Le géant du luxe LVMH a récemment fait l’acquisition du diamant Sewelo, à la surprise générale. La maison française Louis Vuitton serait-elle en train d’opérer un changement de direction, pour passer de la maroquinerie à la joaillerie ?
Une position prépondérante sur le marché de la joaillerie
Il y a deux mois à peine, LVMH, société mère de Louis Vuitton, a annoncé l’acquisition de Tiffany pour un montant record de 16,2 milliards de dollars. Cette opération a permis de donner un coup de boost à son activité de montres et de bijoux, qui représente actuellement la plus petite partie du portefeuille du groupe. Aujourd’hui, c’est avec l’acquisition de la plus grosse pierre précieuse jamais extraite depuis le diamant Cullinan en 1905, pour une somme qui reste secrète, que Louis Vuitton fait un pas de plus sur le marché de la joaillerie.
Cette opération fait suite à une déclaration d’intention datant de 2018, lorsque la maison avait engagé l’ancienne directrice du design de Tiffany, Francesca Amphitheatrof, qui a depuis donné une orientation beaucoup plus audacieuse à l’offre de bijoux de Louis Vuitton. Bien que la maison soit relativement jeune dans le secteur de la haute joaillerie (elle a démarré sur ce marché il y a seulement 19 ans), son PDG Michael Burke a déclaré au Financial Times que les récents changements s’inscrivent dans la stratégie de la marque en matière de joaillerie, qui vise à devenir « l’un des cinq premiers acteurs » sur ce marché très concurrentiel, qui pèse 270 milliards de dollars.
Une pierre précieuse à 19 millions de dollars ?
Pour Tobias Kormind, directeur général de 77diamonds.com, le choix de la pierre précieuse par LVMH est surprenant : « Bien que ce diamant soit remarquable par sa taille record, Louis Vuitton a choisi une pierre de qualité relativement faible, suggérée par la couleur noire de sa forme brute actuelle. Il sera intéressant de voir s’ils le divisent en plusieurs petites pierresou s’ils essaient d’en créer quelques unes un peu plus grandes. J’estime la valeur de cette pierre entre 6,5 et 19,5 millions de dollars, mais il est peu probable qu’elle produise des diamants de qualité supérieure ».
Le diamant Sewelo a été découvert en avril dernier dans la mine Karowe, au Botswana, par la société minière canadienne Lucara Diamond Corporation. Celle-ci a utilisé une technologie à rayons X de pointe pour l’extraire. D’un poids incroyable de 1 758 carats, il s’agit de la deuxième plus grosse pierre précieuse jamais trouvée après le Cullinan de 3 106 carats, trouvé en Afrique du Sud en 1905.
Il aura fallu neuf mois pour Lucara Diamond Corporation avant de vendre le Sewelo. Une autre trouvaille de la société, le Lesedi La Rona de 302 carats, avait été mise aux enchères chez Sotheby’s. Tobias Kormind explique : « Lucara essaie de faire évoluer le mode d’acquisition des diamants. Le Lesedi La Rona ne s’est pas vendu aux enchères car les tailleurs de diamants sont restés à l’écart et les non-experts n’étaient pas prêts à enchérir ». Finalement, la pierre précieuse a été vendue en privé à Graff Diamonds pour 53 millions de dollars en 2017, deux ans après sa découverte.
Le diamant est classé « quasi-gemme » et de qualité variable, ce qui indique des inclusions qui pourraient déterminer la manière dont il sera taillé. Lucara a signé un partenariat avec Louis Vuitton et la société HB Company basée à Anvers pour s’occuper de la taille et du polissage de la pierre d’ici quelque temps, après une étude de trois mois afin de déterminer les coupes optimales. En retour, l’entreprise touchera des intérêts à hauteur de 50 % sur les diamants qui seront produits, et 5 % des bénéfices seront réinvestis dans des initiatives communautaires au Botswana.
Un diamant de la taille d’une balle de baseball
Si le Cullinan a été taillé par Joseph Asscher en neuf pierres de taille considérable, dont certaines ont fini dans la collection des joyaux de la Couronne britannique, et que le Lesedi La Rona a produit 67 pierres au total, personne ne sait comment le Sewelo sera taillé et utilisé. Selon le PDG de Louis Vuitton, la pierre ne sera dans tous les cas pas taillée tant qu’elle n’aura pas d’acheteur. Ilan Kaplan, PDG de iSparkle, une maison de diamants haut de gamme basée à Johannesburg, estime : « Un diamant de cette taille produira des dizaines de diamants polis de tailles différentes », mais concède qu’il « est impossible d’en être sûr ».
Le processus de taille lui-même est complexe. Ilan Kaplan explique : « Ce sera réalisé à l’aide d’une technologie de scan de diamant ultramoderne permettant de produire une image 3D, sur laquelle on pourra simuler les options de coupe. La décision finale sera prise en fonction de la rentabilité maximale et de la vendabilité des pièces polies qui seront créées ». Un maître diamantaire très expérimenté suivra le plan prévu de très près à l’aide d’une scie laser, et chaque pierre individuelle sera polie. « Avec un diamant de cette taille et de cette complexité, ce processus pourrait bien prendre plus d’un an », conclut-il.
Pour l’instant, la pierre est loin d’être prête. Elle est actuellement recouverte de carbone, et ce qui se trouve en dessous de cette couche est un mystère. C’est ce qui rend la taille d’autant plus difficile. L’achat n’est pas sans risque pour Louis Vuitton, mais c’est ce genre de pari osé qui avait fait de LVMH le premier groupe de luxe au monde et de Louis Vuitton sa marque de luxe la plus prestigieuse.
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