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Vietnam : Des Français Redonnent Ses Lettres De Noblesse À La Laque

Un centre de table réalisé entièrement en laque dans un atelier près d’Hanoï a été proposé aux enchères par Christies Londres au cours d’une vente de design 100% asiatique. Baptisée Borderline, la pièce raconte l’histoire tourmentée du Vietnam, le sauvetage d’un savoir-faire, et renoue le fil soyeux de l’identité perdue.

L’objet est beau. Difficilement identifiable mais d’une extrême beauté. Pour le réaliser, il a fallu le travail minutieux d’ouvrières dévouées, précises, exigeantes. Elles ont fidèlement reproduit le motif végétal, appliqué l’or qui en constitue la sève. Puis, déposé 24 couches de laque à chaque fois séchée puis poncée avant d’être recouverte : une opération millénaire, d’une extrême précision qui ne tolère aucune erreur sous peine de voler à la couleur et au noir leur profondeur inimitable, source de préciosité.

La laque se raréfie en Asie. Son apparence varie en fonction de l’espèce d’arbre à laque dont elle est issue, mais quelque soit la technique de transformation, l’invariable est le temps de fabrication, lent, incompressible. Au Vietnam, le savoir-faire détenu par des familles et transmis au fil des générations, concerne la maitrise de la couleur. Après avoir résisté aux siècles, aux guerres, aux famines, il était en train de mourir, incompatible avec les attentes d’un marché intérieur ou international.

Mais Openasia, une dreamteam d’entrepreneurs amoureux du Vietnam, décide de reprendre en main trois ateliers dans la banlieue d’Hanoï et de Saigon, de repositionner la laque comme un produit de luxe à l’aura internationale à travers la création d’objets contemporains et de raviver le goût pour cette précieuse matière, au Vietnam d’abord, où elle reflète les fastes oubliés d’une culture séculaire. En 2015 nait la maison de Hautes Laques Hanoia qui choisit pour image Hanoï, la capitale culturelle du Nord.


Au printemps 2017, Bénédicte Colpin, fondatrice de Lightboard-Paris qui accompagne la marque depuis sa création et dans son développement international, contacte la star de cinéma d’origine vietnamienne YênKhê, pour unir son image à Hanoia, première maison de luxe purement vietnamienne. YênKhê, muse du réalisateur français également d’origine vietnamienne Tran Anh Hung (L’odeur de la Papaye Verte, 1993, dans lequel Yênkhê incarne le personnage principal à l’âge de 20 ans), diplômée de Camondo, l’Ecole des Arts Décoratifs à Paris, est aussi décoratrice et réalise les décors, costumes et maquillages sur certains films du réalisateur (La Balade de l’impossible, 2011, Eternité, 2016), « avec une vision très holistique sur le visuel » dit-elle. Son talent de visionnaire, sa curiosité vis-vis de la laque qu’elle connaît très peu, la plongent dans l’histoire du Vietnam et l’amènent à relever le défi, réaliser une création entièrement en laque en trois mois !

« La forme conique est inspirée du Non, le chapeau traditionnel vietnamien, explique YênKhê. Je voulais un motif floral sur un fond noir très harmonieux. Mais à y voir de plus près, on constate que les veines sont constituées de fils de fer barbelés dorés, référence à un problème brûlant de notre époque : celui des frontières, des limites que l’on impose aux gens. La beauté de l’objet cache une mise en abîme des problèmes d’appartenance, d’identité, des limites physiques et mentales qui repoussent certains et protègent d’autres. » Réalisé de manière très intuitive, sans conceptualisation préalable, Borderline, proposé à la vente par Christies le 18 octobre, est le fruit d’une pratique fondée sur la rêverie et la méditation de pleine conscience, transmise par son arrière-grand-mère. « Cela permet de faire le vide, de ne pas se poser de questions » dit-elle. Avec ses reflets, la laque se prête idéalement à une méditation sur le réel et l’illusion.

Comme Borderline, chaque objet sorti des ateliers de Hanoia exprime un savoir-faire unique revalorisé par la création. Pas moins de 400 personnes travaillent sur plus de 300 références diffusées dans quatre magasins, avec pour best-sellers les boites à thé, les bracelets Joséphine, les boites et plateaux « Bleu Hanoï » qui nécessitent environ un mois de façon.

Le dernier atelier acquis est celui du village de Tan Chau détenteur du secret de la soie laquée, « la reine de toutes les variétés de soie», tissu très rare traditionnellement réservé aux nobles castes. Fabriquée à partir des meilleurs fils de soie de Bao Loc et teinte en noir par la sève du fruit de l’arbre à laque qui représente la nature de la quintessence, cette soie aux surfaces mates et brillantes, cumule l’effet du cuir, du papier et de la soie. C’est le styliste vietnamien star, Cong Tri qui dessine la collection Signature réalisée dans l’étoffe précieuse au tombant bluffant ! Une autre expression de la beauté sauvée de la disparition par la grâce de l’imagination.
www.hanoia.com

Les vêtements en soie laquée sont disponibles uniquement dans les boutiques Hanoia au Vietnam.
Borderline https://vimeo.com/236729939

 

Texte et images par Par Françoise Spiekermeier pour Plume Voyage Magazine 

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