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Guillaume Diop, l’étoile de l’opéra de Paris

guillaume Diop

À seulement 24 ans, Guillaume Diop a déjà fait le tour du monde, arpenté les scènes prestigieuses des plus grands opéras, porté la chemise de Roméo dans Roméo et Juliette et incarné de nombreux héros de nos classiques. Mais c’est le 11 mars 2023 qu’il a marqué l’histoire en devenant le premier danseur étoile noir de l’Opéra de Paris. On l’a aussi vu tournoyer sur le toit de l’hôtel de ville de Paris, pendant la cérémonie d’ouverture des JO. 

Propos recueillis par Eve Sabbah 

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à commencer la danse ?

GUILLAUME DIOP : J’ai commencé la danse parce que je voulais faire comme Juliette, ma grande sœur. Nous avons toujours eu une relation très fusionnelle. Elle a un an et demi de plus que moi, c’était mon modèle et je voulais tout faire comme elle. Elle allait aux cours de danse, et chaque fois que j’allais la chercher, je finissais le cours avec elle. Comme j’étais un enfant très énergique, mes parents m’y ont inscrit pour que ça me canalise. C’est ainsi que j’ai intégré le cours d’éveil à la danse contemporaine du Centre Binet. C’était une activité comme une autre, à cette époque j’étais trop jeune pour penser à en faire mon métier, mes parents n’y songeaient pas non plus d’ailleurs.

 

Vous étiez le seul garçon du cours de danse au milieu de dizaines de petites filles. Quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?

G.D. : C’est vrai qu’il n’y avait pratiquement pas de garçons dans nos cours, mais je n’ai jamais vu cela comme un problème. J’ai principalement grandi avec des femmes dans ma famille, donc cela ne m’a pas trop gêné. Au contraire, j’avais plus d’attention de la professeure. Elle était plus attentive à mes mouvements car la danse et la technique masculines et féminines sont vraiment différentes.

 

Qu’est-ce qui vous a séduit dans la danse ?

G.D. : J’ai tout de suite été émerveillé par la magie, le fait de réussir à faire des choses très compliquées tout en donnant l’impression que c’est très simple. Ce que j’aime dans cet art, c’est la rigueur que cela demande et la marge de progression infinie que cette rigueur procure.

 

À 8 ans, vous finissez votre parcours d’éveil à la danse. La suite se fera au conservatoire de danse classique. Racontez-nous…

G.D. : Ça s’est fait très naturellement. J’ai participé, comme tous les ans, au spectacle de fin d’année. J’avais 8 ans et nous avions donné notre spectacle à La Cigale. À la fin de la représentation, une de mes professeures est allée voir ma mère pour lui conseiller de m’inscrire au conservatoire de danse, car elle trouvait que j’étais doué pour mon âge et que j’avais une bonne technique. J’ai passé les auditions et je m’y suis vite épanoui. Mais j’ai eu envie de plus. Je suis rentré au conservatoire de danse régional. J’ai fini la primaire par des cours aménagés pour me concentrer à la danse classique et j’y ai passé deux ans. À la fin de l’année scolaire, tous mes camarades se préparaient au concours de l’école de danse de l’Opéra de Paris, et j’ai suivi la tendance, comme je l’avais fait plus jeune en suivant ma sœur. Cette ambition a été difficile à accepter pour mes parents, mais j’ai été admis et ils en étaient fiers.

 

Vous devenez donc un petit rat de l’Opéra. C’est la cour des grands que vous intégrez à ce moment-là ?

G.D. : Oui, c’est vrai. C’est une chance énorme pour un jeune danseur, mais c’est aussi une grande responsabilité. Le niveau attendu à l’Opéra est un niveau d’excellence, il faut être exigeant avec soi- même. C’est là que l’on passe de l’enfant qui danse au professionnel qui se forme, le tout en songeant à la voie des études traditionnelles.

 

Le choix entre la voie scolaire et la carrière de danseur a été difficile ?

