Le Cambodge s’ébroue. Ce pays au visage si doux mais à l’histoire rude semble vouloir se projeter dans l’avenir. Un peu partout, de nouveaux lieux apparaissent. Hôtels de rêve, bars et restaurants branchés, boutiques trendy… La jeune génération souhaite profiter du formidable bond en avant qui booste l’Asie.
Une ville agrandie
Prenez Siem Reap, la principale ville touristique, d’où partent toutes les excursions vers Angkor. La ville a grandi de façon spectaculaire en l’espace d’une décennie. Sous l’impulsion de la clientèle asiatique, désormais majoritaire alors qu’elle était inexistante il y a 20 ans (la part des seuls Chinois a encore augmenté de 30% sur la seule année 2016), Siem Reap semble avoir doublé de surface et ses rues sont désormais bruissantes d’une vie nouvelle. Des jeunes venus des quatre coins du monde s’activent à insuffler une énergie impressionnante à ses rues. On les croise notamment au restaurant Embassy, la table la plus chic de la ville, ouvert par le français Serge Billot.
Installé à l’étage d’une jolie maison sur Kings road, en plein coeur de la ville, ce restaurant a pour vedette deux fausses jumelles, dites les Kim Sans. Toutes deux ont fouillé dans les archives et pris des leçons auprès d’une cuisinière du roi, pour ressusciter la gastronomie cambodgienne. Désormais, les meilleurs chefs étoilés se bousculent pour découvrir leurs saveurs orientales inédites. La petite histoire raconte que pour le concours d’embauche, l’une des Kim Sans était venue de son village à vélo, portée par son frère.
A deux pas de là, dans le quartier Kandal, la rue Hup Guan Street réunit des petites enseignes d’un nouveau genre à l’image de Sirivan, un point de vente trendy lancé par un couple franco cambodgien. À coté du prêt à porter casual dessiné par Sirivan Chak Dumas – une ex élève de l’Atelier Chardon Savard à Paris- Loïc, son compagnon a créé Biniky Chic Nomad, un mini concept store axé sur la déco et la high tech qui réjouit les expatriés.
Le luxe s’impose
Eric Raisina, inaugure pour sa part un lieu d’une tout autre échelle. Couturier star au Cambodge, ce malgache formé à l’école Duperré et à l’Institut Français de la Mode a mené une carrière éclair qui l’a conduit notamment à travailler pour Yves Saint Laurent et pour le Centre de la soie. En 2004, il a lancé sa propre marque, en misant sur des modèles taillés dans des soies chatoyantes, parés de pétales cousus, ou tissés dans des chutes de fil. Ses créations originales ont fait mouche et il vient d’ouvrir à Siem Reap son quatrième point de vente, particulièrement somptueux.
Les Cambodgiens montent eux aussi des projets ambitieux. Soann Kann, un ancien du Sofitel, s’est ainsi imposé à 38 ans comme l’une des personnalités phares de Siem Reap. Ce jeune homme a pourtant démarré comme petit vendeur de marché. Il règne depuis un mois sur le plus grand spa indépendant du Cambodge. Le tout nouveau Sokkhak Spa Riverside occupe pas moins de 1000 m2, sur l’avenue Pokombo, une adresse ultra cotée face à la rivière. Pavé de carreaux en ciment noir et blanc, le spa joue sur les matières naturelles et les meubles en bois rare, des luminaires originaux et les sculptures khmères. Des banquettes oranges vif et des tableaux contemporains home made relèvent l’ensemble.
Passionné de massage, Soann Kann s’est personnellement investi dans la formation de son équipe, pour mettre au point un protocole de massages khmers tout en pressions fermes et précises sur les points shiatsu et les articulations. « Nous utilisons des produits frais, comme les masques à l’avocat, à la citrouille, ou les huiles coco et sésame, réalisés avec la production de fermiers locaux » explique le Cambodgien.
