L’Ecole des beaux-arts de Nantes va construire une « Villa Medicis » de l’art minimal à Marfa, au Texas, un bourgade perdue au milieu du désert, devenue un des endroits les plus hype du monde.
Officiellement Marfa, Texas, c’est le chef lieu du comté de Presidio. Une petite ville texane de 2000 habitants, fondée au début des années 1880 pour servir de station de ravitaillement en eau à la nouvelle ligne de chemin de fer Pacific Sud reliant Houston à Los Angeles via El Paso et Phoenix. Quatre lignes sur Wikipédia. Pas une de plus.
Pour venir à Marfa, il faut prendre un « tacos » à El Paso, l’aéroport le plus proche et se taper 3 bonnes heures de route à travers le désert de Chihuhahuha, peuplé de coyotes et de cactus. L’arrivée à Marfa est étonnante. Des rues fantomatiques et poussiéreuses où d’improbables blocs de béton surgissent de nulle part. Mais bizarrement, le lieu semble familier. Les plus branchés reconnaîtront les décors du dernier clip du groupe XX, « Hold on ». Les plus vieux se remémoreront immédiatement les scènes mythiques de Giant, le dernier film de James Dean, dont l’ombre semble toujours planer sur l’hôtel El Paisano qui accueillit toute l’équipe de tournage en 1956. Tous gardent en mémoire, les images de « Marfa Girls », le film de Larry Clark, l’univers glauque de « No country for old men » des frères Coen ou de « There Will Be Blood » de Paul Thomas Anderson.
A Marfa, on croise des agents de la « Border Patrol », proximité de la frontière mexicaine oblige, des chasseurs d’ovni qui tentent d’apercevoir, les soirs d’orage, les inénarrables Marfa lights irradiant l’horizon de leurs rayons verts. Mais on y aperçoit aussi des barbus. Pas des cowboys, mais des hipsters. Des jeunes étudiants artistes branchés. Certains parlent français. Normal, chaque année, des étudiants en arts de Nantes et de Genève, arpentent les rues, à la recherche de l’inspiration unique que procure ce lieu hors du temps. Car Marfa est en passe de devenir la « Villa Médicis » de l’art minimal sous l’impulsion de Pierre-Jean Galdin, directeur de l’Ecole supérieure des beaux-arts de Nantes. L’homme a succombé au magnétisme de Marfa en 2006 et a mené depuis un projet complétement fou : créer à Marfa une résidence de recherche, en association avec la Haute école d’art et de design de Genève. Un spot idéal pour permettre à ses étudiants de créer à la source de l’art minimal. Et, du même coup, apporter à leur travail une visibilité internationale alors que l’endroit est fréquenté par les grands collectionneurs du monde entier.
Il faut dire que Marfa est devenu un des lieux les plus hype de la planète. Galeries d’art, musées, sculptures monumentales, festivals du film et de musique, à l’exact opposés des très bruyants et commerciaux Coachella ou Burning Man. Dans cet endroit où rien ne pousse, les sculptures ont remplacé les cultures.
Pourtant rien ne prédestinait cette bourgade paumée, connue pour ses centres de détention de prisonniers allemands, à devenir une capitale de l’art. Il aura fallu toute la détermination de Donald Judd, un artiste pionnier de l’art minimal, qui s’est installé ici dans les années 70, séduit par l’ambiance « minimaliste » pour y semer ces sculptures dans cette immensité, ce « vide environnant ». Il a racheté les anciens baraquements militaires pour les reconvertir en musées. Et ce, avec l’aide de Marianne Stockebrand, une Allemande, qui a été sa compagne, et qui a surtout créé et développé la fondation Chinati pendant plusieurs années.
Parmi les curiosités de Marfa, une boutique Prada, plantée dans le désert, à quelques cinquante kilomètres du centre-ville, dans la poussière et l’immensité. A l’intérieur, vingt chaussures à talon, pied gauche uniquement, six sacs à main, collection Prada 2005. Les artistes scandinaves Michael Elmgreen et Ingar Dragset l’ont bâtie ici cette année là. Cette « oeuvre » qui représente le vide de notre société, comme un mirage collectif, a toujours suscité la polémique au sein de la communauté artistique. Mais elle est devenue un symbole incontournable de cette ville unique, en lui ajoutant une touche de mystère.
Cette année, une autre curiosité va sortir de terre. En plein milieu du désert, à Antelope Hills Road, à 5 kilomètres de Marfa. Grâce au soutien de 8 mécènes nantais collectionneurs d’art contemporain, l’Ecole des beaux arts de Nantes et le HEAD de Genève vont édifier Fieldwork Marfa, en association avec l’université de Houston qui a rejoint le projet en 2015, un « campus » dédié à l’art. Au programme, un Art Village doté d’un musée, d’une bibliothèque, d’œuvres intégrées dans le paysage, un Art Studio de 350m2 conçu par l’architecte nantais Anthony Rio et même d’un night-club. L’architecture très minimaliste, en accord avec l’esprit « juddien » de Marfa, se fondra dans le paysage désertique.
L’étonnante Marfa n’a pas fini de surprendre ses visiteurs.
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