logo_blanc
Rechercher

Des murs et des livres, les Hôtels Littéraires revisitent nos classiques

© Hôtels Littéraires

Proust, Rimbaud, Flaubert, Stendhal… La collection des Hôtels Littéraires invite à parcourir le patrimoine culturel de nos grands auteurs. Une certaine clientèle ne se contente pas d’écumer les musées et dernières expositions, elle veut s’immerger dans l’univers de ces monuments de la littérature. A l’heure des Journées européennes du Patrimoine, on revisite certains classiques avec Jacques et Alban Letertre, père et fils, bibliophiles à la tête de la collection de ces boutiques hôtels qui étend sa toile.

 

Le patrimoine, c’est aussi l’héritage par les mots. Comment avez-vous pensé votre collection d’hôtels pour en faire des carrefours culturels à part entière ?

Jacques Letertre : Je suis un collectionneur depuis toujours, un bibliophile né. Une passion qui remonte à l’enfance. La Société des Hôtels Littéraires que j’ai créée en 2010 s’est donc assignée la mission de rendre la littérature française accessible à un plus large public en faisant du séjour hôtelier un voyage littéraire et artistique chez un auteur. Chaque Hôtel Littéraire offre une mise en scène sensorielle de la vie et de l’œuvre d’un grand écrivain dans son aménagement et sa décoration avec la présence de bibliothèques multilingues, d’éditions originales et de reliures d’art, de manuscrits, d’objets d’époque et de pièces d’art contemporain qui sont tous exposés dans les espaces communs.

L’hôtel Proust est une adresse à laquelle vous tenez particulièrement… Qu’est-ce qui rend cet auteur si universel en agrégeant de nombreux irréductibles ?

C’est définitivement mon écrivain préféré. Une passion qui s’est matérialisée en un hôtel dédié, Proust illustre parfaitement l’attachement que l’on peut avoir pour l’œuvre d’un homme de lettres. Vous savez, il y des associations de Proustiens dans le monde entier, des fanatiques. Ces ultras venus d’Asie, d’Amérique… n’envisagent pas un voyage en France sans séjourner dans notre établissement. Cette clientèle aime s’imprégner de l’univers de l’auteur, retrouver des amoureux de la plume proustienne. S’immerger dans un bain littéraire, écumer les musées, les expositions… Nos visiteurs aspirent à une expérience différente.

De mon vécu, je ne connais personne d’autre capable de générer autant d’enthousiasme, de passion. Et avant de nous lancer dans cette aventure, il nous a fallu avoir la confiance des milieux universitaires. J’ai lu trois fois La Recherche – écrit de 1906 à 1922 et publié de 1913 à 1927 en sept tomes – d’une lecture à l’autre, on ne saute jamais les mêmes passages. Si bien que même avec une lecture attentive, on redécouvre des pans entiers. Marcel Proust est résolument un génie, un monument de la littérature.

Marcel Proust c’est le choix du cœur, donc. Plus objectivement, sur quels critères choisissez-vous les auteurs inspirant vos hôtels ?

Le point de départ est de trouver le bon écrivain. Si on faisait un hôtel Châteaubriand, on pourrait le faire à Rennes, ce serait cohérent avec la vie du personnage. Alors pourquoi un auteur plutôt qu’un autre ? Indéniablement, il doit y avoir une appétence pour les écrits, je suis ainsi un grand admiratif de Proust, de Rimbaud. L’idée de consacrer une demeure à Zola ne me vient pas à l’esprit, contrairement à Flaubert par exemple. Au hasard, je peux aussi citer Anatole France : il n’y a pas une commune de France qui n’a pas sa rue baptisée du même nom, mais à ma connaissance, il n’y a toujours pas d’association à sa gloire. Ses livres ne se vendent pas autant qu’un Proust non plus. Ce sont des indicateurs très clairs.

Alban Letertre : Aujourd’hui, la liste d’attente des écrivains que nous avons envie d’explorer est longue. Notre appréciation se fonde aussi sur les attentes du public afin de demeurer objectif, en adéquation. Il y a cinq ans au salon du Livre Ancien, nous avions demandé aux participants leurs préférences s’ils devaient ouvrir un hôtel en hommage à une écrivaine. Ils ont classé Georges Sand et Colette ex aequo, puis Marguerite Yourcenar. Donc, on voit déjà ce qui plairait.

L’autre élément qui doit nous guider est de savoir si l’auteur est dans le domaine public, c’est-à-dire décédé depuis plus de 70 ans. Sinon, se pose la question des droits d’auteur à discuter avec les ayants-droits, et cela devient rapidement complexe. Outre la rémunération à reverser, les héritiers ont leur mot à dire sur tout. Certains se montrent très intrusifs en voulant interférer jusqu’au choix de la moquette et de la carte du petit-déjeuner…

Jacques Leterter : Enfin, cela prend du temps de constituer une belle collection dédiée à un auteur, on doit acquérir des manuscrits, des objets à valeur ajoutée, parfois personnels. Je fréquente les salles de vente depuis 50 ans… J’ai fini par accumuler une vraie mine d’or qui m’a permis d’esquisser ma collection des Hôtels Littéraires à Paris et en régions : Marcel Aymé, Arthur Rimbaud, Gustave Flaubert, Alexandre Vialatte, Stendhal et, bien sûr Marcel Proust.

Quoiqu’il en soit à horizon 2026, nous inaugurerons notre premier établissement voué à une auteure.

Des hôtels littéraires dans un monde où l’on lit moins, est-ce un pari gagnant ?

Jacques Letertre : Détrompez-vous ! L’année dernière, il n’y a jamais eu autant de nouveaux livres édités tandis qu’un nombre croissant de librairies essaiment un peu partout. Cette industrie culturelle se porte bien. Alors oui, personne à date n’est venu lire l’intégralité de La Recherche de Proust dans notre hôtel et y séjourner le temps qu’il faut (rires), toutefois il y a clairement une clientèle férue d’expériences et d’immersions. Si cela arrivait, croyez bien que je viendrai personnellement saluer ce visiteur iconoclaste et le récompenser…

Alban Letertre : Nous poursuivons notre développement pour répondre à la demande en France, une grande terre de culture et de patrimoine. L’année dernière, nous avons organisé près de 200 événements autour de la littérature et réuni un public local, international, des particuliers comme des entreprises ou institutionnels. De fait, nous nous réjouissons d’être des passeurs d’histoires et de contribuer à cette vitalité à notre niveau.

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC