Les constructeurs européens vont devoir faire bonne figure cette semaine lors du salon de l’automobile de Genève, alors qu’ils doivent faire face à un secteur en constante évolution et à des prévisions boursières mitigées.
Donald Trump souhaite augmenter les taxes à l’importation de véhicules européens, et cela ne risque pas d’améliorer l’ambiance. Cependant, les taxes d’importation vers les États-Unis sont de 2,5 % alors que celles vers l’Europe sont de 10 %, cet écart aurait dû être réduit depuis des années.
De plus, l’avènement des véhicules électriques a complètement chamboulé le secteur parce que les constructeurs doivent investir des milliards d’euros pour cette transition, tout en ne sachant pas exactement quand les consommateurs commenceront à acheter en masse des voitures électriques, ni quand ils pourront voir un retour sur investissement.
Les leaders du secteur, comme Volkswagen, pressés de faire oublier le dieselgate, ont débuté l’électrification de leur gammes de véhicules. La marque allemande souhaite se rattraper en annonçant que d’ici 2025, 25 % de sa production sera électrique, alors que des prévisionnistes reconnus pensent que 10 %, c’est déjà très optimiste.
À côté de ça, on parle des voitures autonomes comme si elles étaient déjà prêtes à être adoptées, mais en réalité, cette technologie n’est pas près d’envahir nos rues car elle n’est pas encore au point et le public est encore réticent à son égard.
L’hypermédiatisation de ces technologies est bien en avance sur leur réelle évolution, mais les constructeurs automobiles savent très bien que de grandes sociétés richissimes, comme Amazon, Apple ou Google, pourraient un jour décider de se lancer dans l’industrie automobile avec de nouvelles idées qui pourraient rapidement éclipser les constructeurs traditionnels. Ou des startups de la tech pourraientt succomber à une frénésie de rachat et s’offrir certaines des plus grandes marques automobiles. Elles peuvent se le permettre financièrement, c’est certain.
Ensuite, il y a le problème des moteurs Diesel. Il y a quelques jours, une décision du tribunal administratif fédéral de Leipzig a autorisé les villes allemandes à interdire la circulation des véhicules roulant au gasoil lorsque que la qualité de l’air devient critique. Cette décision pourrait se propager dans toute l’Europe et toucher de plein fouet les résultats des constructeurs, car leurs stratégies de suivie des réglementations européennes en matière de qualité de l’air et de carburants dépendent de ce genre de décisions.
Et n’oublions pas le Brexit. Le Royaume Uni est actuellement en pourparlers avec l’Union Européenne en vue de sa sortie de l’organisation. Les analystes les plus alarmistes pensent que cette sortie de l’UE peut ralentir l’industrie automobile car ses chaînes logistiques reposent avant tout sur le libre échange des marchandises.
Si le salon de l’automobile de Genève avait eu lieu un mois plus tôt, les prévisions de ventes européennes auraient été considérablement plus optimistes, avec une croissance comprise entre 4 % et 1 %. À l’heure actuelle, certaines prévisions tablent sur une chute de 2 %, bien que LMC Automotive prédise encore une croissance de 1,6 %.
L’économie européenne n’a pas connu de réels changements mais le krach des marchés boursiers suivi d’une reprise ébouriffante et de montagnes russes n’inspire pas réellement confiance.
L’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) s’attend désormais à une croissance de 1 % en Europe, avec quelques inquiétudes quant au Brexit. Ces dernières soulignent la fragilité du redressement. L’ACEA a plaidé auprès de l’UE pour un adoucissement des réglementations concernant les émissions de gaz à effet de serre. Et c’est d’autant plus pertinent après la décision du tribunal allemand.
De son côté, IHS Markit a revu à la baisse ses prévisions de vente pour les véhicules Diesel : « La part de voitures Diesel sur le marché européen pourrait passer sous la barre des 35 % d’ici 2020, soit trois mois plus tôt que pour nos prévisions d’octobre 2017. Elle devrait également représenter seulement 28 % du marché en 2025 ». IHS Markit prévoit également une chute des ventes de véhicules Diesel de 9,3 % en 2018.
La part de marché des véhicules Diesel dépassait les 50 % il y a trois ans.
Ferdinand Dudenhoeffer, enseignant chercheur au Centre de recherche automobile de l’université de Duisberg-Essen, essaie de se rassurer en affirmant que cette débâcle ne touchera que les constructeurs européens. Ils ne vendent pas beaucoup de véhicules Diesel en dehors de l’Europe, mais la controverse a fait perdre toute sa crédibilité à ce type de véhicules.
Selon Ferdinand Dudenhoeffer, les véhicules hybrides légers peuvent sauver l’industrie : « Les constructeurs automobiles ont besoin d’une stratégie pour atteindre les objectifs en matière d’émissions de CO2 : les voitures entièrement électriques et l’introduction rapide d’hybrides légers de 48 V ».
Lors du salon de Genève, Renault dévoilera sa Clio hybride qui est dotée de systèmes électriques permettant de faire fonctionner son moteur Diesel plus efficacement et pour une consommation réduite de moitié.
Ferdinand Dudenhoeffer, reste sur ses gardes, mais il pense tout de même que le secteur pourra se maintenir : « Les bénéfices de 2018 vont encore surpasser ceux de 2017. Les titres du secteur seront toujours prisés en 2018 et l’électrification des gammes boostera les investissements ».
Pendant ce temps, le nouveau SUV I-Pace de Jaguar tout électrique sera la star du salon, et pas seulement parce qu’il permet de détourner l’attention des sujets polémiques. Jaguar est le premier constructeur européen haut de gamme à marcher sur les plates-bandes de Tesla avec son SUV de luxe tout électrique prêt à être commercialisé. Le constructeur indien basé en Angleterre gagne donc un bon point face à ses concurrents allemands, tels que Mercedes, Audi et Porsche.
Bien sûr, de nombreuses voitures de rêves seront présentées au public lors du salon, à commencer par la Ferrari 488 Pista avec son moteur V8 de 710 chevaux. Elle succède à la 360 Challenge Stradale, la 430 Scuderia et la 458 Spaciale, et elle peut atteindre la vitesse de 100 km/h en 2,7 secondes et rouler jusqu’à 340 km/h. La McLaren Senna, quant à elle, dispose d’un moteur bi-turbo V8 de 789 chevaux et d’une vitesse maximale de 340 km/h également. Elles coûtent toutes deux 1 million de dollars (812 000 €) et sont toutes déjà vendues. Mais ces deux modèles paraîtront bien pâles à côté de la Zerouno à 2,4 millions de dollars (1,95 millions d’euros).
En ce qui concerne les SUV, le nouveau Volvo XC40 et le Honda CR-V mèneront la danse aux côtés du Mitsubishi Outlander PHEV (Plug-in Hybrid Electric Vehicle), du Lexus UX compact et de la nouvelle génération du Hyundai Santa Fe. Des berlines seront également présentées lors du salon, notamment l’Audi A6, la Peugeot 508, la Kia Ceed et la Mazda6.
Cette édition comptera de grands absents comme Opel, qui appartient désormais au groupe PSA, DS, la filiale de PSA qui lutte pour s’introduire sur un secteur dominé par les constructeurs allemands et Infiniti, un autre prétendant au luxe. Cadillac sera également absent. Cela veut-il dire que les ambitions européennes des constructeurs sont finalement réduites à peau de chagrin ? Tesla ne sera pas non plus présent, mais il devrait être au rendez-vous l’an prochain pour faire admirer sa Model 3.
Le salon de l’automobile de Genève ouvrira ses portes du 8 au 18 mars au Palexpo.
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