A coté du spa, a d’ailleurs ouvert un restaurant, le Chanrey Tree sans doute alimenté par les mêmes fermiers. Celui-ci ne désemplit pas. Là encore il a veillé personnellement à créer une carte raffinée et un décor trendy, avec des portraits de chanteurs rétro à l’entrée. Son énergie sans limite l’a enfin mené vers l’hôtellerie. Situé dans un quartier plus calme, à la périphérie de la ville, le Sokkhak Boutique Resort est un joli établissement de 12 chambres tout confort à la décoration affutée, construit autour d’une piscine tapissée d’ardoise, et bordée de végétation. Dans le lobby, un majestueux escalier entourée d’un mur brun arrondi semble se lover autour d’une sculpture doucement éclairée. Des sculptures en étain et en bois et des tableaux animent le restaurant, aux fenêtres encadrées de rideaux de velours violet. Les chambres offrent elles aussi un mixte subtil de touches contemporaines et de belles pièces en bois massif, à l’image de ces immenses têtes de lit en bois sculpté arrondi et des salles demain en granit. L’établissement offre par ailleurs une excellente table et un mini spa, fort appréciables après une journée d’excursion à Angkor.
Une histoire à découvrir
Mieux vaut viser un créneau calme pour jouir sereinement de la magie de ces ruines mythiques, prisonnières des racines. Au vu de l’afflux bruyant des groupes chinois, il devient urgent de visiter ces vestiges fabuleux. On les imagine immuables, mais pourtant même eux ont changé. À coté des célèbres temples du grand Bayon ou du Ta Phrom, on découvre désormais le temple de Baphuon. L’informe tas de pierre d’antan s’est mué en un temple majestueux dominant la jungle, sous l’impulsion de feu l’architecte conservateur Pascal Royère. Les vingt années de travail de cet homme remarquable, disparu à 48 ans, sont saluées par une stèle discrète. Pour apprécier Angkor, malgré la foule, mieux vaut désormais s’écarter vers les sites de la périphérie ( 200 monuments et 568 sites archéologiques) qui conservent encore tout leur charme.
Le visiteur en quête d’authenticité préférera rallier Battambang, l’étape suivante, par bateau plutôt que par la route. Depuis Soksan, il est possible d’embarquer vers le village flottant de l’ile de Prek Toal. Particulièrement vivant, ce hameau de 2200 familles de pêcheurs a maintenu une réelle vie sociale. On croise en barque les enfants en uniformes, ramant vers leur école. Les hommes pêchent ou élèvent des crocodiles et les femmes se retrouvent dans la petite coopérative de l’ONG Osmose, pour tresser de jolis objets en pailles.
Quelques heures supplémentaires de route ou de navigation sont nécessaires pour rejoindre Battambang. Cette tranquille bourgade, bien connue pour sa vie culturelle et artistique, a préservé en son coeur un quartier de maisons coloniales, à proximité du marché. Le spectacle de son école de cirque est un must : scènettes et acrobaties sont le prétexte pour commenter la vie locale avec humour. Mais le charme de la ville se retrouve davantage aux alentours immédiats. Des rickshaws vous proposeront obligeamment la visite des artisans locaux. On découvre ainsi le mode de fabrication de l’alcool de riz, dans une maisonnette aux effluves aguichantes, ou la fabrication de ces fines pâtes qui entourent les nems. Dans une modeste bicoque, quelques personnes s’activent à fabriquer pas moins de 2000 galettes par jours, qu’elles font sécher dans des treilles, le long de la route.
Temple et oasis de paix
A proximité de Battambang, le temple Ek Phnom réserve une intéressante surprise. Situé sur les rives d’un lac, à coté d’un Bouddha géant, ce temple discret recèle d’intéressantes sculptures qui mériteraient une restauration. Pour l’instant, enseveli sous les fleurs et les plantes, il conserve une magie surannée.
