Une histoire peu commune et une passion pour l’Art et la cosmétique ont amené Didier Guillon à se retrouver à la tête de l’entreprise Valmont. Cette société, achetée en 1991, sur les conseils de son père (fondateur du Lait Mustela -1953- et grand amateur d’art), est devenue une belle success story familiale grâce, d’une part, à son génie créatif et à son engouement pour l’art, et d’autre part grâce à sa femme Sophie (directrice générale). Elle a su anticiper les envies et les besoins des femmes, leur proposant des produits de beauté toujours plus ciblés, en adéquation avec l’air du temps, combinant les ingrédients les plus luxueux et la technologie la plus poussée en cosmétique.
Quant à Didier Guillon, il a baigné toute son enfance dans un univers tourné vers l’art, les expositions, galeries d’artistes, où régnaient le goût du rare et du beau, grâce à sa famille – son père, grand amateur d’art comme son arrière arrière-grand-père maternel Charles Sedelmeyer marchand d’art notoire de la scène parisienne de la fin du XIX, début du XXème et Stanilas Lami, arrière-grand-père paternel – .
Se nourrissant de cet environnement, il a su par la suite conjuguer avec brio sa passion artistique avec Valmont, créant un nouveau mode de communication et un véritable outil marketing à travers des collections limitées, des expositions éphémères…C’est ainsi qu’est né un dialogue entre l’Art et les Cosmétiques Valmont. A ses yeux, l’Art étant le meilleur allié de la Beauté et un moyen de connaissance du monde et de l’expression.
Son génie créatif et son bouillonnement artistique lui font élaborer des projets de parrainage de produits, monter des expositions itinérantes dans des lieux insolites, dans des spas ou encore dans des grands magasins, organiser des ventes aux enchères à des fins humanitaires… Bref Didier Guillon n’a de cesse de se réinventer et il a transmis cette passion à ses trois enfants, Capucine, Maxence et Valentine.
En 2015 il crée la Fondation Valmont à Venise, qui lui permet de concevoir, d’organiser et de présenter expositions et artistes audacieux qui lui tiennent à cœur, regroupant également l’ensemble de ses collections en une seule, autour d’un seul mot d’ordre : « La Philanthropie ». Cette valeur lui a permis de concrétiser et de regrouper une vie à collectionner des tableaux chers à son cœur et surtout à dénicher des talents.
Enfin 2019 verra le lancement d’expositions grâce à l’achat du Palazzo Bonvicini.
Focus sur Didier Guillon avec Katya Pellegrino.
Vous avez baigné dans l’art entre votre père, collectionneur passionné, le père de votre arrière grand-mère, Charles Sedelmeyer marchand d’art reconnu sur la place parisienne ainsi que Stanislas Lami, votre arrière-grand-père, artiste et sculpteur.
Pourquoi ne pas avoir embrassé dès le départ une carrière comme marchand d’art ou galeriste ?
Didier Guillon : Il est certain que je baignais au quotidien, grâce à ma famille, dans un univers artistique entre expositions et galeries. A cette époque, tous les parents souhaitaient que leur progéniture ait un travail stable et sûr. Dans ces familles bourgeoises l’enfant a peu d’espace de décision et j’ai dû passer par la case gestion et contrôle afin de les satisfaire et construire mon expérience. On m’avait laissé penser qu’un jour je pourrais peut-être reprendre les destinées du groupe Mustela mais ce n’était qu’une illusion bien sûr (sourire) ! J’y ai pourtant travaillé, aux côtés de l’associé de mon père, bien entendu.
La seule chose qui m’a amusé, c’est de créer avec mon partenaire, un coffret, intitulé « Joyeuse Naissance » (j’avais 28/29 ans), destiné aux femmes qui accouchent. Nous vendions l’espace intérieur de ce coffret à des sociétés comme Nestlé, Proctor & Gamble et bien entendu Mustela, afin de le composer de produits de naissance divers et variés, que les femmes recevaient lors de leur accouchement.
C’était un univers amusant qui nous plaisait car il avait une valeur émotionnelle et non financière. Puis je suis passé à autre chose car pour moi la vie ce sont des trains qui passent et il faut savoir y monter au bon moment.
J’ai eu la chance d’avoir des mentors qui m’ont guidé et m’ont permis de bien construire ma vie.
Qu’est-ce qui vous motive ou vous passionne ?
D.G. : Ce que j’aime c’est dénicher de jeunes talents pour leur permettre de découvrir un terrain d’expression. Je suis dans la valeur émotionnelle.
C’est la raison de la création de ma fondation (2015). Je recherche la simplicité et l’épure, peut-être en réaction à mon univers familial où l’on vivait dans un enchevêtrement de tableaux, de mobiliers qui m’étouffait.
Je peins aussi par exemple dans mon petit studio uniquement sur le New York Times. J’adore leurs photos qui sont des supports incroyables où j’esquisse mon gorille et maintenant des nus.
