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Cinecittà – Le Cinéma Italien Aujourd’hui : Art ou Business ?

« La cinématographie est l’arme la plus forte ». La sentence, de Benito Mussolini raisonne encore dans les murs de Cinecittà. 3 000 films tournés dont 51 oscarisés. Un palmarès extraordinaire pour l’Hollywood du Tibre. A l’heure où les relations franco-italiennes sont tendues, retour pour le magazine Forbes avec Roberto Cicutto, le président et CEO de Cinecittà à Rome.

Roberto Cicutto – L’homme aux 400 Films

Producteur à succès, Roberto Cicutto est président depuis 2009 d’un monument italien créé par Mussolini : Cinecittà. « L’institution a fait naitre les plus grands films italiens avec Fellini ou encore Pasolini. De Ben Hur à l’incontournable Dolce Vita, l’imaginaire de la Cinecittà est foisonnant » souligne Mathilde Aubinaud. Aujourd’hui des superproductions côtoient des films intimistes voire artisanaux. L’art y a toute sa place par sa photographie, ses décors ou son scénario. Le président a produit ou distribué plus de 400 films… un homme au 6ème sens pour le 7ème Art. « Un jour, on m’a proposé un scenario intéressant, mais je ne connaissais pas les réalisateurs. The Full Monty – et j’ai dit non à un des plus grands succès commerciaux. » Un impresario qui sait aussi rester humble. Pendant des années, il a voulu porter à l’écran le livre de l’autrichien Joseph Roth, La légende du Saint Buveur qu’il a produit. L’œuvre sera récompensée par un Lion d’or en 1988. « C’est l’histoire de ma vie ».

Roberto Cicutto à Cinecittà

Qu’est-ce qu’un bon film ?

« C’est quand je tombe amoureux ». Innamoramento. Un entichement proprement italien.

Hier : Néo-Réalisme italien et Nouvelle Vague française

Quelle relations cinématographiques entre les nos deux pays? “Des relations très fortes” explique le président dans un français parfait. « Cet attachement est aussi le fruit des liens entre littérature – Stendhal, Chateaubriand – et le cinéma – Chabrol, Truffaut ». D’après le Centre national du Cinéma et de l’image animée (CNC), dirigé par Frederique Bredin, il y aurait près de 200 millions d’entrées en 2018 en France contre seulement 79 millions pour le pays de Fellini. Mais le président ne manque pas pour autant d’ambition pour son institution. Il entend transformer Cinecittà en un hub, un point nodal pour les prochaines aventures de la famille du cinéma italien. En 2015, la ville éternelle est aussi devenue ville créative du film de l’UNESCO. Et en 2018, Cinecittà a notamment accueilli dans ses studios la célèbre série Le nom de la rose, réalisée par Giacomo Battiato. Une série visible sur OCS sur les ondes françaises. Avec un plan d’investissement d’environ 26 millions d’euro et plus de 250 salariés « nos studios continuent d’être la destination de choix pour certaines des productions les plus importantes au monde ». Aujourd’hui, Cinecittà accueille tous ceux qui veulent tourner dans ses murs, encore mieux s’il s’agit de films conçus pour durer !

Logo de l’Institution italienne

Aujourd’hui : l’art italien contre le mercantilisme américain

Le 7ème art est-il régi par les lois du marché ? Un excellent film est-il un film lucratif ? La rentabilité est-elle devenue un signe de beauté ? Deux visions s’opposent des deux côtés de l’Atlantique. En témoigne la pratique des Sneak Previews aux Etats-Unis pour tester un film. Avant toute sortie grand public, le film est projeté dans quelques villes outre-Atlantique. Si le film ne plaît pas, il ne sortira pas. Une pratique qui n’est pas développée dans la culture du cinéma européen. « Aux Etats-unis, c’est une industrie, un business et pas un art ». Le président ne partage pas la vision bien souvent mercantile qui tend à faire autorité aux Etats-Unis. « Le cinéma est devenu un objet de consommation, et non un choix !» déplore Robert Cicutto. Une remarque qui ressemble étrangement à la prophétie d’Hannah Arendt dans la Crise de la culture : « un objet est culturel selon la durée de sa permanence ; son caractère durable est l’exact opposé du caractère fonctionnel propre aux objets de loisir. » Heureusement, les œuvres de Cinecittà gardent leur plus importante et leur plus fondamentale qualité : ravir et émouvoir le spectateur à travers les âges. C’est donc par la cause finale qu’un film italien diffère d’un film américain. Un film italien veut durer et ne pas être consommé.

 

Décors de Cinecittà

Fin de partie pour le cinéma italien ? – La Réforme Actuelle

Parfum de crise dans l’institution de Fellini. Une crise financière d’abord. Roberto Cicutto a su réagir en faisant revenir du capital public dans l’institution – Cinecittà Studios est devenue ainsi partie intégrante de l’Istituto Luce Cinecittà – un organisme public. Une crise du spectateur ensuite. L’Italie aurait perdu la culture de la salle. Roberto Cicutto souligne l’importance de sensibiliser les jeunes publics à la fréquentation du cinéma. Il déplore ainsi que personne ne forme le public en Italie. Le président du prestigieux centre veut aussi réouvrir les laboratoires pour travailler sur les négatifs. Il a aussi mis en place une stratégie de diversification des activités. Aujourd’hui, nous ne créons pas que des décors pour des productions cinématographiques : des marques de renommée mondiale telles que Chanel et Victoria’s Secret ont utilisé nos services de construction de décors pour leurs événements et leurs publicités. Un pôle important pour la production de jeux vidéo – jeux appliqués – est en train de naître. Une gouvernance de l’institution donc par l’intérêt général et la promotion d’une éducation cinématographique, Roberto Cicutto serait-il l’Emile italien du 7ème Art ?

Le cinéma italien n’est plus une arme du politique mais est partie intégrante de sa culture et même de son histoire. Son gouvernement en a pris conscience comme en témoigne le récent sauvetage de l’institution. Mais c’est aussi ce même gouvernement qui signe avec la Chine la nouvelle route de la soie. Au même moment, dans la province du Shandong, une Cinecittà made in China a vu le jour. Mais l’échelle est différente. Grande comme 500 terrains de football, ceux ne sont pas moins de cinquante milliards de yuans (6,5 milliards d’euros) qui ont été dépensés pour construire ce complexe situé dans la ville costale de Qingdao. De quoi imaginer ce qui arrivera bientôt dans nos salles…

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