Malgré la réglementation stricte régulant l’usage des drones, des entreprises de logistique optimistes continuent à insister sur le fait que les livraisons banales seront bientôt réalisées par ces appareils. Cependant, une autre technologie capable de gérer la plupart des livraisons de courte distance existe depuis des années : il s’agit du bon vieux vélo, et plus spécifiquement du tricycle. On l’imagine plutôt destiné aux enfants, mais ce bon vieux jouet existe désormais en version électrique, capable de filer à travers des rues embouteillées tout en transportant 350 kilos de marchandises.
Les constructeurs automobile font aussi leur entrée sur ce marché : Volkswagen prévoit de construire dans son usine de Hanovre un triporteur capable de garder les marchandises à l’horizontale même dans les virages, et le présente déjà comme « le plus petit véhicule commercial de Volkswagen jamais conçu ». Sa sortie est prévue pour 2019.
Selon une nouvelle étude réalisée aux Pays-Bas, « Les triporteurs à assistance électrique sont une excellente alternative à près de 20 % des camionnettes de livraison qui circulent actuellement dans les grandes villes ».
Des chercheurs des universités d’Amsterdam et de Rotterdam ont travaillé pendant deux ans avec des compagnies de fret, des municipalités, et d’autres experts, pour produire un rapport de 121 pages intitulé City Logistic: Light and Electric, selon lequel les villes sont actuellement étranglées par le trafic des camions et camionnettes. Une grande part du trafic lié au fret dans les zones urbaines est désormais lié aux camionnettes de livraison (au Royaume-Uni, le trafic causé par celles-ci a augmenté de 71 % sur les 20 dernières années, contre une hausse de 13 % pour les voitures).
Même si tous ces véhicules devenaient tout à coup électriques, il n’y aurait tout de même pas assez de place pour qu’ils circulent, se garent, fassent leur livraison, et repartent jusqu’au client suivant. Selon le rapport, utiliser des véhicules plus petits et plus légers profiterait aux villes.
Pour Walther Ploos van Amstel, professeur de logistique urbaine et rédacteur principal du rapport, « les technologies de transport doivent devenir plus intelligentes, plus propres, plus petites, moins bruyantes, et moins dangereuses ».
Les vélos cargo à assistance électrique remplissent ces critères. Une capacité à transporter 350 kilos n’est pas rien : aux Pays-Bas, la camionnette moyenne transporte parfois à peine 130 kilos par voyage. Les vélos cargo électrique, quant à eux, sont très maniables, ce qui a une importance grandissante alors que de plus en plus d’entre nous choisissent de vivre dans des villes de plus en plus bondées où le nombre de routes sera toujours limité.
Les vélos cargo électriques disposent d’une assistance au pédalage, et peuvent circuler sur route ou sur piste cyclable. Dans de nombreuses villes, ces appareils sont bien plus rapides qu’une camionnette : à Amsterdam, celles-ci doivent faire des détours pour éviter les rues à sens unique, mais les vélos cargo peuvent prendre des ponts pour vélos ou d’autres raccourcis.
Ces véhicules peuvent aussi se faufiler à travers un trafic dense, et peuvent souvent rentrer sur le lieu de livraison au lieu de se garer illégalement, un problème fréquent avec les camionnettes. Selon une étude réalisée par la municipalité d’Amsterdam, le temps moyen de charge et de décharge d’une camionnette ou d’un camion de livraison est de 12 minutes. La même quantité de marchandise peut être déchargé d’un vélo cargo en trois minutes.
Pas étonnant, donc, que des sociétés de livraison comme DHL, UPS, TNT et d’autres, investissent actuellement dans des flottes de vélos cargo électriques.
Cependant, tout n’est pas toujours facile. Selon le rapport, « la sécurité de ces véhicules est remise en question lorsqu’ils circulent sur la route au milieu des voitures et des vélos ».
Il existe également « une réticence à leur usage sur des pistes cyclables déjà bondées, surtout lorsqu’il s’agit de véhicules de grande taille ».
Les piétons ne sont pas non plus forcément enchantés par la prolifération des plus grands vélos cargo : « certains craignent que la sécurité des autres usagers de la route soit compromise, et que les vélos cargo bloquent les trottoirs ».
Les vélos cargos à trois ou quatre roues sont ceux ressemblant le plus à une camionnette, mais des deux-roues normaux peuvent aussi transporter de lourdes charges, comme c’est le cas avec les vélos de fret de type Long John, utilisés depuis les années 20 pour livrer des fûts de bière, et avec des nouveaux vélos électriques plus compacts comme le GSD de la marque Tern.
Il est possible que les municipalités interdisent à l’avenir aux vélos cargo à trois et quatre roues d’utiliser les pistes cyclables. Cependant, il risqueraient de subir des protestations de la part de parents utilisant des triporteurs pour amener des enfants à l’école ou à la crèche.
Ventes et subventions
La semaine dernière, le gouvernement britannique a annoncé avoir créé un fonds de 2 millions de livres afin de subventionner l’achat de nouveaux vélos cargo électriques. Les sociétés de logistique pourront donc économiser 20 % du prix d’achat d’un de ces véhicules, dans une limite de 5000 livres.
