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Quand résidence secondaire rime avec bonne affaire…

À Meyreuil, face à la montagne Sainte-Victoire, en campagne d’Aix-en- Provence, propriété de 500 m2 habitables avec appartement indépendant de 40 m2, édifiée sur un terrain de 5 000 m2 paysager et boisé. Daniel Féau Provence, 4 490 000 €

Après la pandémie mondiale, la guerre en Ukraine et l’inflation, l’immobilier est plongé dans le doute. Au risque d’une récession, la Banque centrale européenne a relevé son taux d’intérêt de référence dès septembre 2023 à 4,75 %, un niveau jamais atteint depuis la création de l’euro.

Un article issu du numéro 28 – automne 2024, de Forbes France

 

Étant profondément soumise aux fluctuations des politiques monétaires, l’économie de la pierre a frémi, entraînant une baisse des prix de vente à mesure de l’érosion du pouvoir d’achat des ménages. « L’année 2022 doit être oubliée à tout jamais, ou au moins pour quelques années », selon les termes de Richard Tzipine, directeur général de Barnes, acteur de l’immobilier de luxe à l’international.

En revanche, la période post-crise sanitaire s’est avérée exceptionnelle. De nombreux citadins ont cherché à se mettre au vert à un moment où les taux d’intérêt se trouvaient en dessous de 1 %. Malgré une baisse plus récente des prix et des taux de la BCE (à 3,9 % en mars dernier puis 3,75 % en septembre), l’attentisme reste de mise. À une exception près…

 

Le segment haut de gamme épargné

 

« Tout simplement parce que les personnes disposant de beaucoup de liquidités peuvent acquérir un bien immobilier en cash et sont donc moins sensibles à la variation des taux », justifie Richard Tzipine. Si l’achat d’une propriété se situe en France en moyenne autour des 300 000 euros, celui d’un bien de luxe dépasse facilement les 3 millions d’euros.

Magali Boulogne, directrice générale associée chez Daniel Féau Provence, maison familiale couvrant toute la région Provence, confirme également que le segment haut de gamme a bien résisté. En revanche, alors que le délai de transaction était de quinze jours lors de la période sanitaire, celui-ci est aujourd’hui établi entre six mois et un an.

« Toutes ces ventes durant l’euphorie Covid ont rendu l’offre de qualité plus limitée et les exigences des acquéreurs sont devenues plus fortes, décrit-elle. Le bien zéro défaut continue de se vendre, l’emplacement restant un critère déterminant. Le marché se régule sur les propriétés qui ne permettent pas de répondre à ces exigences. » D’après elle, les acquéreurs sont très précautionneux et ils veulent s’assurer de la liquidité de leur investissement pour que la maison familiale acquise ne soit pas « une épine dans le pied ».

Évidemment, l’investissement immobilier est moins avantageux comparé à une période où les taux étaient en dessous de 1 %, du moins pour ceux qui empruntent. « La rentabilité immobilière sera probablement plus simple à trouver dès 2025, quand les prix auront baissé de 10 % par rapport à 2022, prédit Richard Tzipine. Il ne faut pas non plus oublier la valorisation du bien acquis qui restera tout de même avantageuse dix ans plus tard. »

 

Une valeur refuge malgré l’incertitude

Ainsi, les propriétaires en devenir sont toujours actifs, en particulier ceux avec un projet immobilier précis, un type de bien et une location en tête. Il y a d’un côté ceux qui convoitent plutôt un bien d’exception dans une région spécifique et ceux qui souhaitent une propriété de caractère en vue de faire des travaux. « Les clients de ce dernier segment se font plus rares, mais ils sont aussi déterminés car séduits par les lieux et surtout bien conscients des délais avant emménagement », ajoute David Mercier, responsable de l’activité Châteaux du groupe Féau. Couplés à une inflation sur les matières premières, les délais de travaux sont exceptionnellement longs et ne semblent pas se réduire encore aujourd’hui.

