Les glaciers ont un pays où personne ne va plus, sauf une poignée de fins aventuriers. Perché entre l’Afghanistan, l’Ouïghourstan en Chine, et le Ladakh en Inde, ce Pays de Neiges Eternelles jadis parcouru par les expéditions d’alpinistes partant à l’assaut du K2 ou des pics de plus de 8000 mètres, est un monde clos, dont les contreforts gardent les traces de l’antique route de la soie. Les peuples vivant ici ont apprivoisé les éléments et cultivé un jardin d’Eden en canalisant l’eau des glaciers. Cette eau, source d’éternelle jeunesse, inonde les paysages d’une somptueuse beauté.
Qui a entendu parler du Gilgit-Baltistan?
De cette région perdue située à 60 km au nord du Cachemire et revendiquée par l’Inde mais fièrement accrochée au Pakistan ? Il faut être trekkeur ou alpiniste pour s’y rendre. Et pourtant, ce carrefour foisonne d’une richesse d’humanité insoupçonnée. Une mosaïque de peuples et leurs religions reflétant la diversité des cultures ayant sillonné ces vallées bien avant Jésus-Christ ou le prophète Mahomet, où les sectes anciennes de l’Islam, soufis, ismaéliens, chiites, sunnites, sentent encore sur leur peau le vent du bouddhisme qui y avait établit un royaume : Gandhara. Il étendait ses frontières sur l’est de l’Afghanistan actuel et jusqu’à Taxila, près d’Islamabad.
Au début de notre ère, ce centre commercial de premier plan entre la Chine, l’Inde et l’Occident, absorbait les envahisseurs étrangers et leur culture, les fondant dans la culture locale composite et tolérante.
« Génétiquement, depuis 2000 ans, les gens appartiennent au bouddhisme, et les bouddhistes sont pacifiques » affirme un officiel religieux de Khaplu, un musulman soufi. Dans son village, il montre fièrement la mosquée en bois, l’une des plus anciennes du Pakistan, et les fondations d’un temple bouddhiste sur lesquelles elle repose. « Le premier prêcheur de l’Islam en GB («Gilgit-Baltistan ») était soufi : aide, entraide, respect sont les piliers de notre communauté ».
Surnommé « le Petit Tibet », le Gilgit-Baltistan était une terre de shamans jusqu’à l’arrivée du bouddhisme au IVe siècle, qui ne résista pas à l’Islam introduit au XIVème siècle. Les traits des habitants de la région où l’on parle le balti, un ancien dialecte tibétain, affichent nettement cette origine.
Khaplu est la dernière ville avant la frontière indienne du Ladakh. La rue principale grimpe, bordée de commerces.
L’ADN de la ville, ancien carrefour commercial et petit royaume bouddhique, est palpable. Les camions citerne partis d’Islamabad mettent deux jours pour arriver jusqu’ici, en remontant le cours de l’Indus, empruntant un temps la Karakoram Highway reliant le Pakistan à la Chine. La route est vertigineuse et traverse des villages. Le soir, les filles rentrent des champs portant des hottes remplies d’herbes sur le dos. A la nuit tombée, les bad boys se promènent sur leur mobylette. Partout, les paysans captent l’eau non pas des rivières mais des glaciers, en hauteur. Ils irriguent leurs champs hiver comme été avec cette eau courante, d’une pureté absolue qui fouette la nature et la renforce. Les jardins se couvrent de fleurs et de plantes luxuriantes. Les contreforts sont couverts d’abricotiers au tronc épais et noueux, sans âge. Toutes sortes de baies, de fruits, de légumes, de céréales y poussent, défiant les lois de l’altitude et du climat.
En haut de la ville, le fort de Khaplu construit par le raja en 1840, a été restauré en 2000 par la Fondation de l’Aga Khan, chef spirituel des Ismaéliens, dont la communauté est très présente au Baltistan.
C’est un havre de douceur au charme colonial indo-britannique, dominé par les pics enneigés et acérés du Karakoram.
Les épais murs de pierres cachent des chambres confortables au mobilier de bois et parquet rustique, des salles de bains revêtues de marbre blanc extrait des carrières du Pakistan, et un jardin suspendu où l’on décrypte l’itinéraire des treks de la région assis dans de confortables fauteuils de rotin aux coussins profonds. Le tchaï, un thé noir bien sucré, au lait et aux graines de cardamome verte, infuse dans les théières. Une visite nocturne du fort restauré parachève l’émerveillement. Dans les appartements du raja, au dernier étage de l’édifice, une terrasse s’ouvre sur le panorama de montagnes, que l’on admire à travers les montants ouvragés en bois de noisetier, aux parfums de mille et une nuits.
Quitter Khaplu, c’est quitter une vallée en suivant fleuves et rivières pour en rejoindre d’autres.
Chaque filet d’eau est un fil d’Ariane pour parcourir ce Baltistan qui compte pas moins de 135 glaciers dont huit de plus de cinquante kilomètres de longueur, valant le surnom de « Troisième Pôle » au Karakoram. Ils alimentent en eau le fond des vallées et leurs millions d’habitants. Les routes sont sillonnées par des camions carrossés comme des palais, couverts de métal martelé, de côtes de maille tintinnabulante, harnachés comme les dromadaires de la Route de la Soie. La nuit, les cabines éclairées de rouge ressemblent à des boîtes de nuit. Les chauffeurs y passent leur vie, à la merci d’un éboulement. Faire la route la nuit, dans l’obscurité absolue avec, en fond sonore, les flots tumultueux de l’Indus remontant du précipice: une expérience!
