Peintre postimpressionniste, Georges Ferro-Lagrée est né à Poissy en 1941. Ayant découvert la peinture par van Gogh, Monet, Degas et Sisley, c’est Pissarro qui l’inspire le plus. Il a créé son propre style artistique en peignant des paysages ruraux et des scènes de la vie quotidienne. Peintre de la couleur et de la lumière, ses toiles ont été exposées à travers le monde (New-York, San Francisco, Chicago, Los Angeles, Boston, Tokyo, Genève, Lausanne).
Yvette Mason, une artiste sculptrice, dit de lui : « Les tableaux de Georges Ferro-Lagrée proclament l’enthousiasme, respirent la foi, l’amour du plein air des impressionnistes. Il utilise des couleurs étonnantes pour animer la campagne d’indices vibrants qui font allusion à la spontanéité. Ses natures palpitent de lumières et laissent souvent apparaître des choses cachées sous-jacentes. »
A Evreux, sa ville de résidence, une exposition rétrospective vient de lui être consacrée organisée par l’association Evreux 2044 . « En rencontrant des gens à Évreux, je leur ai demandé ce qui avait été fait dans la ville à l’occasion des 150 ans de l’impressionnisme. On m’a répondu rien, ni en terme de tradition, ni en terme d’actualité. Nous avions alors lancé une première exposition avec Pierre Allard, peintre impressionniste ébroïcien. Lorsque j’ai rencontré Georges Ferro-Lagrée, qui assume complètement d’être un peintre impressionniste, je me suis dit, continuons le mouvement », raconte François Bouillon, président de l’association.
Quelques données sur le marché de l’art en 2023 : D’après artprice, sur le segment de l’art moderne, l’année 2023 a été marquée par un record de 123 000 adjudications dont 99 000 qui concernent des œuvres de moins de 5 000 dollars et 47 000 des œuvres à moins de 500 dollars. « Le marché français est porté par une passion pour l’art, ancrée dans sa culture, et par un esprit de découverte et de collection propre à ses énergiques acheteurs, qui ont absorbé 10 170 œuvres contemporaines cette année. La France assure ainsi 8% des transactions mondiales et s’impose, sur ce point, comme le troisième pays le plus dynamique face aux géants américains et britanniques. » Les principaux artistes français sont Robert Combas (5,2m$), Richard Orlinski (4,3m$), Nicole Eisenman (3,1m$), Invader (2,8m$) et Claire Tabouret (2,2m$) D’après Hiscox, le marché de l’art en ligne ne cesse de croître, en 10 ans il a quintuplé et le Covid a accéléré sa croissance, « 30 % des acheteurs prévoient d’acheter moins en ligne au cours des 12 prochains mois ». En 2022, le niveau des ventes annuelles d’art en ligne était de 5,4 milliards de dollars en 2022. D’après le rapport Art Basel et UBS, le total du marché de l’Art est de 65 milliards de dollars. Les Etats-Unis y représentent 42% du marché devant la Chine (19%). Les enchères atteignent 25,1 milliards de dollars et les marchands d’art y vendent pour 36,1 milliards de dollars. |
Pissarro avait écrit qu’«Empêcher un jeune homme d’aller où l’appellent ses passions est presque impossible». Vous êtes autodidacte, comment êtes-vous devenu peintre ?
Par hasard ! Ma femme m’a emmené, à 27 ans, au Jeu de Paume place de la Concorde et je suis tombé amoureux et passionné de la peinture impressionniste. A cet instant, je découvrais la peinture. J’ai dit « Je veux faire ça ! ».
J’ai commencé par une copie d’un dessin de van Gogh. Deux petits vieux de dos car j’avais visité une exposition des dessins de van Gogh à l’Institut Néerlandais de Paris. Sur un papier, j’ai fait un dessin de ces 2 petits vieux en 5 minutes. J’ai été très étonné et ma femme encore plus.
Pourquoi avez-vous choisi l’impressionnisme comme style ?
J’aime tous les impressionnistes Monet, Sisley, Guillaumin. Ils étaient extraordinaires et magnifiques. J’aime aussi les suiveurs comme Montézin, Lebourg ou l’école de Rouen qui étaient merveilleux. C’est un mouvement formidable.
