Hier réservé à une élite de gourmets, le caviar tend aujourd’hui à se ‘démocratiser’. Aujourd’hui, le numéro 1 mondial est un producteur chinois. Une hégémonie qui se traduit par des prix à la baisse souvent au détriment de la qualité. Sturgeon, maison mère de la pépite tricolore Sturia, mène la bataille du made in Aquitaine caractérisée par une production ‘par le haut’. Laurent Dulau nous explique son intransigeance vis-à-vis de la qualité, de l’éthique de production et de l’innovation… pour le plus grand plaisir des becs fins ! Garant d’un savoir-faire exceptionnel, la marque parvient à résister à la déferlante asiatique. Entretien à l’approche du temps fort de Noël où près de 70% du CA annuel de l’entreprise est réalisé.
L’arrivée de nouveaux acteurs tire les prix vers le bas. Bonne nouvelle pour les consommateurs… et pour la filière ?
Tout d’abord, le caviar reste un produit cher à élaborer. Pour rappel, il faut – selon les espèces – entre 7 et 14 ans pour obtenir les précieux œufs des femelles esturgeon. D’autre part, rien n’est mécanisable et donc son élaboration demande une main d’œuvre importante et qualifiée. Cependant, vous avez raison, le déplacement de la production vers l’orient (le numéro un mondial est chinois) a eu pour conséquence de faire chuter le prix de cession entre professionnels de façon vertigineuse (2,5 fois sa valeur en 8 ans) avec, comme pour tous les secteurs agricoles, un déplacement de la valeur de l’amont vers l’aval. Le secteur est donc en crise au niveau mondial.
En Aquitaine, à la différence de nos collègues transalpins, nous avons refusé de rentrer dans cette logique déflationniste. Nous nous sommes regroupés en 2013 en une association pour porter le projet de l’IGP Caviar d’Aquitaine sur les fonts baptismaux de l’INAO. Garantie de l’origine et de pratiques de production écoresponsables, protection et promotion d’un savoir unique (l’Aquitaine a été pionnière dans la production de caviar d’aquaculture). Nous avons ainsi différencié notre production « par le haut » grâce à nos engagements sur la qualité et à notre éthique de production.
Entre 2011 et 2018, l’industrie du caviar est passée de 95 à 180 producteurs dans le monde. Comment Sturgeon ‘se défend-elle’ pour maintenir ses positions, à l’export notamment ?
Notre société Sturgeon est chef de file dans la démarche vertueuse de l’association Caviar d’Aquitaine. Nous mettons en œuvre des pratiques de production encore plus stringentes (terme qui désigne la solution toxique au sel d’ammonium quaternaire utilisée pour traiter les substances microbiennes, NDLR) que celles du cahier des charges de la future IGP (indication géographique). Cela se traduit par l’excellence de notre production et ce de façon constante d’un lot à l’autre, d’une année à l’autre. STURIA, la marque emblématique du groupe, exporte l’art de vivre à la française sur les meilleures tables du monde entier. Aujourd’hui, la production mondiale tend vers la médiocrité. Nous avons opté pour la recherche de la perfection.
Garant d’un savoir-faire traditionnel et soucieux d’une éthique de production, vous promouvez un caviar made in Aquitaine. Parlez-nous de vos actions en ce sens de l’élevage à l’affinage.
Cela passe tout d’abord par la maîtrise de la filière dans son ensemble à savoir de l’œuf à l’œuf. En effet, parmi les différents facteurs ayant une influence sur la qualité du caviar, la qualité de la génétique en est un essentiel. Puis, il faut une qualité de poisson exceptionnelle pour obtenir des œufs exceptionnels. En ce sens, pas de grand caviar sans grand pisciculteur. Puis il convient de maîtriser différents savoir-faire qui vont permettre l’élaboration des diverses cuvées de caviar. Par exemple chez STURGEON, nous sommes les seuls à proposer une gamme de caviar avec différents niveaux d’affinage en boîte mère : Primeur – 1 mois d’affinage, Vintage – entre 3 à 6 mois, Origine – supérieur à 8 mois.
Nous sommes garants à travers cela du maintien de la tradition du caviar. Dans le même temps, le rinçage du poisson est un élément clé pour obtenir un caviar sans faux goût (type vaseux terreux que l’on retrouve dans nombre de caviars du monde entier). Nous avons donc développé des outils de détection se concrétisant par exemple par la constitution d’un panel d’analyse sensorielle dont le travail consiste à déguster, détecter et évaluer les possibles défauts et déviations au cours de l’affinage pour garantir des caviars parfaits à nos clients. Nous avons toujours combiné tradition et innovation. Cela fait partie de l’ADN de l’entreprise.
Crémeux, iodé, subtil, intense, complexe. Qu’est-ce qu’un bon caviar ?
Il existe 24 espèces d’esturgeon capables de donner du caviar. Un peu comme les cépages pour les vins. Un bon caviar, comme un bon vin, est un caviar qui révèle les caractéristiques qui lui sont propres. Notes de noisette, crémeux et iodé pour un Baerii de moyenne garde, olive noire, avocat et croquant pour un Osciètre également de garde moyenne.
Un vrai caviar se doit d’être intense, complexe avec une vraie longueur en bouche. Il faut éviter les caviars pâteux, huileux, acides, amers voire rances. Un bon caviar n’a pas d’odeur. S’il sent le poisson, mieux vaut passer son chemin. De façon générale il n’y a pas de miracle. Un caviar premier prix est souvent synonyme de déception à la dégustation.
Nous approchons du principal temps fort de votre activité avec les fêtes de fin d’année. Comment préparez-vous ce rendez-vous ?
Toujours animé par la même passion de toutes les équipes de l’entreprise. Avec une pointe de surexcitation liée à l’intensité du travail à accomplir pour réaliser 70% du CA annuel de l’entreprise en… 1 mois.
Comme tout produit de luxe qui doit perpétuer la magie, le caviar doit aussi se réinventer. Quelles nouveautés réservez-vous à nos lecteurs épicuriens ?
Cette année, nous l’avons voulue CADEAUX ! Donc nous offrons à nos clients nos meilleures sélections, dans de magnifiques écrins évoquant notre métier de producteur/affineur. Et puis notre dernière création en terme de sélection, l’Osciètre Prestige, n’en finit pas de séduire les palais les plus exigeants. Le luxe à la française.
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