Le nom « supervolcan », il faut l’avouer, n’est pas de très bon augure… mais ce n’est pas sa faute. Sa simple évocation est pour certains journalistes ce que le nectar est aux abeilles : ces derniers sont prêt à capitaliser sur tout événement, aussi minuscule et insignifiant soit-il, qui a eu le malheur de se passer à proximité, pour pouvoir glisser le terrible mot « supervolcan » dans un titre, ou, pire, pour écrire tout un article alarmiste, à la consternation générale des volcanologues du monde entier.
Il s’agit en réalité d’un terme technique, qui n’a pas la signification que l’on imagine, la faute à l’utilisation abusive du mot. Si vous voulez connaître la vérité, voici une explication de ce qu’est vraiment un supervolcan, et de ce dont il ne s’agit absolument pas.
Les termes « supervolcan » et « super éruption » n’ont pas reçu beaucoup d’attention de la part des médias avant le XXIème siècle. Puis, en 2005 un docu-fiction produit par la BBC et Discovery Channel, qui étudiait les conséquences d’une super éruption ayant lieu à Yellowstone, a popularisé le sujet.
Selon l’institut d’études géologiques des États-Unis (United States Geological Survey, ou USGS), un supervolcan est une zone d’activité volcanique qui a vécu une éruption explosive au cours de laquelle au moins 1000 kilomètres cube de matériaux volcaniques ont été expulsés de façon violente et soudaine, ce qui a souvent comme conséquence la formation d’une large cavité connue sous le nom de caldera. Cela élimine donc les trapps, d’immense coulées basaltiques qui peuvent durer pendant plus d’un million d’année, provoquant d’importants changements géographiques et climatiques.
Et… c’est tout. Il y a des supervolcans sur toute la planète, de Taupo en Nouvelle Zélande jusqu’à Toba en Indonésie. Certains sont potentiellement juste endormis, tandis que d’autres sont presque certainement éteints.
Yellowstone, le désormais tristement célèbre volcan situé au Wyoming, souffre particulièrement de cette dramatisation. Certains journaux prompts à annoncer la fin du monde aussi souvent que possible en ont fait une cible courante, dans le but de récupérer le plus de clics possibles.
Pourquoi Yellowstone attire-t-il le plus l’attention médiatique parmi tous les supervolcans, personne ne le sait vraiment. Sans doute à cause de l’idée fausse qu’une super éruption y est imminente, une vision encouragée par un cercle vicieux via lequel les médias ont généré leur propre légende.
Chaque semaine amène sa rumeur selon laquelle l’apocalypse est proche, à tel point que les volcanologues finissent par s’en moquer, comme dans cet article. La plus bizarre de ces histoires n’impliquait même pas Yellowstone, mais un prétendu supervolcan en train d’apparaître en Nouvelle-Angleterre. Là encore, l’interprétation quelque peu par dessus la jambe d’études sérieuses n’a pas laissé les scientifiques de marbre.
Si l’on en croit les gros titres, Yellowstone est une bombe à retardement prête à exploser. A se demander pourquoi le volcan joue les divas et nous fait tant attendre avant de lancer les feux d’artifice. Peu importe l’anecdote, qu’il s’agisse d’un bison mort ou d’une fissure dans un parc national voisin, tout est signe pour certains d’une super éruption imminente. Le manège est le même à chaque fois : le public panique et inonde les membres de l’institut d’études géologiques d’appels téléphoniques, une distraction peu appréciée alors qu’il y a d’autres éruptions bien réelles à surveiller.
Les véritables experts savent que les deux chambres magmatiques de Yellowstone ne sont liquéfiées qu’à 15 %, alors qu’il faut dépasser les 50 % pour que toute éruption puisse avoir lieu. Et même si éruption il y avait, celle-ci serait sans doute cantonnée à une simple coulée de lave ou à une explosion hydrothermale, deux évènements volcaniques bien plus fréquents dans la longue histoire géologique du monstre local.
