Au cours de mon travail de coach de carrière et de leadership avec des dirigeants de tous niveaux, j’ai constaté que la grande majorité des défis de « leadership » ou de « carrière » auxquels mes clients sont confrontés ne sont pas liés à leur carrière ou à leur nature professionnelle. Ces leaders révèlent en réalité une myriade de difficultés dans leur façon de travailler, de diriger et de gérer, et le plus souvent, ces défis découlent d’une réticence ou d’une incapacité de ressentir pleinement et profondément les choses, et en partie de ne pas s’autoriser à connaître une certaine vulnérabilité. En conséquence, ils ne parviennent pas à gérer leurs sentiments de manière efficace et ces émotions les conduisent à prendre des décisions erronées, à brûler les étapes et à perdre des soutiens nécessaires. C’est ce qu’on appelle le courage émotionnel.
Pour en savoir davantage sur la façon dont nous pouvons tous entreprendre avec une forme de courage émotionnel, j’ai rencontré Peter Bregman. Bregman est un auteur à succès, un conseiller de confiance auprès de PDG et d’équipes de direction, ainsi que le PDG de Bregman Partners, une société qui aide les dirigeants à créer des responsabilités et à inspirer des actions collectives au travail. Il est notamment l’auteur du livre à succès 18 Minutes, et son nouveau livre, Leading with Emotional Courage, a récemment été publié.
Voici ce que partage Bregman au sujet du courage émotionnel :
Forbes. Qu’est-ce que le courage émotionnel ? En quoi est-ce important ?
Peter Bregman. Le courage émotionnel est la volonté de ressentir. Et c’est la force motrice de tout ce que nous accomplissons.
Voici un exemple très concret. Pensez à une conversation difficile que vous voulez avoir avec quelqu’un mais que vous n’avez pas provoquée. Maintenant, réfléchissez à la raison pour laquelle vous ne l’avez pas provoquée. Je parie que vous savez ce que vous voulez dire. Et que vous êtes assez habile pour avoir cette conversation. Et j’imagine que vous avez eu –ou auriez pu créer – des occasions de l’avoir. Alors pourquoi ne l’avez-vous pas eue ?
C’est là que le courage émotionnel entre en jeu. Il y a quelque chose que vous ne voulez pas ressentir. Peut-être que c’est la possibilité de conflit. Ou l’attitude défensive de l’autre. Ou leur colère. Ou votre propre colère et/ou votre attitude défensive. Je ne sais pas ce que vous pourriez ressentir – mais le risque de sentir cette chose vous arrête. Ça nous arrête tous. C’est pourquoi le courage émotionnel est si important quand quelque chose nous tient à cœur.
Si nous sommes prêts à tout ressentir, nous pouvons tout faire.
F. Les émotions sont souvent considérées taboues dans le milieu du travail. Êtes-vous en train de dire que les gens devraient être « émotifs » au travail ?
P.B. J’aime la façon dont vous posez cette question. Oui, dans un certain sens, je pense que nous devrions être « émotifs » au travail. Mais cela ne signifie pas que nous devrions exprimer toutes nos émotions. Cela ne veut pas dire que nous devrions être des rois et des reines du drame. Ce que je veux dire, c’est que nous devrions être prêts à ressentir toutes nos émotions.
Voici la vérité : Peu importe si vous voulez être émotif –vous êtes simplement émotif. Il est impossible de ne pas ressentir des centaines d’émotions différentes au cours d’une seule journée de travail. Essayez de passer trois minutes pendant la journée à ne rien ressentir. À tout moment, nous pouvons être heureux, frustré, en colère, jaloux, mélancolique, triste, effrayé, enthousiaste, ennuyé, inspiré, et bien plus encore. C’est simplement être humain. Quand nous essayons de faire taire ces émotions, c’est ici que nous devenons incertains, imprévisibles. Les émotions que nous ne voulons pas ressentir sont celles qui nous gênent, souvent de manière passive-agressive et insidieuse.
Donc, oui, je suggère que nous ressentions, surveillions et prêtions attention à nos émotions. Mais être en colère et exprimer notre colère sont deux choses différentes. Ressentez tout. Et puis soyez stratégique et malin à propos de ce que vous exprimez et comment vous l’exprimez, afin d’obtenir les résultats que vous voulez.
F. Vous évoquez trois autres éléments critiques afin d’être un bon leader. Pouvez-vous nous en dire plus ?
P.B. Les grands leaders ont confiance en eux, entretiennent des relations avec les autres et sont dévoués à un but plus large –et tout ça en même temps.
J’utilise le terme « leadership » au sens large. Je ne parle pas simplement des gens qui sont des leaders dans de grandes entreprises ou des personnes qui dirigent des équipes. Quiconque veut avancer dans sa vie, qui veut réaliser quelque chose qui lui tient à cœur, gagnerait à développer en maîtrise dans ces trois éléments (et, bien sûr, le quatrième: le courage émotionnel).
Avoir confiance en soi ne signifie pas être arrogant. La confiance consiste à être ancré. Se connaître soi-même et être prêt à être différent des autres, si c’est ce que vous êtes. Les personnes confiantes ne sont peu ou pas critiquées. Lorsque vous êtes confiant, vous pouvez « ne pas savoir » les choses et cela n’entache pas l’image que vous avez de vous-même. Les gens confiants sont curieux, ouverts et stables.
