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Comprendre Ce Que Le Parfum Dit De nous Avec « Le Nez » Olivia Giacobetti

©IUNX

L’odeur parle au système limbique, siège de la mémoire et des émotions. Le parfum « nous protègent, nous habillent, d’autres nous déshabillent ou nous transforment », énonce le Maître parfumeur Olivia Giacobetti. Comment la contredire ? Qui n’a pas sa Madeleine de Proust « olfactive » ? Ou, plus simplement, ses fragrances chéries qui nous embaument au gré de notre humeur, des circonstances ou de nos désirs…Dialogue fascinant autour du parfum avec la créatrice de la marque « IUNX », parfums de niche pour personnalités en quête de liberté, de poésie et de subtilité.

Le parfum est-il un accessoire ? Une attitude ? Une humeur ? Une revendication ? Ou, peut-être, n’y a-t-il rien de cérébral, juste une logique instinctive et spontanée…Quelle est votre perception ?

Le parfum est avant tout dans nos sociétés un réflexe culturel. Notre époque nous influence pour effacer toute trace d’odeur corporelle, au risque de se sentir « sale » ou « nu ». Pour certains, le parfum est une politesse ou juste un accessoire de luxe apporté par l’image d’une marque ; pour d’autres, c’est une séduction ou bien une protection comme une seconde peau.

C’est conscient ou inconscient car cela touche à une part d’animalité, à des émotions parfois enfouies. Un parfum est souvent le miroir de l’image que nous avons de nous-mêmes ou de celle que nous aimerions donner. Il peut combler un vide, être un prolongement de soi ou au contraire, être en rupture totale avec sa personnalité, c’est une alchimie subtile, un équilibre à chaque fois unique.

Qu’est-ce que notre parfum dit de nous ?

Certains parfums nous protègent, nous habillent, d’autres nous déshabillent ou nous transforment. J’ai parfois senti des choses déroutantes : un baroudeur qui sentait l’eau de Cologne pour bébé ou une femme extrêmement délicate qui portait un parfum pour homme très viril. Elle disait avoir besoin de sentir sur elle le parfum de son père  » Quand je le porte, je me sens invincible, ce parfum me donne de la force… »  Elle était si discrète mais son parfum lui donnait une présence incroyable.

« Le plus difficile est d’obtenir une forme complexe qui ait l’apparence de la simplicité », Olivia Giacobetti

Naît-on nécessairement « Nez » ou peut-on y aspirer à force de travail ?

Autrefois, on était parfumeur de père en fils mais les choses changent. Je ne suis pas issue d’une famille de parfumeurs et je ne parlerai pas de vocation mais plutôt d’une irrésistible attirance pour les odeurs, mes parents se souviennent que je mettais mon nez partout comme un petit animal.

A l’âge de 9 ans, j’ai découvert le monde du parfum grâce au film « Le Sauvage » de Jean-Paul Rappeneau. J’ai rêvé de devenir parfumeur et j’ai eu la chance d’apprendre ce métier très jeune, à 17 ans. J’étais encore une enfant et je découvrais un monde à part, sensible, intime et totalement instinctif.

Eduquer son odorat est proche de l’apprentissage de la musique. Grâce à l’étude de plusieurs milliers de molécules, on apprend à déchiffrer l’architecture de la nature et des grands parfums de l’histoire. Comme un muscle, c’est un entraînement de tous les jours pour mémoriser près de deux mille notes avant de pouvoir composer. D’année en année, on apprend à poser ses mains sur le piano et le parfum devient une langue vivante. Mais, comme un musicien, le langage du parfum demande sans doute une sensibilité particulière, je ne pense pas que l’on puisse rêver de devenir compositeur ou chef d’orchestre sans avoir une bonne oreille…

Dans le processus de création d’un jus, au final, qu’est-ce qui est le plus difficile à vos yeux ?

Le plus difficile est d’obtenir une forme complexe qui ait l’apparence de la simplicité.

