Née en 1830, Christofle est la maison incontournable de l’orfèvrerie française. Reine des arts de la table, elle imagine des collections d’un grand raffinement pour toutes les occasions. Et si aujourd’hui, cet art ancestral se perd, la dirigeante de la marque, Émilie Viargues Metge, met tout en œuvre pour faire resplendir un savoir-faire qui incarne l’art de vivre à la française.
Christofle est l’une des rares maisons de luxe fondées à Paris. Près de 200 ans d’histoire depuis la création de la marque ancestrale par Charles Christofle, véritable visionnaire. C’était le premier à démocratiser le luxe en proposant de l’argenterie, à savoir de l’argent plaqué sur du métal, qui permettait une reconnaissance identique à de l’argent massif, pour satisfaire une « petite » bourgeoisie en plein essor avec la révolution industrielle. Parmi sa clientèle la plus prestigieuse, la marque a pu compter sur Eugénie Bonaparte, figure de proue de la féminité parisienne, que toute l’Europe enviait. Férue de l’argenterie Christofle, l’illustre dame de France a contribué à lancer la superbe renommée de la maison d’orfèvre. Aujourd’hui, Christofle se retrouve partout en France. À l’Opéra Garnier, à Notre-Dame de la Garde à Marseille ou encore l’illustre palace flottant Le Normandie, Christofle fait partie intégrante du patrimoine culturel français. Après la Première Guerre mondiale, Christofle fabriquait même des masques de reconstruction faciale pour les « gueules cassées ». La maison peut se targuer d’être un véritable fleuron de l’industrie française. « La gastronomie française et le style parisien qui incarnent la France à l’international, Christofle en est la quintessence », affirme Émilie Viargues Metge.
Le renouveau d’un artisan du patrimoine français
La maison Christofle appartient à la famille Chalhoub, famille française d’origine syrienne. Une histoire familiale qui débute en Syrie avec Michel et Widad Chalhoub, deux passionnés de culture française. Ils ont été les premiers à importer du luxe poinçonné « made in France », et notamment les premiers à ouvrir une boutique Christofle à Damas en 1955, qui deviendra instantanément une passerelle de taille entre l’Occident et le Moyen- Orient.
Un « savoir-faire ancestral de la main » et made in France mis en avant par la nouvelle présidente de l’entreprise depuis deux ans, Émilie Viargues Metge. La dirigeante a insufflé un nouvel élan à cette maison en perte de vitesse depuis les années 2000. « Il y a eu un désamour des arts de la table », explique-t-elle. Mais depuis la crise sanitaire, la donne a changé pour la maison Christofle. « Il y a eu un regain d’intérêt pour les arts de la table parce que les gens sont restés chez eux, ont pris soin de leur intérieur, ils ont redécouvert leur argenterie, nous étions donc au bon endroit au bon moment », développe l’entrepreneure aveyronnaise. Une situation favorable confortée par une nouvelle stratégie qu’elle met en place, avec des investissements à hauteur de 10 % du chiffre d’affaires de la maison à la fois pour recruter et moderniser les outils industriels. Pour cette ancienne de Chanel avec près de vingt ans d’expérience dans le luxe, c’était un véritable honneur de travailler aux côtés de la famille Chalhoub, qui « incarne tout à fait l’esprit de Christofle. C’est une véritable leçon de vie et de résilience que de travailler avec eux », affirme la présidente de la marque. Deuxième femme dirigeante depuis la création de Christofle, Émilie Metge a pris soin de s’entourer d’une équipe de pointe aussi bien composée d’hommes que de femmes, qu’elle aime mettre en lumière.
« L’orfèvrerie de table est un travail de métallurgie qui nécessite une force physique colossale. Ce travail mêlé à celui de la dorure partielle extrêmement détaillée donne une combinaison merveilleuse. » La force de l’homme et la délicatesse de la femme pour des pièces somptueusement sculptées. Un aspect auquel la présidente de la marque est très attachée. Les pièces créées, principalement des couverts, sont produites en France, à 60 % à Yainville en Normandie, par les soins de 270 personnes. Au sein du site de 12 000 m2, les salariés de l’orfèvrerie donnent vie aux couverts, plateaux et autres objets des arts de la table qui font la renommée de Christofle.
