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Livre | Dire « Halte au catastrophisme ! » avec Marc Fontecave

Marc Fontecave
Marc Fontecave

Dans son dernier ouvrage paru en 2020 et intitulé Halte au Catastrophisme ! Marc Fontecave, Professeur au Collège de France et membre de l’Académie des Sciences, revient sur les idées reçues qui circulent autour du changement climatique, tout en offrant les clés d’une lecture plus apaisée et lucide de la situation. Page après page, l’auteur démontre que la transition énergétique a bel et bien commencé et que l’effondrement annoncé est tout sauf inéluctable.  

Marc Fontecave dirige la chaire de Chimie des processus biologiques du Collège de France et le laboratoire du même nom, unité mixte de recherche entre le Collège, le CNRS et Sorbonne Université. Spécialiste international de la chimie bioinorganique, son intérêt pour l’interface entre la chimie et la biologie l’a emmené dans des territoires scientifiques variés, du corps humain à l’électrolyse du dioxyde de carbone, en passant par les nouvelles technologies électrochimiques de stockage de l’énergie solaire.

Halte au Catastrophisme ! Les vérités de la transition énergétique, Marc Fontecave Flammarion (2020)

 

Si dans votre livre Halte au catastrophisme, vous soulignez la gravité des bouleversements climatiques et alertez sur l’urgence de la situation, vous dénoncez également le discours catastrophiste de certains médias, politiques et scientifiques. Selon vous, les attaques contre le gouvernement français sont illégitimes et les alertes sur un effondrement imminent du monde dangereuses. Qu’est-ce que le catastrophisme et comment se manifeste-t-il ?

Marc Fontecave : Personne ne peut affirmer sur des bases scientifiques que la fin du monde est proche. Il est vrai que la variation des températures, les inondations, les tornades, les cyclones, la sécheresse ou la montée des eaux vont poser de nombreux problèmes. Toutefois, nous ne sommes toujours pas en mesure d’évaluer de manière précise quand cela se produira et avec quelle ampleur.

Penser que la fin du monde est proche n’a rien de nouveau. De tout temps, on nous a annoncé des catastrophes imminentes. Ce discours et cette attitude m’inquiètent profondément parce qu’ils entament notre capacité de croire en l’homme, la recherche et l’industrie. Je pense que la connaissance et la technologie ont un rôle à jouer et peuvent nous donner une direction, un optimisme et une vision.

 

Vous discréditez certaines idées reçues sur l’état de notre monde et certaines solutions mises en avant pour freiner le réchauffement climatique. Si vous deviez n’en évoquer qu’une, laquelle choisiriez-vous ?

Marc Fontecave : L’idée que c’était mieux avant et que ce sera pire demain. C’est une absurdité absolue et jamais l’humanité ne s’est mieux portée qu’aujourd’hui. Il y a un état de dépression et de pessimisme profond alors que les indicateurs de développement n’ont jamais été aussi hauts : le prolongement de l’espérance de vie, les progrès dans les traitements médicaux, dans la production de vaccins, le nombre croissant d’enfants éduqués dans le monde… Plusieurs centaines de millions de personnes sont sorties de la pauvreté ces dernières décennies, notamment en Chine et en Inde.

Arrêtons donc de nous regarder le nombril et de nous plaindre. Le France-bashing ne nous mènera à rien et ne nous permettra pas de donner à un milliard de personnes, en précarité énergétique, accès à l’énergie et à des conditions de vie décentes.

 

De nombreux intellectuels s’interrogent sur la notion de progrès et certains, notamment les adeptes de la théorie de l’effondrement, se demandent s’il n’y a pas un emballement du progrès technique qui entraînerait l’homme à sa perte. Comment définissez-vous le progrès et comment vous positionnez-vous dans cette discussion ?

Marc Fontecave : C’est parce qu’elles partent du principe que l’homme est une catastrophe que certaines idéologies remettent en cause le progrès en général et le désigne comme la source de tous nos maux. Or, le progrès est inéluctable et inhérent à l’homme. L’être humain ne peut pas se satisfaire d’un retour en arrière, ni même de rester dans l’état où il est. On ne peut pas imaginer un monde sans progrès, c’est-à-dire un monde où la décroissance serait décidée par l’homme. Au cours de son histoire, l’humanité n’a eu de cesse d’améliorer sa qualité de vie et trouver des solutions aux problèmes qu’elle rencontrait. Depuis Sapiens, les hommes ont veillé aux coûts énergétiques et économiques de leurs nouvelles inventions en fonction de l’état des connaissances disponibles.

Le monde de demain sera différent de celui que nous connaissons aujourd’hui et cette transformation prendra du temps. Il a fallu par exemple quarante ans pour que les inventeurs de la batterie lithium-ion reçoivent un Prix Nobel. Se débarrasser des énergies fossiles sera également très long. Leur découverte est une révolution qui n’aura pas d’équivalent. Il sera difficile de renouer avec les niveaux de croissance que nous avons connus au XXème siècle, tant ils dépendaient de l’utilisation des énergies fossiles. Comme on peut le voir dans ce graphique, les émissions de CO2 corrèlent avec l’augmentation de la température, mais aussi avec la croissance du PIB par habitant ou l’amélioration de l’espérance de vie.