L’impressionnisme correspond à ma sensibilité. J’ai une formation d’ingénieur et je suis un passionné des sciences et de la musique. Je suis pianiste, compositeur et arrangeur.
Comment êtes-vous passé de l’ingénierie à l’impressionnisme ?
J’ai arrêté mon travail après des crises d’asthme épouvantables. Je suis tombé deux fois dans le coma. L’inactivité m’a amené à aller à des expositions, peindre et à assister à des concerts de musique classique. Avant j’étais ignare de ces deux arts.
Pour la musique, la première fois, j’ai assisté à un concerto de Beethoven par Wilhelm Kempff et cinquante musiciens à la salle Pleyel. En sortant de ce concert, j’ai décidé d’étudier le piano … tout seul. Mozart, Chopin et Bach sont une autre de mes passions.
Les grands maîtres de l’impressionnisme continuent-ils à vous inspirer encore aujourd’hui ?
Tout ce qui traite de la peinture impressionniste m’attire. Je suis un passionné de cette peinture. J’ai vu l’exposition van Gogh à Amsterdam. A chaque fois que j’ai eu l’occasion d’aller à Amsterdam, pour y jouer de la musique, je suis allé au musée Kroller-Muller.
J’allais aussi souvent à Paris voir des expositions mais je n’y vais plus car c’est trop fatiguant.
L’impressionnisme a 150 ans, est-ce un style où il est possible de toujours innover ?
Oui, car l’impressionnisme c’est la division du ton. Pour obtenir par exemple un rose, on juxtapose des taches colorées. La rétine recompose ensuite la tonalité voulue. C’est l’œil qui fait le travail. Chevreul, le physicien, a fait des travaux là-dessus.
Maintenant, je vais plutôt vers l’aplat. J’ai travaillé le divisionnisme. Les impressionnistes faisaient du divisionnisme sans le savoir. Seurat et Signac ont développé cette technique.
N’est-il pas difficile d’arriver après de tels maîtres ?
C’est difficile car souvent dans les expositions que je faisais, le jugement de certaines personnes était presque humiliant. On m’a reproché d’avoir un siècle de retard ! Cela me touchait mais je n’ai jamais baissé les bras.
Comment a évolué votre technique au fil du temps ?
De la division, je suis passé à l’aplat. Ma peinture est moins divisée mais plus colorée en ayant plus d’audace dans la couleur et dans la recherche de l’harmonie et de la lumière. La lumière est mon objectif. Mais il vaut mieux se tromper dans la lumière que dans la composition. La mise en scène d’une toile est capitale. C’est pour cela que j’ai détruit beaucoup de toiles. En me trompant souvent. Je suis très exigeant.
Vous avez réalisé plus de 4000 dessins, précèdent-ils à chaque fois vos 2500 tableaux ? A quoi vous servent ces dessins ?
J’ai beaucoup travaillé et beaucoup produit. Beaucoup d’aquarelles, environ 300, et de pastels, peut-être 1000. C’est un travail indépendant des tableaux mais ils m’inspirent et imprègnent ma mémoire. A chaque tableau, j’invente tout. A chaque toile je recherche. La lumière et la mise en scène m’intéressent. Peu importe le sujet.
Peignez-vous aussi à l’aquarelle et des pastels ?
Je n’en fais plus. La conservation sous verre est compliquée. J’en ai vendu beaucoup en Suisse, lors de grandes expositions à Genève. J’ai exposé pendant 4 ans dans une galerie à Genève. Ils aimaient les pastels.
Quand vous peignez, comment faites-vous vos choix de couleurs et illuminez-vous vos œuvres ?
Ça vient tout seul. Je choisis les tubes au fur et à mesure. Je ne me pose pas de question avec la couleur. J’évite les mélanges car j’en ai horreur. Ma peinture est basée sur des superpositions de touches et couleurs. Je reviens des dizaines de fois sur les toiles. Cette technique crée la richesse de la matière, du relief. Je travaille aussi sur les transparences.
Je commence par un dessin pour camper les masses. Comme un chef d’orchestre, je vais d’un bout à l’autre de la toile. Un peu en haut, un peu à droite, puis à gauche, je n’ai pas d’ordre pour réaliser un tableau. Il n’y a qu’à la fin que l’on voit ce que cela donne.
Une fois terminée, je retourne la toile pour ne plus la voir. Si je le regarde trop, je vais la détruire.