« C’est toujours avantageux d’investir dans une résidence secondaire, dans le cadre d’un achat- revente mais aussi pour en faire une location saisonnière qui permettrait de couvrir les frais d’entretien », indique Magali Boulogne. « Cela dépend grandement du profil et du projet de l’acquéreur mais c’est toujours le bon moment pour la personne qui est prête et qui a trouvé la propriété de ses rêves », appuie David Mercier.

 

Des régions françaises prisées

« Un tiers de nos biens sont proposés avec des prix à la baisse étant donné l’attentisme général et il ne faut pas hésiter à faire des offres cohérentes par rapport au marché, explique Magali Boulogne. Le rêve de la Côte d’Azur ne s’est pas estompé à l’international et les demeures à Saint-Tropez, Nice ou Cannes resteront toujours très convoitées. »

Mention est également faite à la « carte postale provençale » dans les massifs du Luberon ou des Alpilles. Les critères ici recherchés sont la présence d’une belle vue, de calme et d’une bonne accessibilité. Les villas et appartements « pied- à-terre » sur la Côte d’Azur sont en revanche davantage adaptés aux produits d’investissement.

« Avec 3 millions d’euros de budget, à Paris, on ne se trompe pas, rassure Richard Tzipine. Les stations des Alpes en haute altitude (comme à Méribel ou Courchevel) sont aussi très intéressantes, notamment car les propriétaires bénéficient du statut de para-hôtelier, un modèle fiscal très avantageux. » La côte atlantique, en particulier sur le bassin d’Arcachon, est aussi présentée comme une « valeur sûre ». Enfin, la côte basque doit être toutefois « analysée de plus près, car certaines communes sont opposées à la location des meublés de tourisme ».

À ce titre, un nouveau décret du 25 août 2023 autorise pour certaines communes françaises une majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. « Il faut faire ses calculs et voir si le taux imposé convient, car il peut être largement compensé si le bien immobilier de prestige est une bonne affaire », assure Richard Tzipine.

Selon David Mercier, les châteaux français sont toujours aussi prisés par la clientèle américaine. Les acquéreurs asiatiques rechercheraient plus souvent une propriété de rapport plutôt que d’agrément, comme celles munies d’un vignoble ou une propriété agricole. Les belles demeures situées à deux pas de Paris en TGV ou en voiture suscitent aussi de l’intérêt. Il y a évidemment la Normandie, la vallée de Chevreuse, Fontainebleau mais aussi une partie de la Bourgogne, le Val de Loire et le Vexin.

L’accessibilité du bien et l’environnement dans lequel il se situe sont tout aussi déterminants que la qualité du bâti ou de l’architecture. « Nous sélectionnons des propriétés où se dégage un véritable art de vivre à la française », insiste David Mercier, tout en ajoutant que certains de ses clients souhaitent y organiser des séminaires et des mariages ou encore y installer des chambres d’hôtes.

Malgré le ralentissement ressenti du tourisme en France, les résidences secondaires restent une valeur sûre, tant que l’investissement est établi sur du moyen et long terme.

 

Val de Loire : zxceptionnel château Louis XIII inscrit MH. Parfait état. Jardins à la française. Véritable joyau architectural. Ensemble clos sur 40 hectares. Daniel Féau, 4 500 000 €

 

La clientèle étrangère plus volontaire

« En Europe, les Allemands, les Suisses et les Belges sont aussi très actifs et ils sont beaucoup moins attentistes que les Français, complète David Mercier. Nombre d’entre eux connaissent d’ailleurs très bien dans leur pays des instabilités parlementaires récurrentes et estiment parfois que cela reste gage de stabilité politique en bout de course. »

« Nous sommes toujours le pays le plus visité au monde ! », défend-il, tout en précisant que la clientèle étrangère, moins frileuse, s’empare de plus en plus des biens à la place des acquéreurs français qui prennent du temps à se décider. Elle s’intéresse aussi de très près au littoral atlantique comme La Baule, l’île de Ré ou encore le bassin d’Arcachon.

