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Frédéric Cassoly, homme de l’ombre du Festival de l’Alpe d’Huez

interview Frédéric Cassoly Festival Alpe d'Huez
Festival de la comédie Alpe D'huez

C’est déjà l’effervescence dans la station… du 16 au 22 janvier 2023 à l’Alpe D’Huez aura lieu la 26ème répétition générale du Festival international du film de comédie orchestrée par Frédéric Cassoly son directeur, aux côtés de Clément Lemoine. Dans l’ombre des festival avec pour principale mission de défendre le cinéma, de Cannes à l’Alpe d’Huez en passant par Lyon, il veille au grain avec une énergie contagieuse. Rencontre.

 

Qui se cache derrière le Festival du film de comédie de l’Alpe d’Huez ?

C’est l’agence « Tournée générale »  spécialisée dans l’événementiel cinéma :  on produit de A à Z le festival de l’Alpe d’Huez mais on est présent également à Cannes où j’officie en tant que responsable du service de presse audiovisuelle depuis une trentaine d’années. L’agence travaille également sur le Marrakech du rire. Pour la petite histoire Jamel et Mélissa (Debbouze) se sont rencontrés à l’Alpe d’Huez, cela donne une idée de l’ambiance qui règne à ce festival qui a engendré de nombreuses rencontres, de vocations. Enfin, on collabore avec Thierry Frémaux sur le festival Lumière à Lyon qui est un magnifique événement sur le cinéma et tout son patrimoine.

 

Comment vous définiriez-vous ?

Je nous définirai comme un peu des artisans car nous sommes une petite infrastructure avec pour principale mission de défendre le cinéma. Je suis arrivé, pour la deuxième année du Festival de l’Alpe d’Huez ou plutôt le Festival du film de comédie car cela se passait dans une autre station (Chamrousse) et entre temps nous avons connu cinq générations de maires et plusieurs lieux. Tout n’a pas été toujours simple car ce genre d’événement devient parfois un sujet politique mais après un appel d’offre que nous avons remporté grâce à l’implication de notre équipe mais aussi certaines personnes de la municipalité, nous sommes à l’Alpe d’Huez dans un festival que nous avons vu grandir comme notre propre enfant (rires).

 

Ce Festival en dépit de sa grosse notoriété reste familial, comment faites-vous ?

Oui, on a envie de garder intacte cette ambiance qui n’exclue en rien le professionnalisme autour de cet événement qui célèbre la comédie. Il faut préciser qu’il n’y a pas d’autres festivals en France ou en Europe sur cette thématique, même s’il y a beaucoup d’événements autour d’humoristes.

 

Peut-on parler de comédie typiquement française ?

Nous sommes forts en France dans le cinéma de comédie car nous avons une vraie spécificité. Et puis la comédie évolue après avoir souffert longtemps d’un manque de prise au sérieux par le monde du cinéma : ce n’était pas assez chic et ce n’était d’ailleurs pas forcément facile de trouver des partenaires ou des sponsors. On s’est battus avec Clément pour sortir la comédie de cette image un peu ringarde et potache un peu réductrice. Je me souviens encore des reportages pour la télévision dans les premières années du Festival  qui mettaient la musique des « Bronzés » pour illustrer leur sujet : cela m’agaçait car si ce film est une référence et qu’on l’adore, cela réduisait toute notre programmation dans des clichés. Depuis quelques années, on a vu toute son étendue  avec des comédies sociales, même policières comme « la Daronne » (campée par Isabelle Huppert), même si on a bien sûr des comédies très populaires comme celles de Philippe Lachau ( Baby Sitting, Alibi.com…) ou les Chtis. D’ailleurs Dany Boon impose désormais à Pathé -on en est très fiers- de faire l’ouverture de ses films chez nous.

 

Il parait que des personnalités comme Philippe Lachau sont considérées comme vos « bébés » du festival ?

Oui, on a beaucoup d’exemples comme Amhed Sila qui a explosé dans l’Ascension, et bien sûr Philippe Lachau d’abord comédien puis consacré comme réalisateur avec  son film Babysitting et ensuite alibi.com. Le festival met un pied à l’étrier à de jeunes talents. On retrouve d’une année à l’autre des jeunes réalisateurs de courts-métrages sélectionnés chez nous qui reviennent pour un long métrage comme Yvo Muller avec son film Maria Rêve l’année dernière ( Prix du Public 2022 au Festival de Cabourg). Beaucoup d’entre eux qui n’avaient pas de financement en audiovisuel, ont trouvés ici leur partenaire. C’est un aboutissement pour nous.

 

Comment aller plus loin pour aider le cinéma ?

On m’a souvent conseillé de lancer également un marché du film  mais je trouve au contraire que notre Festival se prête naturellement à ces échanges professionnels sans que l’on soit obligés d’investir de l’argent pour créer un marché : c’est dans ce mélange de professionnalisme et de décontraction que souvent les deals se font. Beaucoup de projets sont nés ici. C’est un Festival qui, récompense bien sûr, la comédie, mais aussi une forme de créativité, une capacité à oser. C’est un Festival qui d’ailleurs ne grandira pas plus parce que d’abord le parc hôtelier n’est pas extensible mais surtout on veut garder cette proximité qui favorise les rencontres.