Comment faites-vous vos choix de paysages ?
Cela fait 30 ans que je peins dans mon atelier. Je fais travailler ma mémoire sur des images et des lumières que j’ai vues. Je suis un contemplatif.
En même temps, je résonne pour savoir ce qui se passe. C’est la transposition qui m’intéresse. Je recherche une tonalité à chaque fois. Je n’aime pas l’imitation.
Dans votre série sur le tour de France, vous avez peint d’après photos, est-ce une technique complétement différente ?
C’est différent car il faut un dessin beaucoup plus affirmé. Mais c’est le même problème de composition. Je fais un élément après un autre, je ne copie pas de photo. J’ai horreur de cela. Copier une photo ne m’intéresse pas.
Quel matériel utilisez-vous pour peindre, avez-vous des préférences ?
J’ai fait beaucoup de peintures à l’huile mais je suis passé à l’acrylique qui est plus pratique et facile. On obtient les mêmes effets et la même qualité. Cela tient autant dans le temps grâce aux vernis. C’est une peintre solide.
Sacha Guitry, quand il racontait Claude Monet, disait qu’il était un infatigable peintre qui peignait du début du jour à la nuit et qui ne voulait jamais perdre une minute de lumière. Etes-vous aussi un peintre infatigable quand vous peignez 20 toiles en parallèle ?
Exactement, je travaille sur 20 toiles en même temps, elles passent tous les jours entre mes mains pour les retoucher. C’est la même folie ! A minuit, j’y suis encore. Je rectifie souvent la composition de chaque toile.
Quand vous voyagiez, quelle ville vous a inspiré ?
A Venise, j’ai fait des dizaines de pastels et dessins sur place. De retour à l’atelier, je m’inspire de tout ce travail. De nombreuses années après je reviens encore sur ces toiles.
Dans votre atelier, vous utilisez des cadres ?
Oui pour faire des recherches sur la composition. Je les mets dans un cadre pour voir la mise en place. Pissaro faisait comme cela aussi.
Toutes vos toiles sont-elles signées ?
Certaines toiles sont sorties de mon atelier sans être signées. Elles sont parties aux Etats-Unis et en Nouvelle-Calédonie comme cela. Maintenant, je les signe plus tôt, mais cela ne veut pas dire que le tableau est terminé. Certaines toiles qui semblent finies sont juste pour moi un point de départ, je reviens sur la signature et les resigne dans ces cas-là !
Peignez-vous des grands formats ?
Oui, car les américains préfèrent les grands formats. Tout ce qui a été fait sur mon jardin est parti là-bas aux Etats-Unis. J’ai encore des toiles qui sont en cours de réalisation.
Que représente la peinture pour vous aujourd’hui et regardez-vous ce que font d’autres artistes ?
Je sors rarement maintenant. J’ai fait beaucoup de salons dans le temps. Certaines années, je faisais plus de 30 salons. J’y ai vu de très beaux peintres. Il y en avait des excellents. Chacun a ensuite son parcours. J’ai continué avec cette technique qui me plaisait.
Parmi les peintre impressionnistes, vous aimez Pissarro, que vous inspire-t-il ? Comme lui, peignez-vous ce que vous ressentez et non ce que vous voyez ?
Il avait une lumière et un dessin extraordinaires. Quelle mise en page ! Rien n’est mauvais chez lui. C’est un solide travail. Sisley est aussi magnifique. Il a fait des chefs d’œuvre à Moret-sur-Loing.
Vous êtes exposé en galeries, comment y êtes-vous arrivé ?
Après 6 mois de passion de la peinture, j’avais fait beaucoup de petites gouaches. J’ai fait alors le tour des galeries de la rue du Faubourg Saint-Honoré. J’ai sonné partout. J’ai été humilié par la plupart. Après une première journée, j’étais défait. Le lendemain, j’ai réessayé et une galerie m’a proposé d’en garder quelques-unes. Un mois et demi après, elle en avait vendu deux. Cela a amorcé la pompe. Après, mes tableaux ont été dans 12 galeries dans Paris. J’ai beaucoup semé.
En parallèle, j’ai proposé mes toiles à Blache, en salle des ventes. Un jour, j’ai reçu un catalogue avec des Renoir, Pissaro, Lebourg puis … moi avec une reproduction de deux tableaux. Il s’est vendu à l’équivalent de 900 euros aujourd’hui. Ce fut le départ. Il faut y croire !