A Battambang, le meilleur oasis pour se ressourcer est Maisons Wat Kor. Récemment inauguré, ce très bel ensemble de maisons Khmers permet de goûter à une parenthèse enchantée dans un faubourg rupestre de la ville. Pour qui le découvre aujourd’hui, ces belles demeures regroupées autour d’un petit étang fleuri de nénuphars ressemblent à un hameau Khmer traditionnel, qui aurait traversé les ans et les révolutions. En réalité c’est le fruit d’un travail titanesque récemment entrepris par un couple de Cambodgiens, désireux de mieux faire découvrir son pays. Ils ont déplacé des tonnes de terre pour remodeler le paysage, créé un étang, planté un jardin luxuriant et fait construire ces belles maisons traditionnelles, à l’image d’une majestueuse maison ancienne que l’on peut visiter à deux pas de là.
Les trois vastes maisons en bois abritent deux à quatre chambres chacune aux volumes majestueux (jusqu’à 6m sous plafond) et aux détails soignés. Grands lits traditionnels en bois et têtes de lit, meubles anciens, soirées chatoyantes. De larges baies vitrées apportent la lumière et à l’extérieur, on peut profiter du soleil sur les banquettes parées de douillets coussins colorées. Il est aussi possible de s’allonger face à la piscine en pierre naturelle ou de se réfugier dans la salle de massage, au dessus de l’étang. La fée Socheat, masseuse de son état, y dispense des soins avisés.
Le soir les lampions en bambou rouges s’allument autour de l’étang et les lieux prennent un petit air de fête. On se retrouve face à l’étang, sur les sièges en bois de récupération, parés de coussins ventrus, créant une ambiance chill. Les repas se prennent dans une jolie pièce pavée de carreaux ciment, ouverte sur la nature. Pour une dizaine de euros, il est possible de déguster un délicieux menu maison. La maison Wat Kor propose aussi des instants plus festifs : apéritif au milieu des rizières ou dîner privé au milieu de l’étang.
« Si vous habitez ma maison, vous faites partie de ma famille » dit le proverbe cambodgien », que Sophia Huth, la directrice de l’hôtel semble avoir fait sien. Le personnel de la Maisons Wat Kor est aux petits soins pour les hôtes et mille détails font que chacun se sent chez soi. Ce fut visiblement l’avis d’Angelina Jolie et Bradd Pitt qui réservèrent tout l’hôtel pour y séjourner avec leur famille pendant dix jours. Instants magiques, dont le personnel conserve un souvenir émerveillé et attendri. Les stars acceptèrent une photo souvenir et couvrirent de cadeaux les enfants de voisinage en partant. Porté par son succès, l’établissement devrait bientôt grandir et s’améliorer encore.
Le chauffeur attend, il est temps de rallier Kep, une jolie ville de bord de mer, très prisée des habitants de Phnom Penh. Cette petite station balnéaire a toujours eu les faveurs de l’élite cambodgienne, pour le meilleur et pour le pire. Les dignitaires Khmers, qui avaient réquisitionné les belles maisons, en furent chassés à coup de bombardements laissant derrière eux un étrange paysage de ruines urbaines. Les cambodgiens les imaginant maudites, ils préfèrent les vendre – à prix d’or, ne rêvons pas – surtout lorsqu’elles sont signées Vann Molyvann, l’architecte star des sixties.
Less is more
Un belge philanthrope, Jef Moons, a jeté son dévolu en 2006 sur trois de ces maisons et en a fait la pierre angulaire du plus bel hôtel en bord de mer, le Knai Bang Chatt. Avec l’architecte française Françoise Lavielle, ils ont œuvré à une restauration tout en finesse des maisons et à la construction de villas d’un raffinement exquis, autour d’une piscine en pierre verte, encastrée dans la végétation et le bois. « Less is more » étant leur devise, ici ne dépasse aucune fioriture ni même aucun tableau. Quelques meubles anciens très choisis, et un équilibre parfait des proportions suffisent à dégager une sensation d’harmonie. Ce sont les matériaux qui parlent : murs peints de pigments naturels, carreaux ciment et bétons cirés savamment patinés, couleurs inspirées de la mer, des nuages et de la terre. Le signal « Do not disturb » est un simple caillou. Des plans d’eau à l’entrée des chambres et des détails d’orientation signalent l’esprit Feng Shui des lieux et à l’aube, un professeur de yoga vous attend sur le toit terrasse. Les plus courageux ont la possibilité de faire une cure de détoxication ou de yoga.