Être connecté aux autres signifie que vous êtes à la fois confiant et digne de confiance. Vous pouvez être fiable et vous êtes prêt à compter sur les autres. Vous écoutez et vous vous souciez vraiment des gens autour de vous. Et les autres le savent et diraient que vous vous souciez d’eux, même s’ils ne sont pas d’accord avec vous. C’est une compétence importante.
Être dévoué à un but plus large signifie que vous travaillez vers quelque chose de plus grand que vous et les personnes avec qui vous travaillez. Quelque chose qui vous tient à cœur ne consiste pas simplement à faire de l’autogestion ou à plaire aux autres –quelque chose qui vous rassemble tous et où vous pouvez travailler ensemble. Votre but est votre objectif ; vous devez être prêt à dire non aux distractions afin d’atteindre votre but.
Voici ce qui est important : les grands leaders regroupent ces trois compétences, en même temps. La confiance en soi sans connexion avec les autres signifie que vous êtes personnellement impliqué et que vous perdez la loyauté et le soutien de ceux qui vous entourent. La connexion avec d’autres sans confiance en vous signifie que vous ferez n’importe quoi pour plaire aux autres et que c’est un merveilleux moyen pour vous épuiser professionnellement et vous faire vous sentir impuissant. Se dévouer à un but sans avoir confiance en vous et sans relation avec les autres signifie que vous allez vous perdre, et tout le monde autour de vous dans le processus.
Et être confiant, connecté et engagé, simultanément, exige un énorme courage émotionnel. Ces quatre éléments sont les ingrédients d’un leadership exceptionnel.
F. Mais comment développer sa confiance en soi ?
P.B. Ce qui est intéressant à propos du développement de la confiance en soi, c’est que vous devez commencer avec une certaine dose de confiance afin d’en construire davantage.
Et la bonne nouvelle est que, peu importe si vous manquez de confiance en vous, il y a toujours des domaines où vous avez déjà un peu de confiance. La première étape est donc de reconnaître là où vous êtes déjà indépendant et compétent. Dans quelles situations, avec quelles personnes, vous sentez vous « assez » ?
La meilleure manière de reconnaître ces domaines est d’identifier là où vous êtes assez à l’aise pour être vous-même. Cela peut vous sembler insignifiant, comme manger quelque chose de différent que les personnes qui vous accompagnent, par exemple. Si vous êtes capables de faire des choix différents de votre entourage, c’est que vous avez déjà un peu confiance en vous.
En vous rendant compte de cela, vous pourrez alors appliquer cette confiance à d’autres domaines de votre vie.
F. Qu’en est-il de la connexion aux autres ?
P.B. Une de mes façons préférées de communiquer avec les autres est de leur dire à quel point je les apprécie. Si vous voulez commencer, essayez ceci: dressez la liste de trois personnes –un proche, un collègue, et une connaissance plus éloignée (personnelle ou professionnelle). Identifiez une chose que vous appréciez à propos de chacun d’eux et pensez à un exemple spécifique que vous pouvez articuler. Puis, à l’improviste, faites-leur savoir. Vous pouvez le faire en personne, au téléphone, dans un mail ou dans une lettre écrite. Ne demandez rien en retour et ne le faites pas dans le cadre d’une conversation plus large qui pourrait inclure d’autres types de commentaires. Juste leur tendre la main, leur faire savoir que vous les appréciez, et leur expliquez pourquoi –puis les remercier.
F. Et qu’en est-il de l’engagement lié à un objectif et de son importance ?
P.B. La première étape dans l’engagement autour d’un but est d’avoir une idée claire de ce que vous aimez le plus. Quel est le résultat que vous voulez atteindre dans les mois à venir ? C’est ce que j’appelle la Big Arrow.
Votre Big Arrow pourrait faire partie d’une stratégie de vie sur le long terme, mais ce n’est pas obligatoire. Considérez quel petit nombre de choses fera la plus grande différence pour avancer sur ce qui vous intéresse le plus. Une fois que vous connaissez votre Big Arrow, vous pouvez faire les choix nécessaires afin de concentrer votre énergie et votre temps, et ne pas vous éparpiller. Votre Big Arrow est également d’une importance cruciale en tant que guide pour ceux qui vous entourent –ceux que vous voulez inspirer pour faire avancer votre projet, et ceux qui vous soutiennent.
F. Puisque le courage émotionnel regroupe tous ces éléments, comment peut-on le développer ? Par où commencer ?
P.B. Faites tout ce que j’ai mentionné ci-dessus. Surtout si cela vous semble risqué. Le courage émotionnel se construit lorsque vous prenez des risques, qui vous font ressentir des choses. Quand cela arrive, allez très lentement et prenez le temps de ressentir tout ce que vous ressentez, puis agissez pendant que vous ressentez ces choses. La plupart des gens essaient d’arrêter de se sentir effrayés, par exemple, avant de faire quelque chose d’effrayant. Mais cela ne construit pas votre courage émotionnel. Se sentir effrayé est bien ! Et c’est parfaitement naturel.
Si vous pouvez agir avec audace tout en ayant peur, rien ne pourra plus vous arrêter.
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