J’aime la création de la mélodie qui est souvent rapide et spontanée, le reste du travail est plus laborieux ; ajouter, enlever, détruire, recommencer, cela fait partie de la construction d’un parfum. Parfois, une idée peut être géniale mais sans trouver sa forme et son rythme technique, elle peut ne jamais voir le jour.

Le parfum est une filière d’excellence dans notre pays, d’où nous vient cette tradition de maître parfumeur qui embaume le monde ?

La tradition des parfumeurs français provient de la situation climatique extrêmement privilégiée de la ville de Grasse et de sa région où poussaient, de manière endémique, les principales plantes à parfums ; rose, jasmin, tubéreuse, oranger, violette, narcisse et jonquille. Grasse a su préserver l’ensemble de ses cultures, ce qui lui a valu très récemment son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO au titre de son savoir-faire du métier des parfums.

« Il y a une douceur qui permet de découvrir les parfums sans rien imposer, grâce à notre technologie olfactive. »

Parfums bio, fragrances Vegan, ultra-personnalisation ou parfums unisexe : que vous inspire ces nouvelles tendances ?

Je ne cherche pas à aller dans le sens du vent, je me laisse simplement guider par mon instinct, mais tout m’intéresse comme un prétexte pour explorer quelque chose de nouveau. Chercher est une chose essentielle, c’est un sentiment d’inconnu, un besoin d’aller vers ce qui m’est encore étranger.

Au-delà du monde de la parfumerie, des domaines comme l’architecture, le design et la cuisine m’influencent beaucoup. Notre manière de vivre évolue et je pense que les attentes ne sont plus les mêmes, la notion de luxe est épuisée, elle se déplace et se réinvente doucement.

Le Japon est un puits d’inspiration pour vous : racontez-nous cet attachement.

Je suis allée au Japon pour la première fois il y a 20 ans pour le lancement du parfum Hiris d’Hermès. J’ai eu la sensation troublante de rentrer à la maison, cela ne s’explique pas !  J’aime le Japon pour sa poésie, sa subtilité, pour ce mélange unique de modernité et de maintien des traditions les plus anciennes. Je caresse encore le rêve d’aller y vivre …

Des bougies invitant au voyage du Japon à l’Orient

Vous avez connecté le parfum à la technologie, pourriez-vous revenir sur ce rapprochement ?

Avec mon père Francis et Fabienne Conte Sévigné, nous avons travaillé dans une totale liberté. Pas de marketing, pas de limite, mais simplement l’envie d’inventer ce qui nous manquait dans le monde très formaté du parfum. Les testeurs olfactifs électroniques ont été inventés pour répondre à la difficulté de sentir sur les lieux de vente. Comme on se penche sur une fleur pour la sentir, il y a une douceur qui permet de découvrir les parfums sans rien imposer. Libre à chacun de tester ensuite le parfum sur la peau.

Quelle est votre « madeleine de Proust olfactive » ?

De mon enfance, j’ai gardé mille madeleines. Comme un puzzle olfactif, derrière chaque odeur se cache une image, une émotion, un lieu ou un visage… Ma madeleine la plus intime est sûrement le parfum de l’ours de ma petite enfance, il me suffit d’y penser pour retrouver l’odeur rassurante de la sieste, un mélange de paille et de laine bouillie.

La mémoire olfactive est l’essence même de la mémoire, elle ne faiblit jamais. Grâce à elle, je remonte le fil, l’enfance est là, intacte. Aujourd’hui, cette mémoire indélébile est devenue mon outil le plus précieux, la bible de mon travail de parfumeur.

Pourriez-vous résumer en trois mots votre univers créatif ?

Libre, poétique, affectif…

IUNX PARFUMS PARIS

13 rue de Tournon

75006 Paris

Tél +33 (0)142025352

[email protected]

www.iunx-parfums.com

Nouveauté : TALC, une poudre liquide, minérale, végétale et fluide. Une poudre « blottie, intime et délicate ».

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