C’est ainsi que l’on rejoint, après une journée de route, une autre vallée, celle de Shigar, aux collines mitées de mines d’aigue marine qui font la richesse de la région.
Passé la porte du district, un désert de dunes blanches s’étend entre des montagnes noires. Le contraste est sublime. La douceur des couleurs comme un précieux cachemire brodé, contraste avec la réalité géologique. Le spectacle est permanent au fil de ce voyage comme un travelling, qui fait défiler des paysages plus somptueux les uns que les autres et que l’appareil photo ne cesse d’emmagasiner pour essayer d’en retenir la beauté, de décrire l’indescriptible.
A une journée de route de Gilgit, la capitale du GB, on pénètre dans la vallée de Hunza.
On dit aussi que c’est la vallée des Immortels, que l’on y vit jusqu’à 145 ans. Ici, les habitants sont en majorité des Ismaéliens. L’Aga Khan y a fait construire plus de 130 écoles, relevant le niveau d’éducation au dessus de la moyenne. On arrive à Karimabad où se visite le fort de Baltit au sommet du village. La montée, raide, égraine de petits commerces où l’on rencontre de vieux Hunza, au regard vif. Quel est le secret de longévité des Hunza? L’eau des glaciers, d’une pureté absolue et riche en minéraux, l’alimentation: essentiellement végétarienne et extrêmement variée en légumes et fruits, riches en graines d’orge, millet sarrasin… le tout n’excédant pas 2000 calories par jour. Les amandes et les abricots constituent en grande partie l’apport calorique. Ils pratiquent le jeune de plusieurs jours, au printemps, le travail des champs (l’exercice!) et la respiration yogique: les Hunza sont des maîtres en la matière.
Les glaciers donnent à l’homme jeunesse et vitalité. Pourtant, c’est au Pakistan que le réchauffement climatique est le plus visible sur les couches glaciaires !
Les glaciers noircissent, reculent vers les sommets, presque à vue d’oeil. Les eaux tumultueuses de leur déliquescence ravagent les villages égrainés au bord des lits, le flot des réfugiés climatiques monte, et, comble au pays de la longévité, le nombre de suicides. Outre les ravages du réchauffement climatique, le pays de l’éternelle jeunesse se meurt depuis le 11 septembre 2001 en raison de la proximité de ses zones tribales avec l’Afghanistan. Après une période de cinq années de sécurisation ayant porté ses fruits, les autorités pakistanaises de la région et d’Islamabad, souhaitent redonner vie à cette contrée, joyau national redevenu « tourist friendly ». Ce voyage est possible avec une bonne logistique planifiée avant le départ et un bon guide, ambassadeur de cette région du monde qui recèle des beautés authentiques et inestimables.
Dans ces contrées reculées, terre d’alpinisme et d’expéditions vers les plus hauts sommets du monde, le chef spirituel des Ismaéliens, minorité religieuse très répandue au Baltistan et dans la vallée de Hunza, a tissé un réseau d’hôtels confortables, véritables havres de sérénité au pied des montagnes.
Le fort de Shigar est l’un des joyaux de ce maillage offrant le réconfort au bout d’un long voyage sur la Karakoram Highway. Vieux de 400 ans, l’ancien palais du raja de Shigar, entièrement restauré et transformé en hôtel de seize chambres, a rejoint la collection d’un ensemble de quatre hôtels dans la région, avec le Serena Khaplu Palace, le Hunza Serena Inn, et le Gilgit Serena Hotel, auquel s’ajoute le Swat Serena Hotel dans la vallée de Swat, riche d’un patrimoine bouddhique exceptionnel.
Carnet de route:
Décalage entre la France et le Pakistan: + 3h
– Le vol Paris-Islamabad avec Pakistan International Airlines dure dix heures avec une escale à Barcelone https://www.pia.com.pk/mais il est direct au retour ( 7 heures )
– hôtel à Islamabad: Islamabad Serena https://www.serenahotels.com
– agence réceptive à Islamabad et sur l’ensemble du pays: PTDC, Pakistan Tourism Development Corporation. Contact de la part de Françoise de Plumevoyage: Arshad Ali [email protected]
– à 30 km d’Islamabad, Taxila, Musée d’archéologie et d’ethnologie et site archéologique classé par l’UNESCO: incontournable!
– vol intérieur Islamabad-Gilgit: 1 heure avec PIA
A KHAPLU
-Hôtel Serena Khaplu Palace, www.serenahotels.com
A SHIGAR
Hotel Serena Shigar Fort www.serenahotels.com
A KARIMABAD
Serena Hotel Hunza www.serenahotels.com
– L’APPEL DE LA MONTAGNE conférence internationale à l’UNESCO à Paris le 25 octobre sur les montagnes au Pakistan, organisée par l’Ambassade du Pakistan à Paris. Lien pour s’inscrire: http://www.pakembparis.com/
– Votre guide au Gilgit-Baltistan: Karim à Hunza, Perch Guest House, [email protected]
– Autorités du tourisme du Gilgit-Baltistan: contact: Kashif Ali [email protected]
– Guide Petit Futé Pakistan, www.petitfute.com
Textes et photos par Françoise Spiekermeier pour Plume Voyage Magazine.
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