nom qu’à la faveur d’une décoration officielle, telle l’insigne de Chevalier des Arts et des Lettres remise en février 2016 à monsieur Patrick Defacq, graveur, ciseleur, orfèvre à Ercuis.
A l’âge de seize ans et demi, il est entré en contrat d’apprentissage à l’usine pour une durée de trois ans parallèlement à ses études à la BJO, école de l’Union Française de Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie, des Pierres et des Perles située rue du Louvre à Paris. Il a appris le montage d’orfèvrerie, c’est-à-dire l’orfèvrerie « à l’ancienne » qui réalise des pièces travaillées à partir de la plaque de métal ou d’argent. Sous la houlette de son Maître d’apprentissage, il a appris la gravure sur acier, un métier très important puisqu’il consiste à réaliser les matrices retravaillées ensuite au burin, une technique en voie de disparition. Malgré ces trente huit années de métier, l’apprentissage est permanent, assure-t-il. « En gravure, on doit atteindre la perfection. Il y a une recherche d’absolu. Les anciens m’ont appris que l’œil ne doit pas être choqué par des malfaçons. L’œil voit tout ! ».
Une Escale Enchantée. La sculpturale création réalisée à l’occasion des 150 ans d’Ercuis est une véritable performance créative. D’une facture exceptionnelle, c’est l’une des pièces les plus complexes et difficiles à réaliser que l’orfèvre ait jamais dû affronter. Dessinée par Thierry Lebon, ancien chef d’atelier de création chez Lalique, le sculpteur est parti de la bâte « FLEURS » pour créer un décor floral et printanier, y ajoutant des hirondelles : un clin d’œil à l’art nouveau et surtout un moyen de créer du mouvement et de la légèreté en plus de la symbolique qu’il trouvait intéressante pour célébrer les 150 ans de la marque : l’hirondelle, porte bonheur, messager du printemps, symbole de renaissance, de liberté. Ce véritable défi à la fois technique et artistique emmène la marque vers un univers où le décor est plus présent et plus sculptural. Composé d’une trentaine d ‘éléments, il a fallu établir des phases dans le montage qui nécessite entre trois et quatre semaines. « Nous avons réalisé deux exemplaires. J’ai envie que les commandes tombent pour aller plus loin dans la perfection » dit Patrick Defacq. Le matériau est de la fonte de laiton argentée par électrolyse au sein même de l’usine à Ercuis.
« Le luxe ? Le mot bien sûr est lié à l’argent. C’est avoir les moyens de s’offrir des belles pièces. Mais le luxe, n’est-ce pas aussi de fabriquer ces belles pièces, d’être à leur contact tous les jours ? Cela fait quarante ans que je suis dedans ! Et quand je vois les tarifs sur catalogue, c’est une forme de valorisation pour toutes ces années de travail. Après tout ce temps, dresser une belle table avec une assiette en porcelaine, de beaux couverts en argent, c’est un plaisir que j’ai la chance de pouvoir vivre, au quotidien ».
La gamme 3T de Roger Talon est en vente à la boutique Ercuis, 8 bis rue Boissy d’Anglas, 75008 Paris
Texte par Françoise Spiekermeier pour Plume Voyage Magazine
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