Ils sont à l’affiche depuis le 23 mars au Pavillon du Carré de Baudouin à Paris (20e). L’institution leur a donné carte blanche et le grand public pourra, à travers leur exposition Circonstances Atténuantes, découvrir le parcours, parfois intime, de Lek & Sowat dans le street art.
S’ils mènent individuellement leur carrière depuis 2010, Lek & Sowat réalisent des œuvres communes, imposantes et marquantes : ce fut le cas de « Mausolée », de leurs créations à la Villa Médicis, et de leur participation au projet Lascot au Palais de Tokyo.
C’est leur parcours qu’ils racontent à travers « Circonstances Atténuantes », et pour l’occasion, ils dévoilent correspondances, dessins d‘enfants et les premiers graffs sur leurs cahiers d’écolier. Il est assez rare que des artistes ouvrent les coulisses de leur vie, non pas celles de leurs doutes, mais celles de leurs parcours plus intimes. Dans l’univers street art, cette abstraction est d’autant plus forte que, pour des raisons de légalité, ils utilisent des noms d’emprunt dès leurs premiers graffs et certains cachent encore leur visage. « Dans le graffiti, tout le monde porte un masque et l’on ne se révèle pas ! »
Ce sont également les rencontres fondamentales, leur entourage, les crews, qu’ont souhaité montrer Lek & Sowat dans cette plongée plus personnelle dans leur univers. Cette carte blanche a été en partie possible grâce à Elise Herszkowicz (fondatrice de l’association Art Azoï à qui l’on doit les expositions Oxymores ou Radiographik), commissaire de l’exposition, et à Nathalie Maquois, attachée à la culture de la Mairie du 20ème arrondissement de Paris.
« Il y a un budget de production alloué par la Mairie du 20e, qui prend en charge la diffusion, la communication de cette exposition. La Mairie est depuis longtemps un soutien actif dans la création. Nous sommes tous autodidactes et des « couteaux suisses », nous avons donc cherché des sponsors, dont la société danoise EGE ( société de moquettes professionnelles et personnalisées) qui a accepté de nous accompagner. Par ailleurs, pour cette exposition, nous avons eu accès aux services des voiries de Paris, qui nous a prêté du mobilier urbain. Mon combat est de placer les artistes d’art contemporain à leur juste valeur. Et depuis quelques années, de nombreuses synergies se mettent en place pour y arriver ». explique la commissaire de l’exposition
Depuis plus d’un mois, Lek et Sowat vivent et créent in situ leur expo au Pavillon du Carré de Baudouin. Ce travail multidisciplinaire (abstractions architecturales, calligraphies, installations vidéos, photographies ..), éphémère, généreux et touchant auquel ils se sont adonnés « est l’aboutissement du travail mis en place à la Villa Médicis ». « On a eu envie pour cette carte blanche, parce que c’est un lieu qui échappe au marché, de créer une autre dynamique. Comme dans un terrain vague abandonné, notre idée était de développer les mêmes réflexes, de peindre les panneaux sans aucun revêtement. Ce seront les services de la mairie qui effacent habituellement les graffitis qui viendront les nettoyer le 22 juillet. Nous allons mettre en scène leur destruction, cette fois-ci, nous allons la contrôler » explique Sowat.
Dès la première salle, où trônent « trois histoires graphiques différentes » sur trois des murs, les artistes expliquent leurs choix de création. « Nous avons voulu que notre installation réponde à ce lieu, les réalisations faites sur le sol et les murs se répondent également. La destruction est au cœur du propos, l’idée est de créer des choses et par couches successives, nous les détruisons. Nous essayons de contrôler la destruction car même dans la rue, quand les services nettoient certains tags, il restent des résidus, des signes qui témoignent de différentes époques et qui avec le temps se modifient… L’éphémère, pour nous, peut durer dix ans. Cette première pièce synthétise l’expérience de rue que nous avons eue. Nous avons utilisé un mélange d’outils de peintre et d’autres qui ont été récupérés dans des magasins de construction. Nous voulions montrer notre ADN en utilisant à la fois des matériaux nobles et ceux utilisés par les professionnels du bâtiment » souligne le duo.
Par ailleurs, avec cette œuvre, Lek & Sowat ont souhaité répondre aux questions récurrentes, aux clichés : « Les graffeurs sont-ils des peintres ? » « Ont-ils le droit de reproduire à l’intérieur ce qu’ils font à l’extérieur ? » « Je peins depuis trente ans, passer par un atelier est une suite logique ; mon travail a évolué, aujourd’hui, nous maîtrisons l’ensemble de notre peinture, nous en avons extrait notre meilleure essence » raconte Lek.
Cette notion de temps qui passe, du vieillissement des traits et des calligraphies qu’affectionnent ces artistes est très présente dans « Circonstances Atténuantes ». Si elles sont très visibles, tout comme le thème de la destruction, paradoxalement, surgit de cette exposition l’idée de construction des « réseaux », des amitiés profondes, des collaborations avec d’autres artistes, avec les galeristes, curateurs et les marques… Lek et Sowat ont eu à cœur de montrer les différentes étapes de leurs parcours. « Quand nous avons réalisé Mausolée, ce sont les affaires des gens que nous avions triées, cette fois ce sont les nôtres. Agatha Montesino nous a aidés à cette composition. » Ils ont décidé de dévoiler quelques moments de leurs parcours. « Nos familles avaient gardé certains de nos dessins d’enfants mais également nos premières influences, les premiers articles, les travaux d’architectures et les carnets de Lek . On voulait montrer les racines, les origines, les peintures et les amis. ».
Il apparaît ainsi dans le monde de Lek & Sowat, un cercle d’amis-artistes proches, voire fraternel qui intervient, suit, aide et reste présent. Et c’est ainsi que David Tcheko, Latulipe Apôtre, Daniel Kendrick, Manon Choserot, Alice Versieux et beaucoup d’autres étaient là pour « Circonstances Atténuantes ».
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