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Tour de France : Les Chapelles Et L’Art

Consacrés ou désacralisés, les murs des chapelles offrent un support privilégié aux artistes et architectes de toutes époques et tous horizons. Plume Voyage a sélectionné celles-ci, de styles différents mais toutes très inspirées. Chaque fois, une intention particulière s’y exprime, un message s’y cache, une pensée y danse, entre formes, couleurs et motifs. Si vous croisez leur chemin…

Aux quatre coins de France, comme des cailloux blancs sur la carte, chacun de ces lieux se voue au culte de l’art. Vous qui passez sans les voir, attardez-vous un peu sur les indices extérieurs et glissez-vous à l’intérieur, afin de déchiffrer l’intention de l’artiste.

 

 

Iconoclaste, la chapelle du Saint-Pilon à l’effigie de Rudy Ricciotti 

Dans le sud de la France au sommet du Massif de la Sainte-Baume, site hautement religieux où, selon les croyants, Marie-Madeleine est venue se réfugier dans une grotte après la disparition de Jésus, la chapelle du Saint-Pilon a été érigée en 1493, dix ans après la Chapelle Sixtine décorée par Michel-Ange.

Mais les pèlerins venaient depuis le cinquième siècle sur le site où s’érigeait à l’origine une colonne surmontée de la statue de Marie-Madeleine, soutenue par les anges. La petite commune de Riboux, aidée par la Fondation du Patrimoine et la communauté d’agglomérations Sud Sainte-Baume, a financé la restauration extérieure dirigée par l’architecte Olivier Naviglio. Jusqu’ici, rien d’incroyable. Pour l’intérieur de la chapelle, celui-ci a proposé de reproduire le décor d’origine : des enduits stuckés imitent le marbre noir posé au XVIIème siècle et vandalisé sous la Révolution. Sur la face avant de l’autel, du faux marbre blanc imite la falaise de la Sainte-Baume. Au-dessus de l’autel, dans une niche, une maquette en plâtre de l’élévation de Marie-Madeleine, réalisée par le sculpteur José Silva da Fonseca. Olivier Naviglio, architecte du Patrimoine, a proposé à un autre architecte, Rudy Ricciotti, de prêter les traits de son visage au petit ange de gauche, et à sa compagne, Myriam Boisaubert, à Marie-Madeleine. Clin d’oeil coquin: où donc va la main de Rudy Ricciotti pour élever Marie-Madeleine? Le starchitecte ne s’est pas fait prier et a même proposé de financer la sculpture en marbre. Voici comment Rudy Ricciotti sera gravé dans le marbre pour la postérité, à 1000 mètres d’altitude, sur un sommet du Sud !

 

Cynétique Tadao Ando 

A partir de quatre murs tombés, l’architecte japonais Tadao Ando a reconstruit une chapelle située sur le domaine viticole du Château La Coste, près d’Aix-en-Provence.
Toute la subtilité de l’œuvre réside dans l’approche, l’angle de vision. En sortant d’un virage au sommet de la colline, un angle saillant bétonné surgit. On longe le mur, c’est alors qu’apparaît la chapelle, mystérieuse, comme sous cloche sous une élégante structure de métal et de verre. Lorsqu’on s’engage dans ce couloir, entre le verre et la pierre, le reflet de la pierre crée l’illusion de déplacement de la chapelle. On observe la chapelle dans la virtualité de son reflet, comme dans un palais des glaces, plongé dans un univers de rêverie, la surface du verre mêlant reflet des pierres et paysage de vigne. Surimpression maligne. A l’intérieur de la modeste bâtisse, le plafond décollé des murs laisse passer un rai de lumière. Le silence et la paix nous envahit. L’oeuvre atteint son maximum de perfection. Dehors, une grande croix en verre de Murano rouge se détache sur le bleu du ciel. Signée Jean-Michel Othoniel, elle s’inscrit dans l’éternel.

 

Humaniste Cocteau à Villefranche-sur-Mer

Dans les années 20, Jean Cocteau a un coup de cœur pour le petit port de Villefranche qui devient son second domicile.
Il séjourne à l’hôtel Welcome situé sur le port de pêche, pile en face de l’arrivée des pointus, là où les pêcheurs sortent leurs filets et répandent sur le quai le produit de leur labeur. Les propriétaires de l’hôtel fréquenté par une clientèle artistique et littéraire, mais aussi par les marins américains au sortir de la grande guerre, seront ses premiers mécènes. La famille Vigouroux l’héberge gratuitement pendant près de deux ans, chambre 22, ce qui lui permet d’écrire le Testament d’Orphée. En 1956, il propose aux pêcheurs devenus ses amis, de décorer la chapelle dédiée à Saint-Pierre, leur saint patron, dans laquelle ils entreposent leurs filets. Elle est située à dix mètres de l’hôtel, au bord de l’eau. Cocteau recouvre les parois intérieures de fresques, en hommage aux pêcheurs et aux Gitans des Saintes Maries-de-la-Mer. Inaugurée en 1957, c’est la première chapelle décorée par Cocteau. On y admire cinq scènes principales évoquant la vie des pêcheurs et des épisodes de la vie de Saint-Pierre puis deux chandeliers de l’Apocalypse réalisés par les céramistes de Mougins, ayant la forme de visages humains. De cette période, il écrira dans la dédicace de la mosaïque qu’il a réalisé dans l’entrée de l’hôtel: » A mon très cher Welcome, où j’ai passé le meilleur de ma vie ».