G.D. : C’était un choix décisif pour le reste de ma vie en tant que personne et il était important de le faire bien. J’ai toujours aimé l’école : j’étais quelqu’un d’assez scolaire, j’avais de bonnes notes, et je me rêvais médecin. Alors évidemment, lorsque j’ai eu le choix entre un parcours de danse professionnelle ou continuer dans un parcours traditionnel, j’ai hésité. J’ai souvent pensé à abandonner la danse pour les études, principalement parce que je me demandais si j’allais avoir une place de danseur étoile un jour.

 

Pourquoi doutiez-vous ?

G.D. : Il me semblait que je n’avais pas forcément ma place de par mes origines. Il faut dire qu’il n’y avait aucune représentation pour moi. Jamais un noir ou un métis n’avait eu de premier rôle, ou était devenu danseur étoile.

 

Qu’est-ce qui vous a conforté dans le choix de continuer à danser ?

G.D. : J’ai rejoint l’école de danse d’Alvin Ailey à New York pour un stage de six semaines lorsque j’ai eu 16 ans. Là-bas, il y a plus de diversité, c’est un lieu mixte où les élèves venaient des quatre coins du monde, et avaient une ouverture d’esprit incroyable. J’ai compris que c’était possible d’être noir ou métis et de réussir à faire de la danse son métier.

 

À Alvin Ailey, on vous propose une place de danseur que vous refusez, pour continuer votre parcours à l’Opéra de Paris.

G.D. : Oui, c’est vrai. Lors de mon séjour à New York, j’ai été impressionné par la diversité offerte par cette école mais je me suis aussi rendu compte de mon attachement à l’école française de danse, à l’Opéra de Paris, et à sa rigueur. De plus, j’avais envie de poursuivre une carrière où je pourrais interpréter des classiques, raconter des histoires longues de trois heures et incarner des personnages issus d’œuvres emblématiques comme il est d’usage en France. Aux États-Unis, la danse classique est plus contemporaine.

 

Entre l’université et la danse, vous choisissez finalement les ballerines. Vous vous êtes dit : « Je serai le premier » ?

G.D. : C’est un peu ça. Maman m’a d’ailleurs rappelé récemment une anecdote que j’avais oubliée. Lorsque Barack Obama est devenu président, je lui ai dit : « Tu vois, Barack Obama est le premier président noir des États-Unis, je serai le premier danseur étoile noir de l’Opéra de Paris. » 

 

« Tu vois, Barack Obama est le premier président noir des Etats-Unis, je serai le premier danseur étoile noir de l’Opéra de Paris »  Guillaume Diop à sa mère.

 

L’histoire vous donne raison le 11 mars 2023 à Séoul. Vous devenez le premier danseur étoile noir de l’Opéra de Paris. Que se passe-t-il dans votre tête ?

G.D. : C’est un moment étrange, je suis heureux et fier mais je me sens aussi très vulnérable à ce moment-là, je suis en larme au milieu de la scène

 

Comment avez-vous pris conscience du symbole que vous incarnez ?

G.D. : C’est seulement au fil du temps, notamment lors de mes interventions dans des conférences, que j’ai commencé à saisir l’importance de mon rôle. Discuter avec des enfants m’a permis de réaliser à quel point je pouvais être un modèle pour les jeunes garçons métis qui aspirent à devenir danseurs. Mais ce qui a vraiment touché mon cœur, c’est lorsque j’ai rencontré les enfants d’une école au Sénégal. Leurs yeux remplis d’admiration et d’espoir m’ont profondément ému.

 

Vous avez atteint le firmament en devenant danseur étoile. De quoi rêvez-vous maintenant ?

G.D. : Oh ! J’ai encore beaucoup de rêves, je ne peux pas vous dire où je serai dans quinze ans mais j’ai encore plein de rôles à incarner et des projets plein la tête comme ouvrir une école de danse au Sénégal.

 


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