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La ‘’French Touch’’ fait son cinéma

acteur Tara Rahim international
série She came to me USA

Mélange de tradition et d’originalité, avec une pointe d’audace, le cinéma français dans toute sa diversité de fabrication, fait valoir de nouveaux atouts à l’international.


 

Tout commence à quelques centaines de mètres de Central Park où l’acteur Tahar Rahim s’immerge dans New-York pour les besoins de la comédie romantique “She Came to Me” aux côtés d’Anne Hathaway, Joanna Kulig et Matthew Broderick.  Son personnage d’écrivain en panne d’inspiration dont la vie sentimentale va nourrir la créativité, colle parfaitement à l’image de séducteur dans l’imaginaire collectif américain. C’est un autre français, le compositeur Alexandre Desplat -déjà deux Oscars au compteur – qui sera en charge de la création de la musique originale du film. Tous deux, dans le sillon de talents comme Marion Cotillard et Omar Sy, ont déjà bien entamé leur route jusqu’à Hollywood… on se les arrache. Pour le comédien révélé en 2009 dans « Un prophète » de Jacques Audiard, issu de la cité de Belfort où il a baigné dans la mixité sociale, les frontières ne sont qu’une affaire de conditionnement culturel : « Le métissage de ma carrière d’acteur vient clairement de ces origines. Mon ADN est pluriculturel. » précise-t-il au journal les Echos. Professionnel reconnu, il est capable de tourner pour tous les registres et pour tous les écrans, mais également de s’engager dans des rôles qui exigent une forme d’abnégation : Tahar Rahim perdra 17 kilos pour endosser le destin de Mohamedou Ould Slahi («Désigné coupable»), Mauritanien livré par son pays aux États-Unis et qui a passé quatorze à Guantanamo sans charges ni jugement.

Du côté des femmes françaises, c’est en tant que réalisatrice que l’actrice Julie Delpy incarne la « french touch ». Basée à Los Angeles depuis vingt-huit ans, tout n’a pas pour autant été facile pour cette artiste atypique. Même si son film « Two Days in Paris » est l’un des longs-métrages français les plus vendus dans le monde, elle peine régulièrement à trouver des financements mais également des distributeurs prêts à soutenir sa filmographie déjantée et féministe. Car si les français inspirent leurs voisins Outre-Atlantique, ils ont parfois du mal à se plier aux exigences d’une industrie très codifiée, quand le cinéma français conserve une approche « aristocratique » du métier de cinéaste où la rentabilité reste taboue. Ainsi, rares sont les réalisateurs comme Luc Besson avec son cinéma de genre ou encore Bertrand Tavernier, à avoir su s’imposer aux États-Unis, premiers investisseurs du cinéma mondial (58 % des investissements de la production mondiale en 2009). Rappelons qu’avec une production de longs métrages qui détient 92 % de parts de marché sur leur territoire, les USA réalisent 63 % de ses recettes sur le marché international tandis qu’en Europe, les films américains représentent 60 % du marché en salles.

Une manne quasi providentielle pour toutes les professions dans cette industrie, y compris celui de compositeur comme Alexandre Desplat désormais aussi célèbre à 53 ans qu’un Maurice Jarre ou un Michel Legrand. Sa collection de trophées déjà bien fournie, du Bafta au Golden Globe en passant par un Grammy Award, sans oublier trois César remportés en 2006, 2011 et 2013 pour les films de Jacques Audiard, l’a propulsé comme chef de file de la « french touch » à Hollywood. Autre sujet de fierté nationale, le film d’animation français qui a la côte chez Pixar et Dreamworks.

Pour preuve les Minions, une armée de trolls, incapables d’aligner deux phrases dans une même langue, au service du mal et de Gru tout droit sortis des studios français et produits par les américains qui sont devenus des superstars : « Avec les Minions, on a évité le premier degré, de sombrer dans les clichés. Nous apportons un côté irrévérencieux. » explique au micro de France Info le réalisateur et animateur Pierre Coffin, également connu pour avoir cosigné la réalisation de la trilogie ‘’Moi, moche et méchant’’. Si les films d’animation français n’ont pas toujours attiré les foules dans les salles de cinéma longtemps considérés comme de simples divertissements pour enfants, le succès de « Kirikou et la sorcière » par Michel Ocelot va servir de tremplin à de nombreuses vocations : une filière qui emploie 7 500 personnes aujourd’hui.

 

L’appel d’air des plateformes

palme d'or réalisatrice Julia Ducournau
Les plateformes  de streaming profitent au cinéma français/ Julia Ducournau

 

Avec la montée en puissance des plateformes de streaming qui doivent répondre au besoin toujours pressant de nouvelles séries, on assiste également à un changement de paradigme qui profite au cinéma français mais également à une nouvelle génération. Repérées pour leur long-métrage, des réalisatrices comme Julia Ducournau (Palme d’or du festival pour ‘’Titane’’ 2021 ) ou la franco-turque Deniz Gamze Ergüven (« Mustang ») sont désormais courtisées par les plateaux des plateformes américaines ( Apple TV, HBO,…) pour rejoindre le cercle très recherché des réalisatrices de séries américaines. « ll n’y a pas vraiment de règles avec les plateformes. Elles ne représentent pas tous les cinémas, et il y a d’autres cinémas qui vont avoir plus de mal, mais elles sont un levier de distribution incroyable. Prenez l’exemple de ‘’ Grave’’ de Julia Ducournau présenté à Cannes en 2020 et qui été vendu dans le monde entier grâce aux plateformes. En tant que productrice indépendante, cela aurait été pour moi inatteignable.» explique Julie Gayet fondatrice de ‘’Rouge International’’.  Avec le changement de mains du pouvoir financier, subsiste la question de la survie du cinéma d’auteur, perdu entre les films d’entertainment qui remplissent les salles, et la généralisation des séries. « Pour continuer à avoir cette diversité dans les salles qui est une spécificité française, cela est un peu plus compliqué. » souligne la productrice. Aujourd’hui, si le cinéma français se cherche, bousculé par ces nouvelles règles du jeu, c’est aussi l’occasion pour toute la profession d’aller puiser dans son inventivité et sa liberté pour se réinventer. Pour la jeune productrice Sophie Mas basée aux Etats-Unis (Call Me by Your Name, Ad Astra, …) : « Sortir de son pays est une aventure stimulante. L’exil développe la créativité, les obstacles sont créateurs d’opportunités. » L’exception française doit franchir de nouvelles frontières…

 

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