Il n’aura fallu que quatre livres à l’écrivaine algérienne Kaouther Adimi pour rejoindre le club des romancières trentenaires les plus scrutées. Son dernier né, « Les Petits de Décembre », éditions Seuil, nous donne des nouvelles de la mobilisation algérienne à travers d’héroïques écoliers qui s’opposent aux caprices de généraux voulant bâtir des villas résidentielles dans « leur terrain de foot ». Comme un roman prémonitoire inspiré d’un fait divers daté de 2016, l’écrivaine nous dessine une Algérie résolument audacieuse. Entre sa scène intellectuelle qui s’exporte, ses succès sportifs ou son écosystème entrepreneurial dynamique, la caste politique se retrouve dépassée par cette Algérie 2.0. Humour, efficacité et poétique, l’ouvrage tient ses promesses.
Racontez-nous la genèse de ce livre. L’inspiration a-t-elle émergé en réaction à l’actualité algérienne, ou l’intrigue était-elle déjà dans « un coin de votre tête » ?
Kaouther Adimi : Mon roman a été écrit avant le début du Hirak (mobilisation citoyenne, NDLR). En février 2016, alors que j’étais à Alger, j’appris qu’une bagarre avait eu lieu entre des jeunes habitants de la commune du 11 décembre à Dely-Brahim, localité située à l’ouest d’Alger, et des hauts officiers. Ces derniers avaient acheté le terrain de football du quartier et comptaient y construire des maisons résidentielles. En écho à cet événement, j’ai imaginé une histoire, une révolte menée par trois personnages, deux garçons, Jamyl et Mahdi et une fille, Inès.
« J’ai construit ce roman comme un match de foot ». Eclairez-nous sur votre cheminement. Quel(s) symbole(s) attachez-vous notamment à ce sport ?
K.A : Il y a quelques années, j’avais écrit une nouvelle pour mes éditeurs algériens, ‘Barzakh’, dans le cadre d’un recueil autour du thème « Alger, quand la ville dort ». Je parlais déjà du football en évoquant le match Algérie-Egypte de 2009 pour les qualifications à la Coupe du monde. Dans ‘Nos Richesses’, je « croquais » une scène qui se passait dans un café lors d’un match Algérie-France. Alors pourquoi le football ? Parce qu’il est un sport qui déchaîne les passions – l’Algérie n’étant pas épargnée – et, parce qu’il peut être un sujet très politique, qui m’intéresse comme sujet d’écriture. Il suffit de s’intéresser à la manière dont l’équipe de football algérienne a été créée pour comprendre son importance dans l’Histoire et la culture algériennes.
Le livre met en scène des protagonistes dans un jeu de rôle déséquilibré : de candides écoliers face à de puissants généraux. David contre Goliath. Avec l’héroïsme en filigrane. Portez-vous un message d’espoir ou êtes-vous conteuse d’une Algérie en sursaut ?
K.A : C’est l’histoire du pot de fer contre le pot de terre mais le pot de fer est vide, il est creux, plus fragile qu’il n’en a l’air, dénaturé… Et le pot de terre, lui, est plus fort qu’il ne l’imagine, coloré et joyeux, rempli d’espoir et d’enthousiasme. C’est vrai que les généraux dans le roman sont très puissants mais contre les enfants, ces « petits », ils se retrouvent démunis. Leurs méthodes ne sont pas adaptées à des « ennemis » de cet âge.
Le monde regarde l’Algérie depuis la mobilisation citoyenne ayant pacifiquement abouti à faire reculer les gouvernants. D’une ampleur inédite, le mouvement ne faiblit pas. Comment voyez-vous l’Algérie de demain ?
K.A : L’Algérie de demain, moi, je la résumerais avec une caricature d’Ali Dilem (l’un des plus célèbres illustrateurs de presse en Algérie aux traits de crayon redoutables, NDLR) datée du 1er octobre. Soit un pays de super-héros.
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