Source: Impacts of climate change: perceptions and reality, Indur M GOKLANY; Report 46, The Global Warming Policy Foundation, 2021

 

Toutefois, je suis et reste un progressiste qui croit que la science peut résoudre des problèmes. À un milliard d’êtres humains sur terre, on disait que c’était foutu et pourtant nous sommes aujourd’hui plus de 7,8 milliards. Enfin, le progrès ce n’est pas simplement le PIB, c’est aussi la culture, les droits de l’homme et les droits de l’environnement. C’est notre capacité à traiter de questions philosophiques et politiques complexes.

 

Justement, quel lien existe-t-il entre science et politique ?

Marc Fontecave : Beaucoup de sujets ont été et continuent d’être traités à la légère. C’est le cas en particulier de la politique énergétique. La diminution et à terme l’arrêt du nucléaire est le résultat d’une décision purement politicienne et non d’un arbitrage éclairé par des rapports scientifiques. Ni les écologistes, ni la Convention Citoyenne pour le Climat ne nous feront avancer sur les questions posées par le réchauffement climatique. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui sont bien trop complexes et ce, dans tous les domaines. Pour traiter ce niveau de complexité, il faut de l’expertise et malheureusement, si le lien, bien que perfectible, existe entre homme politique et expert, nous ne savons pas encore comment faire intervenir le citoyen dans cette relation, ni comment faire de la démocratie sur ces sujets.

 

Que pensez-vous du slogan « Il n’y a pas de croissance infinie dans un monde fini. » ?

Marc Fontecave : C’est vrai, le monde est fini. Il faut avoir en tête que cette prise de conscience est récente et que cela fait peu de temps que l’on sait mesurer les quantités de ressources disponibles. Nous sommes donc face à des ressources qui s’épuisent avec une population qui augmente et des besoins énergétiques qui explosent. Cela crée une pression considérable et dans ces conditions, il ne peut y avoir de croissance infinie.

En revanche, on ne peut pas dire que comme le monde est fini alors nous, êtres humains, nous sommes finis ! Comme je le dis souvent, le XXIème siècle sera un siècle de récupération et de recyclage. On doit redoubler d’effort dans les utilisations de matériaux et de ressources minérales, comme le recyclage du lithium des batteries pour lequel j’ai déposé un brevet. Il faut également diminuer la quantité d’énergie utilisée et l’intensité d’émissions de CO2 par unité d’énergie consommée. Nous avons d’ailleurs déjà engagé ce combat. En France, depuis les années 2000, les émissions totales de CO2 liées à la production énergétique ont diminué alors que le produit intérieur brut a augmenté sur cette même période. Le scénario du pire n’est pas inéluctable !

La croissance ne sera certes pas aussi forte que pendant la révolution industrielle, mais elle s’adaptera à ce monde fini. Nous n’avons pas le choix.

 

Dans votre ouvrage, vous revenez sur certains de vos travaux scientifiques, en partie financés par des acteurs privés. Comment concevez-vous ce lien entre monde de la recherche et entreprises ?

Marc Fontecave : La chimie est très liée au monde industriel et a eu un impact important sur la société notamment avec la commercialisation de médicaments ou de divers matériaux plastiques. Même si je travaille du côté de la recherche fondamentale, l’expérience montre que la coopération avec les acteurs privés est bonne à tous les niveaux et pas seulement en recherche appliquée. Certains problèmes industriels soulèvent des questions cruciales nécessitant d’accroître l’état de l’art sur un sujet donné.

De manière générale, la France souffre d’une relation insuffisante entre le monde académique et industriel et la structure de l’enseignement supérieur pousse la plupart des jeunes talents vers les écoles d’ingénieurs alors que la recherche se pratique dans le monde universitaire. Parallèlement, les entreprises connaissent mal ce qui se fait dans la recherche.

Pourtant, ce sont les industriels qui mèneront la transition énergétique. La commercialisation des découvertes et inventions est donc primordiale. Rien de ce que je vais découvrir n’aura de sens, si aucun industriel ne le met sur le marché.

 

Nous avons peu parlé de la chimie alors qu’elle a joué pour vous un rôle essentiel dans les découvertes scientifiques majeures du XIXème et XXème siècle (sciences de l’ingénieur, sciences de la terre et de l’environnement, sciences de la vie…). Quelle réaction chimique a marqué votre formation et laquelle vous anime aujourd’hui ?

Marc Fontecave : Après l’Ecole normale supérieure et l’agrégation, j’ai commencé à faire de la recherche un peu par hasard, et cela m’est tombé dessus. Il n’y avait rien qui m’attirait en particulier, mais peu de personnes travaillaient à l’interface entre la chimie et la médecine, alors que plein de choses formidables, que nous ne comprenons pas encore, se passent dans le vivant. La vie c’est que de la chimie : une cellule fonctionne comme un réacteur où se produisent des milliers de réactions chimiques.

Aujourd’hui, je travaille sur la photosynthèse. J’essaye donc de reproduire de manière artificielle ce mécanisme de transformation de l’eau, de la lumière et du dioxyde de carbone en glucose. En d’autres termes, je réfléchis à comment stocker, à la manière des végétaux, l’énergie solaire sous forme de carburants carbonés ou d’hydrogène. Je me demande souvent comment quelque chose d’aussi complexe et fascinant a pu être élaboré. En tout cas, c’est le bon moment pour étudier cette réaction, parce que nous sommes attendus sur le stockage de l’énergie solaire et du carbone !

 

Pour aller plus loin :

 

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