http://www.cotedazur-tourisme.com/

 

Ilotique Matthieu Lehanneur à Melle 

A Melle, dans les Deux-Sèvres, Mathieu Lehanneur a réalisé l’aménagement du choeur de l’église Saint-Hilaire.
Il imagine « une présence minérale qui pourrait même justifier que l’église fût construite là. En écho à l’extrême attention portée aux énergies telluriques des pierres et des territoires dans l’édification des églises romanes, ce lieu de culte aurait été bâti sur cette zone spécifique pour l’énergie perceptible qui s’en dégage.” Quand l’artiste s’imprègne de spiritualité, il fait de l’art sacré.

http://www.mathieulehanneur.fr/project/choeur-de-l-eglise-saint-hilaire

 

Pacifiste Picasso à Vallauris 

« La Guerre et la Paix », c’est le titre de cette fresque monumentale (plus de 100 m2) réalisée en 1950 en pleine guerre de Corée.
Picasso, engagé auprès du parti communiste français, milite au sein du Mouvement pour la Paix. Il décide de réaliser une œuvre monumentale qui témoigne de son engagement politique. En 1951, à l’occasion d’un banquet donné en l’honneur de son 70e anniversaire par les potiers de Vallauris, dans la nef de la petite chapelle du château, Picasso émet le souhait d’en décorer les voûtes. Il rêve de faire du vieux sanctuaire déserté une sorte de « Temple de la Paix ». Ainsi, après deux années et 300 dessins préparatoires, en août 1952, naît sous le pinceau du maître sa plus grande œuvre jamais peinte : La Guerre et la Paix ! Après Guernica en 1937 et Massacre en Corée en 1951, La Guerre et la Paix est pour Picasso la dernière manifestation de son engagement pour la paix. En 1956, l’artiste la donne à l’Etat français qui institue ce lieu en musée National, le premier hors de la capitale. Dans un premier temps, en entrant dans la chapelle, on voit la Guerre, personnifiée par une figure anonyme. Puis le Guerrier de la Paix, portant les attributs de la Justice, stoppe cette avancée. Sur son bouclier est peinte la colombe, dont Picasso avait fait le symbole communiste de la Paix, avant qu’elle n’en devienne le symbole universel. Sous la colombe, se devine en transparence le Visage de la Paix, celui de Françoise Gilot qui a été recouvert d’un glacis semi-transparent.
http://musees-nationaux-alpesmaritimes.fr/picasso/

 

Testamentaire, Matisse à Vence 

C’est par son toit qu’on aborde la chapelle, placée en contrebas de la route. Elle appartient aux sœurs dominicaines et ce sont elles qui en assurent la visite, en dehors de la célébration du culte.
Cette œuvre est un peu la profession de foi du peintre, qui dira qu’elle représente « l’aboutissement de toute une vie de travail ». C’est une perle, une œuvre totale. Matisse réalise tout : architecture, céramiques, vitraux, mobilier, sculptures, jusqu’aux soutanes colorées du curé, conservées au Musée Matisse à Nice. Il y conjugue les techniques et matériaux pour inspirer l’élévation de l’âme. Quand on entre dans la chapelle, la couleur vous envahit : elle traverse les grands vitraux polychromes, caresse les murs, le sol, créant une œuvre situationniste. L’autel, réalisé en pierre de rogne, évoque la chair du pain, celle du Christ. Tout ici est harmonie, paix de l’esprit. Un joyaux très protégé, vénéré, même. « Je la considère malgré toutes ses imperfections comme mon chef d’œuvre. C’est le résultat d’une vie consacrée à la recherche de la vérité » dit Henri Matisse à l’occasion de la bénédiction de la chapelle en juin 1951.

http://chapellematisse.com/FR/horaires-visite-chapelle-et-espace-museal.php

 

Texte de Françoise Spiekermeier pour PLUME VOYAGE MAGAZINE © Nicolas Martinez pour la Chapelle du Saint-Pilon/ photo © Matthieu Lehanneur pour l’église Saint Hilaire / © Chateau La Coste © Andrew Pattman pour la Chapelle Tadao Ando / © pour la Chapelle Succession H. Matisse à Vence

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