La crise sanitaire aurait aussi engendré un rajeunissement des acquéreurs de résidences secondaires. Richard Tzipine a constaté ce phénomène, en particulier depuis « l’apparition plus marquée d’entrepreneurs du digital de moins de 50 ans qui ont les moyens d’acheter des biens de prestige ».

Magali Boulogne valide cette analyse, du moins sur le segment des biens comme les villas, les appartements ou tout autre immeuble de rapport. « Il y a clairement de plus en plus de trentenaires qui souhaitent investir dans l’immobilier pour diversifier leur patrimoine et se constituer un capital, développe-t-elle. Il s’agit souvent de biens avec travaux pour maximiser la plus-value. » Certaines aides dans le cadre du plan gouvernemental de rénovation énergétique permettent d’ailleurs d’amortir les coûts.

« Il y a suffisamment de biens disponibles et de la place pour tout le monde ! », rappelle Magali Boulogne. Toutefois, l’acquéreur a tout intérêt à « développer son réseau au maximum pour être informé d’exclusivités sur des biens d’exception ». En effet, certaines propriétés en vente sont confidentielles et il est crucial de se faire connaître auprès d’agents locaux pour dénicher la perle rare.

 

Située dans le domaine prisé et sécurisé des Parcs de Saint-Tropez, propriété d’exception de 622 m2, Barnes, 26 250 000 €

 

De l’importance des diagnostics techniques

Magali Boulogne préconise aussi de s’attacher les services d’une agence qui sera à même de conseiller sur la réglementation en termes d’urbanisme et les points clés à vérifier avant de vendre ou acheter. « Nous préconisons de plus en plus à nos propriétaires de mettre le bien en règle avant la mise en vente pour en garantir la valeur, apporter des garanties nécessaires à de futurs acquéreurs et faire intervenir un expert sur place pour anticiper les risques le cas échéant », estime- t-elle. En effet, il faut savoir qu’en France, la remise en état d’un bien n’est pas obligatoire, seul un devoir d’information incombe. « Trop de vendeurs nous disent qu’ils verront ça chez le notaire, mais cela doit être fait bien avant que nous délivrions un premier avis de valeur, persiste David Mercier. Il faut prendre le temps de chiffrer, être méthodique et jamais dans l’urgence. » Des diagnostics complémentaires sont les bienvenus, comme celui de la mérule, de la vérification de l’état du système d’assainissement ou encore du bilan énergétique – mis à jour en 2021 dans une nouvelle version du DPE (diagnostic de performance énergétique).

On est donc bien loin de la période de ruée post-Covid où les volontés de « mise au vert » se réalisaient de manière précipitée. De nombreux biens auraient ainsi été revendus après cette parenthèse d’euphorie, contraignant les agences immobilières à rassurer les nouveaux clients potentiels sur le fait qu’il n’existe pas de vices cachés.

 

L’instabilité politique à prendre en compte

« La clientèle française est désormais plutôt attentiste, surtout durant cette période politique instable, regrette David Mercier. Les projets sont en stand-by pour certains acquéreurs depuis juin dernier car il y a eu la dissolution du Parlement, l’attente d’un Premier ministre… » Une séquence qui serait, d’après Magali Boulogne, « contrebalancée par l’euphorie des Jeux olympiques ». « Nous nous attendions à un ralentissement des acquisitions immobilières avec les Jeux olympiques, mais leur succès exceptionnel a plutôt véhiculé une belle image de Paris et de la France aux yeux du monde, ajoute Richard Tzipine, tout en prédisant des retombées positives dès 2025. Par ailleurs, la nomination de Michel Barnier à Matignon semble avoir rassuré l’ensemble des acteurs et les grands clients qui commençaient à évoquer un départ à l’étranger (Milan, Suisse, Belgique…), semblent, pour l’instant, l’oublier. »

Selon une récente étude du courtier en crédit immobilier, Pretto, la demande en résidences secondaires durant le premier trimestre 2024 a progressé de plus de 50 % par rapport à 2023 pendant la même période.

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