Pourquoi les ramens ont-ils un tel succès ? En quelques mois, le ramen, cette fameuse soupe de nouilles japonaise, est devenu un incontournable parisien. Des ramens shop ouvrent dans de nombreux quartiers de la capitale, des restaurants installés en mettent de plus en plus à leur menu, et Guy Savoy lui-même, le chef trois étoiles, a récemment ouvert un bar à ramens haut de gamme sur les quais de Seine, qui propose entre autres une recette au foie gras ! Pourquoi cette nouvelle passion parisienne ? Voici les réponses d’un expert français, Sedrik Allani, patron et chef cuisinier de Neko Ramen (1), une jeune adresse qui célèbre cette soupe comme le « meilleur plat du monde ».
Comment êtes-vous arrivé au ramen ?
A 6 ans, j’ai découvert la cuisine nippone à Londres, avec mon grand-père. Ca a été ma première rencontre avec le ramen. Mais avant d’en faire mon métier, j’ai connu toutes sortes d’expériences professionnelles, notamment celle de producteur de documentaires sur le cinéma. Quand j’ai compris que les making of n’avaient plus d’avenir puisque la vente de DVD chutait irrémédiablement, je me suis demandé vers quoi j’allais m’orienter. Il se trouve qu’une terrible nouvelle que je préfère ne pas évoquer ici m’a contraint à me poser une question essentielle : de quoi j’avais le plus envie ? En fait, de me lancer dans la cuisine japonaise que je pratiquais déjà dans l’intimité, et plus précisément dans le ramen.
Où avez-vous appris cette véritable science ?
A l’été 2018, j’ai décidé de participer à un stage intensif dans la meilleure école du monde, Rajuku, à Tokyo. Pendant deux mois, j’ai été initié au ramen à raison de 12h par jour par le maître qui l’a enseigné à la plupart des cuisiniers qui ont ouvert des ramens gourmets dans le monde entier. Par la suite, j’ai travaillé dans des ramens shops, à Tokyo, qui n’en proposait que deux sortes : l’un épicé, l’autre pas. Pour prendre les commandes, on cochait une case rouge ou une case noire !
A l’origine, cette spécialité est un plat populaire ?
Oui. D’une certaine manière, il a sauvé le Japon après la guerre. Le pays s’était beaucoup appauvri, les gens n’avaient plus de quoi manger et ils ont redécouvert le ramen dans les années 50, un plat né en Chine puis importé au Japon au début du XXe siècle. C’était bon, nourrissant et pas cher, mais souvent très gras. La nouveauté, c’est que des chefs ont compris que ce plat pouvait devenir un met complexe et subtil et ont décidé de le travailler avec raffinement.
Vous-même, vous parlez de ramen gourmet.
Tout à fait. Je mets une centaine d’ingrédients différents dans un ramen qui doit cependant être composé de 5 parties intangibles : le taré (les épices) qui reste le secret du chef, le bouillon à base d’os de porc ou de poulet et de poisson, les nouilles, les toppings (garnitures) de porc braisé, de poulet ou de bœuf et les huiles aromatiques.
Pourquoi ce plat a-t-il autant de succès à Paris, notamment auprès des jeunes ?
Pour plusieurs raisons à mon avis. De nombreux jeunes s’intéressent au Japon et le ramen est le plat japonais par excellence, bien plus répandu que les sushis. Ensuite, c’est copieux sans être lourd si on évite les ramens bon marché à la graisse de porc, très goûteux mais difficile à digérer. Le prix doit jouer aussi : vous pouvez trouver un excellent ramen à moins de 10 euros. Et c’est très compliqué de le faire chez soi car il est quasiment impossible d’acheter les ingrédients ici. Imaginez qu’il faut faire mariner certains produits pendant un mois ! Une dernière chose : quand vous êtes pressé, le ramen est très pratique car vous êtes généralement servi en moins de trois minutes. Mon record est de 57 secondes !
Guy Savoy qui propose dans l’un de ses établissements, Supu Ramen, un ramen au foie gras, vous en pensez quoi ? Il dénature le plat ?
Non, certainement pas. Chaque chef est libre de revisiter le ramen comme il l’entend. Moi-même, j’ai créé un ramen vegan que les clients apprécient beaucoup. Je vais tester le sans gluten bientôt… Après, il y a des ratés. Le ramen burger, je ne trouve pas ça terrible mais il en faut pour tous les goûts.
Pour un restaurateur, l’intérêt réside aussi dans le fait que le prix de revient du ramen est très bas.
Exact. Je réalise une marge substantielle en vendant mes ramens entre 9 et 12 euros. Certains le font payer jusqu’à 17 euros… Mais l’homme qui a fait la plus grosse fortune avec le ramen, c’est Ichiban, qui a inventé la nouille lyophilisée ! Certains fondateurs de chaînes de ramens shops ont aussi gagné énormément d’argent. Songez qu’il y en a 8000 à Tokyo !
Et à Paris, comment voyez-vous l’avenir du ramen ?
J’imagine qu’il y aura une centaine de restaurants de ramens d’ici quelques années, comme à Manhattan. Moi-même, j’espère en ouvrir une dizaine.
(1) Neko Ramen, 6 rue de la Grange Batelière Paris 9e
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