Il y a des grands moments d’émotion, de joie mais aussi, plus discrètes, les déceptions, les grimaces, voire les larmes, selon que l’on est mis en lumière par le célèbre guide rouge ou rétrogradé, ou radicalement écarté de sa sélection annuelle. Les coulisses du Michelin passionnent les amateurs : nous y étions.
Pour sa troisième présentation en province, après Cognac, puis Strasbourg, le Guide Michelin avait choisi le Val de Loire et la ville de Tours, une belle région même si la cité ne se distingue pas vraiment pas son hôtellerie et ses adresses gastronomiques plutôt rares. Il n’empêche que pendant 24 heures une nuée de chefs étoilés découvrait la région et ses châteaux somptueux –notamment en participant à la grande soirée festive – en attendant la cérémonie officielle tant attendue, tant espérée ou crainte. Les détracteurs ont beau être toujours virulents, le Michelin reste bien la bible de notre gastronomie et assurément le graal pour tous les cuisiniers qui ont bâti leur carrière sur cette reconnaissance. Et il faut voir la ferveur de tous ces candidats à la fameuse étoile pour être convaincu que cette récompense est pour eux le but ultime de leur engagement. Et pour fréquenter ce monde depuis 40 ans cette année, je mesure combien cet engouement est resté le même, d’autant que la quasi-totalité des guides dédiés à cet art ont totalement disparus ou ne sont plus que l’ombre de ce qu’ils ont été.
1, 2, 3 (Etoiles)…Soleil !
Cela faisait une bonne dizaine de jours que les pronostics allaient bon train. Il faut dire que Gwendal Poullennec, directeur international des guides Michelin, avait battu la campagne sur les réseaux sociaux pour annoncer un millésime exceptionnel et l’on savait déjà que 62 nouveaux étoilés allaient connaître la consécration. Comme il avait annoncé que 52 auraient ou retrouveraient une première étoile, la soustraction pour les deux et trois étoiles étaient vite fait sachant que le chiffre de 30 restaurants auréolés de trois étoiles ne serait pas dépassé, on attendait donc 8 établissements pour les 2 étoiles. Bien mieux que les années précédentes nettement en déficit en la matière! Je fais l’impasse sur les 52 noms pour la première étoile (Achetez le guide !) mais pas sur le bonheur intense de tous ceux qui se sont succédé sur la scène sous les acclamations du public, soulignant quand même au passage qu’une grande majorité des récipiendaires avaient moins de 40 ans. S’agissant des deux étoiles très attendues, j’ai été personnellement déçu de voir une partie de mes pronostics tomber à l’eau. Si je n’ai pas été surpris que Christophe Cussac soit distingué avec le restaurant de l’hôtel Métropole Monte Carlo : Les Ambassadeurs by Christophe Cussac, si j’étais heureux que le sympathique Ronan Kervarec soit lui aussi mis en lumière dans son restaurant éponyme à Saint Grégoire (Près de Rennes en Bretagne), si l’inépuisable Christophe Bacquié jamais calmé démontrait que les deux ou trois étoiles étaient bien adaptées au talent de ce Meilleur Ouvrier de France dans son Mas des Eydins à Bonnieux dans le Luberon, et si sûrement les autres dont je ne connais pas les établissements méritaient assurément ces deux étoiles (La Maison Benoît Vidal à Annecy, Frédéric Anton et son chef exécutif Kevin Garcia pour le Jules Verne au premier étage de la Tour Eiffel, Martino Ruggieri pour sa Maison Ruggieri dans le VIIIème à Paris encore, L’Orangerie, emmenée par Alan Taudon pour L’Orangerie, au Four Seasons George V à Paris toujours, Sylvestre Wahid pour Les Grandes Alpes, belle table intimiste de Courchevel), j’étais déçu de voir mes propres chouchous ignorés : Eric Girardin à la Maison des Têtes à Colmar, Florent Piétravalle à la Mirande à Avignon, et bien sûr Mickaël Fulci pour les Terraillers à Biot…mais c’est mon ami !
On pourrait citer dans le palmarès ceux qui ont obtenus une étoile verte « qui promeut les initiatives de tables pionnières et pleinement engagées en faveur d’une gastronomie plus durable », comme les différents trophées sponsorisés avec le Prix MICHELIN du Service 2024, attribué à Sandrine Deley Favario, directrice du restaurant L’Auberge de Montmin à Talloires-Montmin, ainsi qu’à Serge Schaal, directeur du restaurant La Fourchette des Ducs à Obernai ; celui de la Sommellerie décerné à Xavier Thuizat, directeur du restaurant et chef sommelier du restaurant L’Ecrin à Paris, ainsi qu’à Magali Delalex, cheffe sommelière de La Table de l’Ours à Val-d’Isère ; Celui du Jeune Chef, soutenu par Métro, remis à Théo Fernandez, chef de l’Auberge de la Forge à Lavalette. Cette année, succédant à Thierry Marx, c’est Yannick Alléno qui a reçu le prix du Chef Mentor tandis que 8 nouveaux établissements rejoignent la sélection Passion Dessert soutenue par Valrhona.
Les Trois Etoiles : pas que des (très) heureux
Le clou de cette présentation nationale était bien sûr l’attribution des fameuses 3 étoiles. On savait déjà que Gwendal Poullennec se faisait un devoir d’annoncer un peu en amont à celui ou ceux qui perdaient une étoile leur rétrogradation et la nouvelle fuitait rapidement : c’est la Bouitte, la très belle table de René et Maxime Meilleur, le père et le fils, qui était cette année « punie ». On ne sait jamais pourquoi ! Aucune explication « publique » n’est donnée par le Michelin et les commentaires vont donc encore une fois bon train. Pour avoir fait cette table merveilleuse il y a quelques petites années, je ne peux que regretter que cette sympathique et talentueuse famille, très impliquée dans sa belle maison de Saint Martin de Belleville soit ainsi « mise à l’index ».
Et puis bien sûr il y a le ou les promus. Comme l’an dernier, ils étaient deux à être sur la plus haute marche du podium. Le premier cité, Jérôme Banctel, chef du Gabriel-La Réserve Paris avait du mal à trouver ses mots, gagné par l’émotion. Compréhensible. Pour avoir gouté à sa cuisine dans cet hôtel hors normes qui est un exemple d’accueil et de service, je ne peux que saluer cette distinction suprême. L’autre lauréat est le chef de La Table du Castellet dans l’hôtel éponyme du village éponyme. Une demi-surprise ! Fabien Ferré, qui a pris la suite de son mentor Christophe Bacquié, avec qui il est resté 11 ans, démontre que l’élève vaut le maître. Et c’est avec une émotion sincère qu’il a demandé à Christophe Bacquié de le rejoindre sur scène pour partager ce moment intense. A noter qu’à 35 ans seulement, il est devenu le plus jeune chef français doté de Trois Etoiles.
534 tables « Une Etoile », 75 « Deux Etoiles », 30 « Trois Etoiles », réparties à travers toute la France, c’est l’occasion de découvrir la diversité des genres, des maisons, des talents comme de constater que nous restons « le » pays de la gastronomie. N’hésitez pas à les découvrir, c’est toujours une fête des sens. Et puis le Michelin attend aussi votre avis.
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