Yellowstone a vécu deux super éruptions au cours des 2,1 millions d’années passées, ainsi qu’un troisième évènement volcanique puissant qui n’a pas expulsé assez pour passer la barre des 1000 km3. Puisque que la plaque nord-américaine se déplace au-dessus un point chaud immobile (la source de chaleur à l’origine de tout ce magma dans la croûte terrestre), le volcan finira par s’éteindre en s’éloignant de la source de sa puissance. Il est possible que la zone ne connaisse plus jamais de super éruption.
La meilleure analogie pour expliquer la situation serait celle d’un athlète olympique : même si le volcan a eu deux médailles d’or avec ses deux super éruptions, rien ne dit qu’il occupera la même place du podium aux prochains J.O. : peut-être même a-t-il déjà pris sa retraite.
Certes, l’endroit reste un volcan en activité : il peut y avoir des tremblements de terre ou des déformations en surface, mais rien qui sorte de la normale. C’est ce que tous les volcans font. L’activité géothermale visible en surface ne choque personne, au contraire : les magnifiques (et terriblement dangereux) geysers et sources chaudes sont peut-être causés par la fureur infernale du sous-sol, mais ils font le bonheur des visiteurs. Les tremblements de terre faibles et les déformations du sol sont presque quotidiens, mais personne ne les remarque sauf l’institut d’études géologiques américain. A l’inverse, tout le monde voit les gros titres anxiogènes les mentionnant, ce qui entretient l’aura de menace qui flotte autour du parc.
Oui, Yellowstone pourrait hypothétiquement connaître une nouvelle super éruption un jour. Oui, ce serait un désastre socio-économique inégalé, et peut-être quasiment la fin du monde tel que nous le connaissons, mais ce n’est pas quelque chose qui doit vous inquiéter pour le moment. Même une bombe atomique ne suffirait pas à déclencher la fureur du volcan.
L’USGS estime qu’il y a une chance sur 730 000 pour qu’une super éruption ait lieu cette année : le pourcentage est donc très bas. Techniquement, vous auriez plus de chances de mourir dans un accident de voiture ou en vous cognant la tête après avoir trébuché. Quelqu’un a récemment fait remarquer que ces chances restaient bien supérieures à celles de gagner au Loto, mais les probabilités de marchent pas comme ça : il n’y a qu’un seul Yellowstone, contre des millions de personnes en lice pour un même prix.
Il est vrai que les zones d’activité supervolcaniques sont potentiellement très dangereuses, et c’est pour ça qu’elles sont surveillées de très près. Les volcanologues ignorent encore beaucoup de choses sur elles : ce sont des colosses fascinants qui méritent que nous nous intéressions à eux, mais pas de la façon dont le font certains journaux.
Nous devrions plutôt reporter notre attention sur les autres volcans de la planète, surtout ceux qui sont anormalement calmes ou dans des zones densément habitées. Rien qu’au 20ème siècle, les éruptions ont tué des dizaines de milliers de personnes, et les dangers sont nombreux : les vrais tueurs ne sont pas les supervolcans. Les deux pires coupables sont les lahars et les nuées ardentes, suivis par les tsunamis, les émissions de gaz toxiques, les projections de débris et même les épidémies indirectement exacerbées par les éruptions.
Heureusement, les scientifiques répondent à l’appel. Entre la surveillance de Mt Rainier aux États-Unis, les opérations de secours près du Fuego au Guatemala, la gestion de l’éruption du Kilauea en cours actuellement, et l’étude du rythme des Champs Phlégréens, les volcanologues travaillent d’arrache-pied pour mieux comprendre ces monstres pour que nous puissions coexister au mieux avec eux, et peut-être même les apprivoiser un peu. Les supervolcans sont des merveilles de la nature, même si leur nom a été quelque peu ridiculisé dernièrement.
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