En 2023, ce ne sont pas moins de 100 personnes qui sont recrutées par Christofle dans la manufacture. La dernière orfèvrerie française, qui aura 200 ans en 2030, fermait sa manufacture de Saint-Denis en 1971 pour transférer en Normandie toute son activité dont les ateliers de haute orfèvrerie. Des pièces uniques, les plus emblématiques de ses collections Art déco et Art nouveau rééditées, en série limitée sur catalogue ou sur commande.
La transmission d’un savoir-faire ancestral
Si la maison Christofle recrute beaucoup, elle forme encore plus, pour pallier le problème de perte du savoir-faire dans l’Hexagone. Parce que nombreuses sont les écoles d’orfèvrerie joaillière, mais les formations d’orfèvrerie de table sont plus que rares. « Aujourd’hui, on n’apprend plus l’orfèvrerie de table. Pour un couvert, cent mains travaillent et il y a environ cinquante étapes de construction, entre la mise en forme avec des matrices, la ciselure, le nettoyage, l’argenture et les finitions. On a un réel travail de culture, de formation et de faire savoir. La perte de savoir- faire ancestraux comme celui-ci est dramatique », explique Émilie Viargues Metge. La première activité de Christofle à Yainville reste les couverts avec 4 000 références, une quarantaine de pièces pour certaines ménagères, et treize designs. Une fine plaque de maillechort, alliage de cuivre, zinc et nickel, découpée en forme de cuillère ou fourchette est frappée à froid entre deux matrices dans lesquelles ont été gravés les décors. Une mâle et une femelle en acier de 12 kg s’imbriquent sous une presse de 800 tonnes. Le couvert brut dur et cassant est recuit pour lui redonner malléabilité et souplesse. Une fois préparés et dégraissés, les couverts accrochés à de longs racks sont trempés dans un bain d’argenture électrolytique. Par un effet chimique, la grenaille d’argent se dépose uniformément sur la pièce. L’argenture en dix- sept étapes et quinze bains dure une vingtaine de minutes avant les derniers polissages de finition. Un travail du détail absolument colossal donc, qui, pour Émilie Viargues Metge, court à sa perte s’il n’est pas rattrapé par les formations. Dernière maison d’orfèvrerie traditionnelle parisienne, la maison Christofle se reconnait le devoir de garder en vie ces savoir-faire. En 2024, les recrutements vont continuer, assure la dirigeante qui mise sur le compagnonnage. « Nous avons fait appel à des salariés à la retraite pour former nos jeunes afin de transmettre le savoir-faire. »
Concrètement, il s’agit de formation en interne des intérimaires afin qu’ils soient recrutés en CDI. « L’objectif est que les salariés soient heureux, qu’ils aient cette fierté d’appartenance », confie la présidente, qui garde le même mantra que le fondateur de la marque, Charles Christofle : « Une seule qualité, la meilleure ! » Une mission colossale de transmission d’une partie intégrante du patrimoine culturel français que la « maîtresse de maison » prend extrêmement à cœur et mène à bien depuis deux ans. Un pari qui porte ses fruits puisque depuis sa prise de poste, la maison a connu une croissance de 52 %. Pour la présidente de Christofle, pas de répit. De par ses origines aveyronnaises, elle connaît toute sa vie, par sa famille, des valeurs de travail très fortes. Elle arbore ainsi un statut de « caméléon » par sa proximité avec les travailleurs de la manufacture et avec son comex parisien. « On m’a appris très tôt que, quel que soit son niveau de carrière, il faut toujours traiter les gens de la même manière, que ce soit le plus petit des artisans ou l’actionnaire majoritaire. »
L’avenir de la maison Christofle, pour sa présidente, est de retrouver ce qui la faisait autrefois briller. C’est aussi de faire perdurer sa splendeur pendant les 200 ans prochaines années, les jeunes d’aujourd’hui rêvant de se procurer de l’argenterie Christofle pour leur mariage. C’est bien sûr faire valoir ces valeurs familiales et ancestrales très importantes au sein de la maison, qui voit un turnover très faible depuis sa création. « Des familles entières travaillent dans la manufacture de Christofle depuis des générations. C’est une histoire sublime pour cette marque dont l’ADN est le patrimoine, la transmission et l’avenir. Pourquoi ? Parce qu’il ne restera de la France que le fleuron industriel français. Pour moi, Christofle fait partie de cette élite du luxe tricolore. » Car la marque se pose en véritable héritière du métier ancestral de la main, et ce, pendant encore de nombreuses années.
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