Vous avez beaucoup vendu dans les pays anglo-saxons, vos toiles y atteignaient des prix impressionnants !
Les Etats-Unis sont arrivés longtemps après. J’ai beaucoup vendu en France avant. J’ai eu la chance de croiser un grand marchand d’art qui aimait beaucoup mon travail. Il a fait une exposition et en a vendu beaucoup. Il louait des salles le week-end dans de grands hôtels et il vendait tout ! Il mettait mon travail en valeur. Ça a été une période extraordinaire. Je n’en revenais pas. Mais il fallait produire. Les salles des ventes m’ont aussi appelé, notamment celle de Troyes, Pomez et Boisseau, pour avoir des tableaux puis en avoir d’autres. A cette époque, j’ai produit entre 150 et 200 toiles par an, du matin au soir.
10 ans après, j’ai reçu le catalogue de Troyes « les petits maîtres de la peinture », un de mes tableaux s’est vendu à 4500 euros. J’ai trouvé cela incroyable. A cette époque, en moyenne, mes tableaux se vendaient entre 1500 et 2000 euros. Après avoir connu cette euphorie, la guerre du golfe en 1991 est arrivée et l’art a dégringolé. Plus rien ne se vendait. Pendant 6 ans je n’ai pas vendu de peinture !
Je suis allé au salon d’art contemporain de la Bastille. J’ai présenté une trentaine de toile et ça a été un bide. Par chance, un galeriste m’a vu et proposé de réexposer chez lui rue Saint-Louis en l’Ile. Il a fait un malheur et cela a duré 2 ans. Il vendait 10 toiles par mois aux touristes américains.
Un jour, des galeristes américains ont trouvé mes coordonnées et proposé d’acheter des toiles en direct. Ils en ont pris 27 d’un coup pour la Nouvelle Orléans, Chicago, Détroit et New York. Ça a été l’explosion. En parallèle, il y a eu aussi des expositions à Genève. Plus de 60 toiles s’y sont vendues en 4 jours !
Savez-vous si vous êtes collectionné par des musées ?
Il paraît que des musées aux Etats Unis ont certaines de mes toiles. Avec internet, j’ai découvert qu’un musée en exposait deux.
Que pensez-vous des prix de vos tableaux aux enchères ?
Les prix sont très variables. Certains sont très bas mais il y a eu des ventes extraordinaires. Une fois à Dubaï, 8 toiles se sont vendues entre 6000 et 12000 euros !
Vous avez été copié, comment réagissez-vous quand vous découvrez de fausses toiles ?
C’est souvent très mauvais. Ma peinture n’est pas imitable. J’ai vu cela sur internet fait en Espagne. Certains collectionneurs m’ont demandé de leur certifier ces faux ! J’ai très mal réagit en les découvrant. Les signatures étaient affreuses. Ces toiles datent de l’époque où je vendais beaucoup.
Connaissez-vous certains de vos collectionneurs ?
La fille d’Adrien Mercier, un peintre et illustrateur qui avait décoré le paquebot France, a acheté plus de 300 tableaux qui se trouvent au Château de Châteaubriant près d’Angers. Elle y a organisé des expositions de mes peintures à l’occasion d’un concert de musique.
Vous avez envisagé de céder votre fonds d’atelier à la ville d’Evreux dans la cadre de votre succession ?
Ils n’ont pas été à la hauteur pour prendre une décision positive. Je leur cédais tout, l’atelier, le reste des tableaux, la propriété et mon compte en banque. Ils sont venus ici et n’ont même pas regardé un tableau. Ils n’avaient rien à faire de la peinture.
L’association Evreux 2044 a organisé une exposition de vos tableaux à l’occasion des 150 ans de l’impressionnisme, qu’avez-vous pensé de cette initiative ? Vous n’avez jamais eu envie d’exposer également à Poissy, votre ville de naissance ?
Peu de personnes à Evreux achètent de la peinture. J’ai eu très peu de contacts lors de l’exposition ou d’interactions avec le public. Les personnes de l’association étaient charmantes. Mais il m’a manqué la passion des arts. Poissy n’a jamais essayé de me contacter.
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