Ils sont devenus un motif de fréquentation au même titre que les chefs étoilés. Certaines adresses rayonnent de plus belle depuis l’arrivée de leurs pâtissiers à l’instar du Park Hyatt Paris Vendôme qui a confié ses créations sucrées à la sensation coréenne Naraé Kim. Auréolée de son titre de meilleure cheffe pâtissière de l’année par Gault & Millau, la discrète toque a décroché la distinction à peine deux ans après son arrivée dans la capitale gastronome. Tête à tête avec une orfèvre du bon.
Auparavant, tout le monde se tournait vers le Japon pour aller chercher de nouveaux concepts. Aujourd’hui, la Corée du Sud a le vent en poupe même d’un point de vue culinaire, comment l’expliquez-vous ?
Naraé Kim : Après la K-Pop, la K-Food ! Depuis quelques années mon pays suscite un vrai engouement et attire beaucoup de voyageurs. Forcément, ce bouillonnement a tiré vers le haut la cuisine locale car les touristes apprécient également de découvrir le terroir des destinations qu’ils visitent. Auparavant, il n’y avait pas de réelle scène culinaire, ce qui a amené les chefs à innover, à se réapproprier les grands classiques des tablées familiales. Au même titre que la beauté, l’industrie du divertissement ou la technologie, la gastronomie coréenne a commencé à s’exporter. Au Park Hyatt Paris Vendôme, nous avions pour la première fois organisé l’automne dernier un dîner à quatre mains entre le chef étoilé coréen Mingoo Kang et le chef emblématique du palace, Jean-François Rouquette. Il se passe quelque chose.
Comme votre nomination par le Gault & Millau qui vous a décerné la toque de meilleure cheffe pâtissière de l’année ? Etait-ce une surprise ?
Jamais je n’aurais imaginé décroché cette distinction, sachant que j’étais en lice face à des centaines de pairs. C’était donc une belle surprise ! Cette reconnaissance est le fruit d’un travail conjoint avec le chef Jean-François Rouquette qui m’a si bien accueilli à Paris. Depuis cette récompense, je me réjouis d’observer un impact sur la fréquentation du Park Hyatt avec l’arrivée de nouveaux clients curieux. Il y a une plus grande attente, c’est pourquoi je prends mon temps pour façonner chaque nouveauté et pour lancer mon premier tea time.
On vous surnomme « la cheffe bijoutière » avec vos créations esquissées à la manière d’écrins. Est-ce un clin d’œil à la Place Vendôme toute proche ?
J’adore flâner dans le quartier, m’imprégner des créations exposées dans les vitrines. C’est inspirant. Il y a beaucoup de similitudes entre nos univers car ce sont des métiers de mains, nécessitant un travail d’orfèvre et de la minutie. Nous sommes des artisans dans nos domaines qui sont sans cesse en train d’imaginer des nouveautés. Et à l’image des joailliers, la pâtisserie a aussi ses temps forts comme la bûche, la Saint-Valentin, l’œuf de Pâques, la fête des Mères…
Vous aimez beaucoup travailler les fruits, d’où vient cette appétence ?
De mes racines coréennes. J’ai grandi en ayant toujours des fruits à table, dans mon pays, le climat n’est pas tropical alors nous avons comme en France quatre saisons qui nous livrent différents fruits. La comparaison s’arrête là car en France, je trouve que les produits sont incroyablement juteux, délicieux, le terroir est sans pareil. Mes pâtisseries sont sans sucre ajoutée, les fruits se suffisent à eux-mêmes. J’étais étudiante en nutrition alors j’attache une importance à l’équilibre, au goût. Ainsi, je fais beaucoup d’expérimentations, par exemple, je vais naturellement caraméliser les fruits. Dans l’Hexagone, on peut avoir la main lourde sur le beurre, la crème et le sucre (rires).
Au-delà du Triangle d’or, où trouvez-vous principalement l’inspiration ?
A travers mes voyages. Dernièrement, j’ai visité le Mexique où j’ai découvert une approche surprenante dans la consommation des fruits. Les Mexicains aiment tremper leurs fruits dans du sel, des épices, et ce n’est pas mauvais ! Pour cette année 2024, j’ai vraiment envie d’explorer l’Afrique où les fruits sont riches et plus nourrissants comme les bananes ou les dattes ; la Turquie est aussi un projet de voyage. L’ouverture aux autres est une manière de cultiver l’inspiration.
Bien que la pâtisserie se féminise, elle reste largement un milieu masculin. Quel regard posez-vous sur cette nouvelle vague de cheffes pâtissières aux commandes ?
Le fait d’être récompensées par des grandes institutions comme Gault & Millau & co nous expose davantage aux yeux du public. J’espère qu’il y aura toujours plus de vocations. Il faut néanmoins savoir que c’est un milieu très exigeant, compétitif, il faut réussir à se faire une place notamment en France qui reste la patrie de la gastronomie. En tant que femmes, nous apportons un autre regard, une autre sensibilité.
Votre signature ?
Le dialogue avec mes équipes et avec le chef Jean-François Rouquette. Je suis constamment dans la réflexion, l’expérimentation. Nous échangeons sur les goûts, les textures, les associations. L’été dernier, j’avais incorporé de l’huile d’olive en écho à notre terrasse d’inspiration méditerranéenne. J’aime également épurer les pâtisseries, leur conférer une fraîcheur. La présentation me prend beaucoup de temps car c’est comme des gemmes à offrir… Je ne pouvais pas trouver meilleure destination que la France pour laisser place à mes rêves de pâtissières !
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