« Ce financement permettra d’ouvrir la voie aux véhicules de livraison légers afin qu’ils remplacent les camionnettes plus vieilles et polluantes » a déclaré le gouvernement, ajoutant également que cela « serait bénéfique à l’environnement et réduirait les bouchons ».
Jesse Norman, le Ministre des transports, du vélo, et des véhicules motorisés à faibles émissions, a déclaré :
« Ce soutien envers les vélos cargo électriques nous permettra de faire de la Grande-Bretagne un leader dans le développement et le déploiement de technologies du futur ».
« Encourager la présence de vélos cargo électriques dans nos rues nous permettra de diminuer le trafic et d’améliorer la qualité de l’air, et montrera que ces véhicules ont le potentiel de jouer un rôle important dans le futur sans émissions de CO2 de notre pays » a-t-il ajouté.
En Allemagne, les réductions peuvent d’élever jusqu’à un tiers du prix de vente des vélos cargo électriques, et l’État de Bade-Wurtemberg propose une subvention allant jusqu’à 4000 euros pour l’achat d’un de ces véhicules dans un but commercial. 15 000 ont été vendus en Allemagne en 2016, et, bien que les chiffres de 2017 ne soient pas encore connus, il est prévu que les ventes aient doublé.
Butchers & Bicycles, une entreprise danoise spécialisée dans les vélos cargo, a été créée en 2013 et connaît chaque année une croissance de 20 à 25 %. d’autres sociétés de cette industrie ont rapporté des ventes similaires. Le modèle Bullit, de la marque danoise Larry vs Harry est un tel succès que d’autres entreprises construisent des accessoires destinés à celui-ci, comme le sac étanche Hood de la marque allemande Fahrer.
Le GSD, créé par Tern, une entreprise spécialisée en vélos pliables, est un vélo cargo compact capable de transporter des charges allant jusqu’à 200 kilos. Le cadre résistant et surdimensionné offre suffisamment de place à l’arrière pour installer des sièges enfant, des sacoches, des boîtes, ou une deuxième selle. Il existe même une version destinée à Deliveroo actuellement à l’essai.
Un autre vélo cargo compact est celui de l’américain Yuba Bikes. Le constructeur est connu pour ses véhicules de types longtail (un vélo allongé à l’arrière afin de transporter biens et personnes), mais propose désormais un modèle se chargeant à l’avant nommé le Supermarché. On trouve aussi parmi ses véhicules l’Electric Boda Boda, un vélo cargo électrique de type longtail.
La société de livraison UPS utilise des vélos cargo du constructeur allemand Speedliner, dont le nouveau triporteur Rytle MovR ressemble presque à une camionnette : il possède deux moteurs-roues sur ses roues arrières, un auvent pour protéger le conducteur des éléments, un système de chargement modulaire basé sur les dimensions Europallet (1200 x 800 x 1100 millimètres).
Le Shorty du danois Urban Arrow est une version plus moderne et plus petite des vélos cargo XL et XXL du constructeur.
Normes de sécurité
Le vélo cargo moyen parcourt en moyenne bien plus de kilomètres par an qu’un vélo utilisé pour se rendre au travail ou pour les loisirs, mais il n’existe actuellement pas de normes minimales de sécurité pour ce type de véhicule. Cependant, cela pourrait changer : le comité des normes de l’institut allemand de la standardisation devrait se réunir sous peu pour esquisser des normes de sécurité concernant ce véhicule.
L’association allemande pour la recherche et le test des matériaux (Deutscher Verband für Materialprüfung und -Forschung) examinera la mois prochain la résistance en fatigue et la sûreté des vélos cargo lors d’un atelier au Zedler-Institut de Ludwigsbourg.
Selon Dirk Zelder, de l’institut, « en tant qu’expert en vélos, j’ai l’impression que la plupart des vélos cargo disponible sur le marché sont plus proches du prototype que du produit fini ».
« Pour moi, l’industrie doit aborder la conception, la fabrication, et la phase de test des vélos cargo selon un nouvel angle. Il faut établir des standards afin de définir leur durée de vie opérationnelle et leur kilométrage maximum, ainsi qu’un calendrier de maintenance et de remplacement des composants. L’essor des vélos cargo électriques rend la création de ces standards encore plus essentielle ».
La marque Kona propose l’Electric Ute, un vélo cargo électrique de type longtail, mais peu d’autres grands constructeurs de vélos se sont pour l’instant intéressés à ce type de véhicule.
« Où sont les grandes entreprises de l’industrie du vélo ? » demande Zedler, « vont-elles entrer sur le marché des vélos cargo électriques, où elles peuvent appliquer leur expertise en conception et développement de produit ? Ou leur absence va-t-elle être une opportunité pour des sociétés externes à l’industrie, comme on a pu le voir avec le boom des vélos en libre service sans station de dépôt ? ».
Le vélo cargo de Volkswagen est un bon exemple : selon Thomas Sedran, Président du conseil pour les véhicules commerciaux de la société, « le vélo cargo électrique est la solution de Volkswagen pour répondre aux problèmes de mobilité de demain ».
« Nous réfléchissons à l’avenir de la mobilité durable pour nos clients et pour une meilleur qualité de l’air dans nos ville » a-t-il ajouté lors de la présentation du triporteur électrique de Volkswagen l’an dernier.
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