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« Les plus bankables sont les attaquants, regardez les salaires… »

France

Blaise Matuidi a performé pendant de longues années, tant en club qu’en équipe de France, avec laquelle il a gagné la coupe du Monde en 2018. Reconverti dans le sport business, il pose un œil expert sur notre classement des joueurs les plus « bankable ».

Un article issu du numéro 26 – printemps 2024 de Forbes France.

 

Sur quels critères peut-on juger de la « bankabilité » d’un joueur de foot ?

Blaise Matuidi : D’abord, de ses performances sur le terrain. S’il n’est pas compétent, le reste n’a pas d’importance. Ensuite, le fait de jouer dans un grand club, cela permet d’être reconnu mondialement. Appartenir à une sélection nationale compétitive, ça peut aussi peser dans la balance. Idéalement, il faut les deux. Et à notre époque, les réseaux sociaux ont aussi un effet marketing puissant. Autrement dit, un joueur est devenu sa propre entreprise.

 

Dans ce cas, pourquoi un Adrien Rabiot, très compétitif, pilier de l’équipe de France, capitaine de la Juventus de Turin, n’arrive qu’en 15e place dans notre classement ?

B.M. : D’une certaine manière, c’est son choix. Adrien veut rester discret, loin du tumulte médiatique et des réseaux sociaux. Il préfère rester concentré sur le terrain et c’est tout à son honneur.

 

Mbappé, premier de notre top, j’imagine que cela ne vous a pas surpris.

B.M. : Non, évidemment. On parle du meilleur joueur du monde. Ses performances individuelles sont énormes, il est très bien entouré et a tout compris au système médiatique. Il est aussi bankable sur le terrain qu’en dehors. Et ça n’est sans doute pas fini !

 

Il faut mettre en avant sa vie privée pour bien « vendre » son image ?

B.M. : Non, je ne le crois pas. En tous cas, ça n’était pas mon truc.
Quelqu’un comme Olivier Giroud parle beaucoup de sa famille sur les réseaux sociaux et cela semble plaire à sa fan base. Mais Olivier a une vie très équilibrée. Elle ne l’empêche pas de rester concentré sur son travail et c’est d’ailleurs pour cela qu’il dure depuis si longtemps. Faire une belle carrière pendant 7 ou 8 ans, c’est bien, pendant presque 20 ans, c’est exceptionnel.

 

Certaines marques apprécient aussi l’image du bad boy…

B.M. : Oui, c’est vrai. Être un bad boy, ça peut en effet faire vendre. Mais pendant combien de temps ? Les bad boy durent rarement longtemps dans le foot. Après, il existe des personnages comme Ibra qui passent pour des bad boys mais qui sont, en réalité, de très gros bosseurs à l’entrainement. Il n’y a pas de secret : à la fin, la vérité reste le carré vert.

 

Autre surprise de notre top, la 2e place d’Eduardo Camavinga. Comment vous l’expliquez ?

B.M. : Je le connais bien, c’est un super joueur qui est dans le meilleur club du monde, le Real de Madrid. Et il a su s’internationaliser. On le voit souvent assister aux États-Unis à des matchs de NBA ou de football américain. Et par-dessus tout, il a su rester humble. C’est une qualité très appréciée dans le sport business.

 

Et vous Blaise ? Vous étiez un top player, vous avez joué dans de très grands clubs mais on a l’impression que votre empreinte marketing n’était pas à la hauteur de votre niveau.

B.M. : Je ne pense pas. Je vous rappelle que j’ai été l’égérie de Nike pour le football ! C’est une forme de consécration ! Pendant ma période PSG, j’étais très performant, le club était en pleine ascension et j’ai été très sollicité par les marques.

 

Vous n’auriez pas pu faire mieux ?

B.M. : Je n’ai pas de regrets, j’aurais pu aussi en faire moins. Je suis d’une nature discrète, je n’allais pas me transformer pour plaire au business.

 

« Un footballeur sait respecter une discipline, s’intégrer dans un collectif, se concentrer. des qualités très utiles en entreprise. »

 

Concernant le style de jeu, les marques ne préfèrent-elles pas les showmen aux travailleurs de l’ombre ?

B.M. : C’est certain. Le foot, c’est d’abord un spectacle, les supporters viennent au stade pour voir de beaux gestes techniques. Mais pour un entraîneur, les laborieux sont aussi précieux que les artistes. Ce sont même eux qu’il mettra en premier sur sa feuille de match au moment de composer son équipe.

 

Les attaquants ne sont-ils pas toujours plus bankable que les défenseurs ?

B.M. : Si, bien sûr. Il n’y a qu’à regarder le marché des transferts et les salaires des joueurs.

 

Pendant votre carrière, vous aimiez les relations avec les partenaires, les sponsors, les fondations ?

B.M. : Oui, ça m’a permis de préparer l’après- carrière. Nous, les footballeurs pros, on a du mal à s’occuper de ça, on est concentrés à 200 % sur les entraînements, les matchs, etc. Et quand on a du temps libre, on en profite pour se détendre. Bref, on vit dans notre bulle, et on gagne beaucoup d’argent quand on évolue à un haut niveau : pourquoi se préoccuper de la suite ? Parce que la carrière est courte et qu’il y a une vie entière après le foot. Moi, j’ai pris conscience très tôt de cela. Je ne voulais pas me rouler les pouces ou même faire le consultant à la télé. J’admirais les Elon Musk, Mark Zuckerberg, dont les entreprises ont impacté les vies de centaines de millions de gens. J’avais envie de servir d’exemple à une nouvelle génération de sportifs. Mais pour transmettre, il faut montrer qu’un footballeur n’est pas qu’un type qui court après un ballon. Un footballeur est quelqu’un qui sait respecter une discipline, s’intégrer dans un collectif, se concentrer… Autant de qualités utiles en société et particulièrement en entreprise.

 

Qui sont les grands champions qui ont réussi leur retraite sportive ?

B.M. : Ceux qui ont anticipé. Comme David Beckham ou Tony Parker, par exemple. Le plus incroyable est Mathieu Flamini qui est devenu un géant de la tech après une belle carrière de footballeur.

 

Que faites-vous aujourd’hui pour atteindre vos objectifs ?

B.M. : J’ai créé un fonds d’investissement dans la Tech où se côtoient des athlètes et des hommes d’affaires. Il y a dans Origins des amis comme Griezman, Giroud, Kimpembe, Dybala, Kanté, Coman… Ils ont investi de l’argent mais ils apportent aussi leur notoriété et leur vision du sport dans la société. On investit dans des start-up à impact. Dans moka.care, par exemple, qui travaille sur la santé mentale en entreprise. Le burn-out est un terrible fléau de notre époque.

 

Et vous vous occupez aussi de jeunes footballeurs…

B.M. : Oui. Pour les former en leur inculquant la notion de plaisir qui a un peu disparu des formations où l’on pousse des gamins de 8, 9 ans à être hyper compétitifs en oubliant de leur dire que le foot est aussi un jeu. On a un partenariat avec le Congo où l’on va créer une académie et on discute avec d’autres pays. Nous sommes aussi présents en France, en Ile de France et dans d’autres régions.

 


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