Je vais bientôt aller m’installer à Venise et en profiter pour prendre des cours d’italien, de cuisine (en Italie obligatoire -sourire-) et m’investir encore dans une foultitude d’activités. Peut-être finir Joyce Ulysse…
Je me régale déjà d’un parcours que je n’ai pas encore fait (sourire).
Vous avez racheté Valmont en 1991 en Suisse, estimant l’achat intéressant. Cela vous a-t-il un peu bridé dans le développement de votre fibre artistique au départ ou bien Valmont vous a t’il permis de trouver un nouveau vecteur pour vous concilier vos deux passions ainsi qu’un nouveau mode d’expression de prédilection ?
D.G. : Après cet achat, je souhaitais communiquer différemment et surtout d’une manière novatrice par rapport à mes concurrents. C’est peut-être là que s’est révélé ce que j’avais en moi depuis l’enfance. Cette créativité, cet instinct artistique, cet ADN qui me font utiliser la marque Valmont et ses produits comme un nouveau support, un vecteur pour communiquer autrement.
J’avais conçu il y a 6 ans, un petit livre intitulé « When Art Meets Beauty » où j’avais créé des esquisses tournées vers le produit mais qui suggéraient déjà cette communication basée sur l’art. Le marketing a repris alors mes esquisses pour faire la promotion de produits Valmont.
Puis en 2015, lorsque nous célébrons les 30 ans de la marque, les hôtels ainsi que les spas nous sollicitent pour trouver un axe différent de communication.
Je demande alors à 9 artistes de créer 9 petites œuvres d’art que nous allons exposer d’une manière éphémère dans le cadre d’une collection dans les hôtels (réception, spa, hall…).
A la suite de cet événement, nous prenons conscience que nous avons un terrain de jeu qui nous permet non seulement de faire de l’art mais également des affaires et de promouvoir des évènements sur un autre support en le faisant partager au public. Pourquoi n’irions pas plus loin en intégrant l’art au sein-même du Groupe Valmont par le biais d’une fondation.
Ce fut le point de départ qui a servi à sa création à Venise en 2015. L’idée de cette celle-ci fut aussi de damner le pion à toutes ces multinationales qui n’ont pas cette passion et cette sincérité qui nous animent pour créer un univers différent.
Une passion pour Venise ?
D.G. : Oui ! Passionné par Venise, participant à toutes les biennales, je rencontre la Comtesse Passy à San Tomas, non loin du Rialto, qui propose de me louer une partie de son palais du XVI, le Palazzo Tiepolo Passi, où nous exposons en premier sur le thème de « la Matière » (la céramique et le verre) représenté par Isao, un artiste catalan qui vient avec de très belles céramiques. Le grand- père était le céramiste de Miro et celui-ci avait un tel respect pour lui, qu’il l’autorisait à signer Miro & Artigas.
Puis la seconde exposition reprend le thème de « la Belle et la Bête » qui s’inspire du célèbre récit du conte éponyme et présente les œuvres de Jude Harvest ainsi que de Quentin Garel dans un cadre narratif évoquant le destin de l’humanité en 2017. C’est ainsi que l’idée me vient d’acheter notre propre espace d’exposition et je jette mon dévolu sur le Palazzo Bonvicini où je prends 3 étages avec une vue sublime.
Et qu’en est- il de votre collection Storie Veneziane ?
D.G. : C’est à cette époque que Sophie souhaite créer notre propre collection de parfums en partant d’une feuille blanche. A elle le jus, à moi le contenant. Une partition à quatre mains en fait.
Nous créons ainsi une série de six flacons parfumés qui représentent les 6 quartiers de Venise. Conçus comme des œuvres d’art, dans des flacons dorés et décorés d’un masque de verre, surmontés d’un capuchon en cuir, (une ode au savoir-faire de Venise), ils révèlent les multiples facettes de cette cité lacustre tour à tour, séductrice et énigmatique, légendaire et perpétuellement réinventée. Un conte sans cesse renouvelé qui inspire les sens et jette loin son dévolu sur l’imaginaire. Comme nous devons trouver un nom pour cette collection, à mes yeux c’est une évidence. Nous sommes à Venise et cela sera donc Storie Veneziane, lancée en 2018.
En 2015, vous créez donc la Fondation Valmont, dédiée à l’art contemporain. Puis en 2019 vous achetez le Palazzo Bonvicini (du moins 3 étages sur 4) Un décor sur-mesure pour présenter vos collections et celles à venir de tous ces artistes que vous connaissez ?
D.G. : Le point de départ de tout cela, c’est en effet Venise. Nous avons acquis un très bel espace au Palazzo Bonvicini pour y présenter des expositions lors des prochaines Biennale d’Art Contemporain et d’Architecture, en essayant humblement de nous faire une place au sein d’une ville ayant une programmation culturelle si riche, et dont les artistes viennent du monde entier. Ces expositions sont toujours collectives, je ne suis jamais seul à exposer. Ce qui me plaît, c’est cette notion d’atelier collectif avec des artistes que je réunis en Grèce (Hydra) dans un esprit un peu Montparnasse.
Et votre parfum Scarface, pourquoi ce nom ?
