Pourquoi courir sur un tapis, quand vous pourriez dormir dessus ? Pourquoi manger des légumes, quand vous pourriez vous assoupir dans votre assiette ? Après tout, une étude tout juste publiée dans le journal scientifique Heart n’a-t-elle pas affirmé que la sieste permettrait de prévenir les maladies cardiovasculaires ?
Pas exactement. Si vous aviez insisté sur le fait que des études de cohorte comme celle-ci pourraient en quelque sorte prouver la relation de cause à effet, vous auriez menti. De telles études ont leurs limites.
Les études de cohorte telles que cette dernière conduite par Nadine Häusler, Jose Haba-Rubio, Raphael Heinzer, et Pedro Marques-Vidal de l’Hôpital Universitaire de Lausanne peuvent seulement montrer des associations et ne prouvent pas de cause à effet. De telles études impliquent de suivre un groupe de personnes pendant une certaine période et d’essayer ensuite de déterminer s’il existe une corrélation statistique entre certains facteurs ou comportements, et les résultats de santé de ces personnes sur la durée.
Dans cette étude, le groupe de personnes étudié (pendant près de 7,8 ans et pour une période médiane de 5,3 ans) était composé de 3 462 individus venant de Suisse et n’ayant pas d’antécédent de maladies cardiovasculaires. Les chercheurs ont ensuite tenté de déterminer si les habitudes de sieste des participants étaient associées de quelque façon que ce soit avec leur probabilité de développer des problèmes cardiovasculaires (par exemple, une crise cardiaque ou un décès dû à une maladie cardiaque) pendant la période de suivi post-étude.
Hélas, les méthodes utilisées par les chercheurs pour mesurer les habitudes de sieste des participants étaient loin d’être parfaites. Les participants complétaient des questionnaires leur demandant à quelle fréquence ils avaient fait la sieste au cours de la semaine précédente, et combien de temps avait duré leur sommeil pendant ces siestes. Les résultats peuvent s’avérer plutôt imprécis, car les gens ne parviennent pas toujours à se rappeler exactement la fréquence de leurs siestes. Il arrive même parfois qu’on ne sache pas si l’on vient de faire une sieste. Néanmoins, en fonction de leurs réponses, les participants étaient classés en quatre catégories : sans sieste, une à deux siestes par semaine, trois à cinq siestes par semaines, et six à sept siestes par semaine.
De même, les gens ne se souviennent pas toujours le temps qu’a duré leur sieste, à moins qu’ils se soient assoupis sur l’application chronomètre de leur smartphone. Les chercheurs ont divisé les participants entre ceux dont les siestes duraient moins d’une heure, et ceux dont les siestes duraient une heure ou plus. La mesure de l’heure est un peu arbitraire et soulève une autre question : comment les participants de l’étude ont-ils défini les siestes ? Bien que la plupart s’accorderont à dire qu’une sieste de 10 heures n’est pas vraiment une sieste, il est possible que les gens diffèrent dans leur qualification d’un sommeil de trois heures. A l’autre bout du spectre, combien de temps devez-vous avoir les yeux fermés pour que cela soit considéré comme une sieste ? Est-ce qu’un assoupissement de deux minutes est une sieste ? Est-ce qu’un peu de bave au coin des lèvres est de rigueur ?
Avec toutes ces limites, il est nécessaire de prendre les résultats de cette étude non pas avec une simple pincée de scepticisme, mais bien tout un sac. Voici son résultat principal : comparé à celui des sans sieste, le groupe de personnes effectuant des siestes une à deux fois par semaine avaient 48 % de chances en moins de développer un problème cardiovasculaire au cours de la période de suivi. Toutefois, faire plus de siestes ne s’avérait guère mieux : le groupe de six à sept siestes par semaine n’était pas significativement plus ou moins susceptible d’avoir développé des problèmes cardiovasculaires que ceux qui n’en faisaient pas.
Comment ces résultats s’expliquent-ils ? Est-ce qu’une petite quantité de siestes peut être utile dans certaines situations, mais que plus serait trop ou symboliserait un problème plus large ? Démêler ces associations peut s’avérer semblable au fait de démêler les écouteurs de votre smartphone : compliqué. Une sieste occasionnelle çà et là peut aider à diminuer le stress et rattraper du sommeil, ce qui pourrait donc participer à réduire le risque cardiovasculaire. Néanmoins, il est possible que les personnes pouvant se permettre une sieste quelques fois par semaines aient des situations personnelles plus flexibles, organisées ou stables, ce qui en retour pourrait participer à la prévention des maladies cardiovasculaires. En outre, la sieste pourrait être associée à d’autres comportements sains, tels que la sieste après une séance de sport intensive deux fois par semaine, des cours de yoga, ou une salade de choux.
En revanche, si vous faites la sieste presque tous les jours, cela pourrait être le signe que vous avez un problème sous-jacent. Peut-être êtes-vous sans emploi, esseulé, déprimé, ou peut-être avez-vous une maladie chronique qui vous fatigue particulièrement, telle que l’apnée du sommeil. Peut-être votre travail est-il trop épuisant ou ennuyeux. Toutes ces choses peuvent être des situations malsaines pouvant conduire à des problèmes cardiovasculaires.
Alors, devriez-vous vous reposer sur les résultats de cette étude ? Et si oui, à quelle fréquence et quelle durée ? Pour tout dire, ce n’est pas la première étude à suggérer que faire des siestes avec modération peut être associé à de meilleurs résultats pour la santé. Faire la sieste peut être utile pour les personnes manquant de sommeil, une tendance devenant de plus en plus banale dans notre société. Après tout, dans certaines cultures et pays, une sieste le midi fait partie de la norme. Vous avez probablement déjà fait l’expérience de cette somnolence de l’après-midi qui vous fait vous demander si vous êtes vraiment productif pendant cette période. Ainsi donc, si vous avez l’occasion de faire une sieste, céder à la tentation de vous assoupir n’est peut-être pas une mauvaise idée, si tant est que cela ne perturbe pas votre sommeil habituel.
Ceci soulève un autre point clé : la sieste a ses avantages, mais aussi ses inconvénients.
Ainsi, vos habitudes optimales de sieste devraient être personnalisées et dépendre de comment vous vous sentez, ainsi que de votre situation personnelle. Cela peut varier d’une année à l’autre, selon les mois, ou même chaque jour.
Par conséquent, ne vous attendez pas à ce que des médecins fournissent de sitôt des instructions du genre « faites la sieste régulièrement, pas plus de deux fois par semaine ». Si vous faites en effet la sieste une à deux fois par semaine, n’allez pas penser que cette habitude vous permettra à elle seule d’éviter une maladie cardiaque. Si vous faites la sieste six à sept fois par semaine, vérifiez avec votre médecin afin d’être sûr de ne pas avoir d’autre problème de santé qui serait la cause de ces siestes très fréquentes. Si vous êtes un « sans sieste » et pouvez rester éveillé à toute heure chaque jour, pas de panique. Pas la peine de vous forcer à faire la sieste si vous n’en ressentez pas le besoin. Acceptez simplement le fait que vous êtes bizarre et probablement un robot.
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