➡ Rectitude et Éclectisme ne s’opposent pas : jour après jour, Frederick Casadesus l’illustre avec détermination et malice, depuis plusieurs décennies. C’est peut-être ce secret de la pensée protestante – la droiture et l’ouverture, la justesse et l’essentiel – que Frederick illustre avec passion, à longueur d’articles, de livres et d’entretiens radiophoniques.
Propos recueillis par Florence Petros
Il fut journaliste à l’hebdomadaire Réforme pendant quinze ans, rédigea de nombreux articles pour Tribune Juive quand Ivan Levaï en était le directeur. Il est depuis vingt ans l’un des piliers de Fréquence Protestante- où il anime notamment une émission de portrait, intitulée « Une heure avec… », il rédige un blog pour le site Regards Protestants, publie chaque jour un texte au sujet de la musique sur Médiapart.
On peut penser que ce libéralisme intellectuel et cette passion lui viennent de sa famille, les Casadesus. Depuis cent-cinquante ans, sept générations d’artistes se sont succédé, sur les planches, au pupitre, au piano,etc. Parfois même dans les librairies ! Frédérick Casadesus se définit comme un journaliste écrivant des livres, un mélomane aimant faire partager ses découvertes.
Parlez-nous tout d’abord de votre dernier ouvrage, « Les Casadesus » (Le Cerf, 213 p. 20 €)…
Frédérick Casadesus : Je n’ai pas voulu mettre ma propre famille sur un socle. D’abord parce que rien n’est ennuyeux comme l’hagiographie, les éloges hypocrites. Ensuite parce que je suis convaincu que toutes les familles mettent en jeu des désirs, des ambitions, vivent des drames ou des joies, possèdent une dimension romanesque, émouvante, amusante aussi, qui méritent d’être décrite ou raconter. Je n’ai pas voulu non plus dénigrer mes ancêtres, mes cousines et mes cousins. Le type d’ouvrage dont l’auteur explique à longueur de pages qu’il appartient à une lignée d’horribles personnages me semble indécent- du moins la plupart du temps. J’ai souhaité faire connaître une aventure collective inspirée par l’amour de l’art – avant tout la musique, le théâtre et la peinture. De surcroît, cette histoire montre qu’il est possible d’avoir des origines étrangères – les premiers Casadesus dont nous possédions la trace étaient catalans– d’aimer la France en ne confondant pas le patriotisme et le nationalisme. A une époque où le communautarisme et la xénophobie menacent les principes même de notre République, il me semble important d’offrir un témoignage de gratitude à l’endroit de notre pays, de son histoire et de son idéal de fraternité.
Vous semblez avoir attendu un certain nombre d’années avant de vous plonger dans l’histoire de votre famille. Pourquoi ?
F. C. : Quand une personne parle des membres de sa famille, il a coutume de dire : « les miens ». Cela reflète une relation forte, mais aussi un manque de distance préjudiciable à la rédaction d’un livre– à moins de s’appeler Saint-Simon, Chateaubriand, Marcel Proust et encore, ces immenses écrivains n’ont-ils pas manqué de biaiser, d’user du mensonge pour assumer les douleurs de l’épreuve. N’ayant pas la prétention de réaliser une œuvre mais un récit à l’usage de nos concitoyens, j’ai dû laisser mûrir en moi la façon dont présenter cette aventure collective.
Le grand public aujourd’hui connaît Gisèle Casadesus, comédienne disparue en 2017 à l’âge de cent trois ans, Jean-Claude son fils, chef d’orchestre, les mélomanes se souviennent de Robert Casadesus, pianiste ayant mené une carrière internationale. Dans votre livre, évidemment vous racontez leur destin, mais vous faites une place à tous ceux qui, dans la vie artistique de notre pays sans avoir toujours atteint la notoriété. Suivant quels critères avez-vous travaillé ?
F. C. : La postérité peut être sévère, elle peut même provoquer des injustices. Ainsi Mathilde Casadesus (1921-1965) était-elle une comédienne fantaisiste très populaire – elle a joué avec Bourvil, avec les Branquignols, la fameuse troupe de Robert Dhéry. Mais sa mort précoce l’a privée d’une carrière qui l’aurait peut-être conduite au premier plan. De même Francis Casadesus (1870-1954) est-il complètement oublié, alors qu’il a participé à la création de la SACEM telle qu’elle existe aujourd’hui, alors qu’il a créé le Conservatoire franco-américain de Fontainebleau, où les plus grands musiciens du vingtième siècle, ont appris leur métier. J’ai donc voulu rappeler que dans une famille aussi nombreuse, il existe en effet des artistes moins connus qui méritent un coup de chapeau; mais j’ai voulu aussi relater le parcours des « obscurs et des sans grade » comme on dit, parce qu’il n’est pas d’aventure collective réussie sans une solidarité mémorielle.
Quels sont vos coups de cœur musicaux du moment ?
F. C. : Indiscutablement le livre-disque « « Écrits dans une sorte de langue étrangère » (label Elstir). Hommage à Marcel Proust, dont nous célébrons le centenaire de la mort, ce magnifique ouvrage initié par la pianiste Anne-Lise Gastaldi est une merveille : il associe le trio de Beethoven « A l’archiduc » à des œuvres de musique contemporaine, des textes écrits spécialement par Belinda Canonne, François Hartog, Jérôme Prieur notamment, à des images réalisées par des street artistes. En un mot comme en cent, cet album est pour moi l’événement de la rentrée.
LE + FORBES | Rencontre avec Anne-Lise Gastaldi, « l’intense discrète »
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