D.G. : Car j’adore ce film (sourire) !
J’ai voulu créer un jus différent, unisexe, identifiant, qui s’adresse à une nouvelle génération, avec un très beau flacon en verre de Murano, un petit tableau dessiné par moi et son masque que j’ai créé avec du Fimo. On le retrouve d’ailleurs partout ce masque (sourire) !
Il est devenu aussi iconique pour moi que la cage ou le gorille. Ils me nourrissent et je joue avec eux. Par ex le gorille se rhabille tous les deux ans en fonction de mes voyages (Maroc, Cap Town, la Tanzanie)
Scarface est donc une édition de 100 pièces numérotées qui sera présenté et vendu non pas sur un comptoir mais d’une manière différente.
Quels sont les mouvements ou artistes qui vous inspirent et vous interpellent ?
D.G. : Je suis très attiré par le minimalisme, l’aspect épuré, ayant été écrasé et presque étouffé durant mon enfance par tous ces tableaux s’accumulant partout, qui envahissaient notre espace intérieur.
J’aime l’époque des années 50, les expressionnistes abstraits comme Pollok, de Kooning, mais inaccessibles pour moi. Je me suis donc tourné vers le minimalisme américain comme Carl André.
Cela m’aide à simplifier le geste. Je cherche l’épure et le sens même du message.
Par ex, nous allons bientôt utiliser la croix suisse, qui est très simple et très épurée et que nous allons revisiter.
Y a-t-il toujours un message derrière vos expositions ?
D.G. : Les biennales d’art contemporain sont toujours des expositions conceptuelles. Elles sont éphémères. Mais bien entendu il faut toujours un message derrière.
Quel engagement avez-vous derrière toutes ces expositions ? C’est le philanthrope qui parle ?
D.G. : A mes yeux, il est essentiel et évident de réinvestir ce que l’on gagne et l’art permet les rencontres.
La philanthropie est essentielle dans la mission de l’entrepreneur. Il est important de pouvoir redistribuer une partie de ce que nous gagnons dans l’art. C’est donc un mouvement parfait qui nous permet d’accompagner les artistes ou des associations pouvant soutenir les talents ou les jeunes en devenir.
Nous aidons ainsi une association comme Publicolor qui accompagne des jeunes du Bronx.
Comment achetez-vous ? Par coup de cœur ?
D.G. : Non car ce n’est pas structurant. Je regarde plutôt la façon dont un artiste peut s’insérer dans notre programme et dans un groupe. J’acquière des œuvres en ayant un contact personnel avec l’artiste et cette relation est essentielle selon moi pour mieux décrypter et comprendre le travail. Cela me permet également d’étoffer ma propre pratique et mon expérience.
Quelle est votre définition de l’art ?
D.G. : Un seul endroit où l’on trouve de l’harmonie, de l’apaisement de la déconnection, de la sérénité. Ici nous ne sommes pas dans une approche esthétique.
Pour ma part, je ne peux pas dire par exemple ce qui est beau de ce qui ne l’est pas. La vue c’est aussi de l’art.
Parlez-moi de Maxence
D.G. : Mon fils de 23 ans, qui a fait des études de droit est dans la dimension conceptuelle et m’accompagne dans le choix des artistes, des tableaux pour la Fondation Valmont. J’ai besoin de son regard, de sa jeunesse, de sa vision. Je veux amener une composante différente en fait un médium, un nouveau support où l’image, le son, la musique, la vidéo seront réunis …
Il me rejoint dans la fondation et va en assumer la présidence l’année prochaine.
Celle-ci est très structurante avec des équipes dédiées. Cela va me permettre d’avoir du temps pour moi, de vivre autrement et par exemple de découvrir Venise différemment, car je vais y vivre !
A votre avis, comment le luxe peut-il se conjuguer avec l’art ? N’est-ce pas un peu antinomique ?
D.G. : L’art peut être un luxe, qui lui a une dimension matérielle. L’art a une dimension intellectuelle. S’asseoir dans un musée, regarder et avoir un dialogue, retrouver des sensations un rythme. L’art a une capacité extérieure si vous savez l’analyser, le regarder. Cela vous permet même de méditer.
Quels sont vos projets ?
D.G. : Nous avons déjà deux résidences à Verbier et Hydra, et nous allons en lancer 2 autres à Venise en 2022 et à Barcelone en 2023.
Ces résidences représentent la dernière étape de la maison Valmont permettant de regrouper le monde Valmont entre l’art et la cosmétique.
C’est un véritable univers où vous pouvez dormir bien entendu, avec majordome, restauration et où l’on vous concocte ce que vous voulez. Une véritable conciergerie de luxe.
Quel est le Luxe pour vous ?
D.G. : La capacité de se poser, c’est le temps, le moment donné, l’instant, le besoin de se retrouver.
Tout en conservant à l’esprit, les belles matières, les beaux endroits, tout ce qui touche aux sens. J’en ai besoin pour me nourrir et comprendre.
Fondation Valmont
Près de 300 oeuvres et près de 50 artistes
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