 

Pourquoi ce choix d’une station comme L’Alpe d’Huez très chaleureuse plutôt qu’ultra chic  ?

Jean-Yves Noaré, le maire de la station nous racontait qu’il y a 40 ans  Johnny Halliday et d’autres personnalités avait leurs habitudes ici… mais cela s’est ensuite beaucoup construit.  Heureusement depuis deux ou trois générations, ils remettent du bois sur le béton et font très attention à ne pas se laisser emporter par l’appel de la bétonneuse ! Mais avant de s’installer définitivement à L’Alpe d’Huez on nous a ouvert les bras dans d’autres stations, on nous a même proposé à Nice ! Nous sommes très heureux d’être ici avec un public très fidèle qui vient parfois en famille depuis des années. Cela a du sens pour nous. On est  en troisième semaine de janvier, hors vacances scolaires ce qui permet donc à la station de continuer à bien se remplir avec un retour très positif des commerçants.

 

Quel est votre effectif sur un événement de cette ampleur ?

A l’année nous sommes huit permanents avec en renfort dans l’équipe une vingtaine de personnes en plus sans oublier une quarantaine de formidables bénévoles. Cela reste ridicule comme effectifs au regard de la taille de l’événement mais finance oblige : nous sommes seulement financés à hauteur de 20 % par l’institutionnel ( région, départements et villes d’accueil…) : le reste à savoir 80 % vient des partenaires privés. C’est atypique, et cela explique que nous repartions en campagne de financement quasiment à la clôture de l’édition 2023 pour l’année suivante.

 

Le festival est un modèle qui ne fait pas assez de recettes ?

Cela ne concerne pas seulement notre festival mais depuis quelques années, les subventions institutionnelles ont tendance à chuter. Nous devons nous réinventer, même si on a des partenaires  très fidèles dont certains historiques depuis une quinzaine d’années, comme Guillaume Jouy, le patron d’OCS qui était déjà là avec la marque TPS. Il fait parti de notre grande famille de nos partenaires que l’on va revoir régulièrement au cours de l’année, et ce, dès février de manière parfois informelle  : on ne se quitte pas et on invente des choses ensemble.  Mon rôle consiste aussi à mettre en relation tous ces partenaires entre eux -ce que je ne fais pas du tout dans d’autres événements comme à Cannes ou ailleurs- pour justement créer des choses ensemble. Par exemple on a initié l’année dernière l’ouverture à l’international avec la comédie du canadien ken Scott.

 

Quels sont les écueils à éviter dans la production d’un festival ?

Il n’y a pas beaucoup de place pour le doute, on va toujours de l’avant et puis je relativise beaucoup. L’événementiel n’est évidemment pas un métier facile et ce milieu non plus. Cela fait 30 ans que je suis au festival de Cannes donc je sais prendre du recul et ne pas oublier qu’on est là avant tout pour l’amour du cinéma. Peut-être qu’un jour on en aura envie d’autre chose : monter une baraque à frites (rires). Mais pour faire court je dirai qu’un festival c’est 20 % de truc hyper carré, 80 % d’improvisation.

 

Que peut-on souhaiter au cinéma aujourd’hui ?

Qu’il aille bien ! On a un beau cinéma français et belles comédies.

 

Vous parliez du marché du cinéma, est-ce beaucoup porté par les festivals ?

A Cannes, on ne peut pas comparer car c’est une industrie. Si il y a 20 ans on pouvait encore voir toutes les équipes des films en compétition  déambuler sur la croisette, c’est désormais impossible car tout est ultra sécurisé dans les lieux publics.  A l’Alpe d’Huez on est à taille humaine et on sait -via les retours de comédiens comme Kad Merad ou Franck Dubosc- qu’ils se réjouissent d’avoir leur festival à eux. Nous sommes d’ailleurs devenus stratégiques pour les lancements.

 

Est-ce que l’on peut dire qu’avec la crise actuelle, on n’a jamais eu autant envie de rire ?

Bien sûr, évidemment. Quelle bouffée d’air frais de pouvoir rire dans une salle. Evidemment que c’est une thérapie de rire ces temps incertains. Quand on voit arriver dès les premiers jours le public avec le sourire, prêts à se détendre, c’est une récompense. Et puis il faut rappeler que les comédies sont souvent les succès du Box Office, cela fait remplir les salles.

 

Cette année consacre la 26ème année du festival, cela ne donne pas le vertige ?

Non, déjà ce sont des centaines de temps forts qui ont illustré le festival : nous sommes une véritable boite à souvenirs, entre la vache -du film avec Jamel Debbouze- qui est venue sur place ou encore Joe Starr qui officiait le soir aux platines du Chamois d’Or, sans oublier toutes les vocations qui sont nées ici avec le passage à la réalisation d’acteurs comme Franck Dubosc ( Alors on danse, …). Et puis il faut rappeler que les comédies font parties des succès du Box Office, cela fait remplir les salles. Alors qu’elles ne sont toujours pas représentées aux César…

 

Si vous deviez résumer en une phrase le festival ?

C’est un savant mélange de talents confirmés et  de jeunes générations

 

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