Dans le restaurant, les mets les plus raffinés sont servis au Strand restaurant sur une table en bois brut taillée dans un tronc de 18 mètres de long, face à la mer. Plus loin, au Sailing club, on dîne sur le ponton, léché par les vagues « C’est le luxe, pied nu », résume Jef Moons qui prépare un agrandissement de son royaume, avec la création d’un grand potager organique et un projet pilote de développent durable sur l’ île de Ko Karang, en face de l’hôtel. Il espère aussi, avec de nouvelles suites, aider une école à s’ autofinancer.
Le Knai Bang Chatt a obtenu le très coté label Green Growth 2050. Pour cela il a opté pour des produits d’entretien non chimiques et pour l’adoption d’aliments bio dans son restaurant et d’eau stérilisée dans des bouteilles en verre. En coulisse, le personnel (93 personnes pour seulement 18 chambres) bénéficie d’un traitement attentionné. Certains sont par ailleurs concernés par le l’association Hand in Hand créee par Jeff Moons pour aider les villageois voisins. Ainsi va ce pays, boosté de toute part par des projets entre libéralisme et philanthropie.
Préserver la culture locale
On retrouve cette démarche écologique dans certaines plantations de poivre, la grande spécialité locale. Dans la ferme de Champei, crée en 12011, les plantations luxuriantes semblent être là depuis toujours. Ici le poivre et les manguiers sont travaillés selon des normes bio. La visite de la plantation permet de découvrir comment se fabriquent les différentes variétés de poivre, puisque seuls leurs différents traitements expliquent les différences de couleur.
D’autres initiatives dans la région sont à saluer, telle cette petite fabrique de sacs recyclés crées par Iwa, la marque de Melissa Matteucci. Pour éviter de voir la campagne abîmée par les détritus, elle offre une prime à ceux qui lui rapportent des sacs usagés et elle fait tourner un petit atelier de sacs élégants.
Et puis il y a ceux qui ne veulent rien faire. Juste admirer la mer et se reposer à l’ombre. Pour eux la ville de Kep a prévu de grands auvents, face à la mer, sous lesquels sont suspendu des centaines de hamac qui se balancent au fil du vent… Une autre version du « less is more ».
Séjour et vols :
Terres de Charme, collection de voyages singuliers propose ce parcours de 14 jours / 11 nuit (base double) :
à partir de 3.375 € TTC / pers, vols inclus, avec :
– 4 nuits à Siem Reap + 2 nuits à Battambang + 2 nuits à Phnom Penh + 3 nuits à Kep dans les hôtels mentionnés, avec petits déjeuners
– Les déjeuners et dîners mentionnés dans le programme (hors boisson)
– Les transferts en véhicule privé avec chauffeur
– Des guides francophones locaux (sauf à Kep)
– Les visites et droits d’entrée sur les sites mentionnés au programme.
– Vols en éco Paris / Siem Reap // Phnom Penh / Paris via Hong Kong sur la Cathay Pacific.
La compagnie internationale de Hong Kong, propose 11 vols hebdomadaires via Hong Kong à des prix allant de 599 euros (éco) jusqu’a 1105 (Eco premium) et 2535 euros (Business). Les salons VIP de Hong Kong méritent une visite, depuis leur rénovation en 2016. The Pier, Première Classe figure désormais parmi les meilleurs salons du monde et le The Pier, Classe Affaires, tout de marbre blanc et noir revêtu, est devenu le plus grand salon de la compagnie avec ses divers bars culinaires. La compagnie s’est lancée aussi dans la création d’un parfum et de bières spéciales altitude, et d’un bande son « Sounds of travelling »
Renseignements et réservations :
Et aussi :
http://sokkhak-boutiqueresort.com/home/
http://www.maisonswatkor.com
http://www.knaibangchatt.com/
Texte par Cécile Sepulchre pour Plume Voyage Magazine. Photos par Frédéric Ducout copyright Frédéric Ducout
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