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Chiara Ferragni et le fléau de l’hypocrisie sur les réseaux sociaux

Chiara Ferragni
Paris, France, 26 septembre 2023 - Chiara Ferragni participe au photocall Lancome X Louvre dans le cadre de a Fashion Week. | Source : Getty Images

L’affaire dans laquelle Chiara Ferragni s’est récemment empêtrée révèle l’une des faces sombres des réseaux sociaux, et des relations sociales en général : l’hypocrise.

Article d’Anna Zanardi Cappon pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

Le « pandoro-gate » 

Ces derniers mois, l’Italie s’est engagée (parfois assez violemment) dans le destin de l’influenceuse la plus célèbre et la mieux payée qui soit : Chiara Ferragni. Avec 29 millions d’abonnés et un chiffre d’affaires qui avoisine probablement les 30 millions d’euros par an (bien que les sommes, réelles ou déclarées, ne soient pas exactement claires), Chiara Ferragni a été rattrapée par une affaire anodine sur fond d’œuvre de charité. Un « pandoro-gate » (l’affaire concerne les bénéfices tirés de la vente d’une génoise italienne typique, appelée pandoro, dont Chiara Ferragni a fait la publicité) qui a également été très mal géré en termes de communication : la vidéo d’excuses, montrant l’influenceuse d’une humeur inhabituellement réservée alors qu’elle aurait dû s’excuser, s’est retournée contre elle. Révélant, qui plus est, ce qui semble être une faiblesse intrinsèque à son petit empire médiatique, à savoir le manque de conseillers de confiance, tant au niveau juridique qu’au niveau de la communication. Il ne fait aucun doute que la femme d’affaires-influenceuse a commis des erreurs, et des erreurs graves. Ses publications concernant le pandoro ont encouragé de nombreux acheteurs en suggérant que l’augmentation des achats entraînerait une augmentation des dons pour la recherche sur deux types de tumeurs à l’hôpital Santa Margherita de Turin. Une fausse affirmation puisque l’entreprise qui fabrique le gâteau avait déjà fait don d’une somme fixe à l’hôpital. Et la vidéo d’excuses, avec la promesse de payer un million d’euros de sa poche, n’a pas permis de réparer les dégâts.

Une affaire bien déplorable, mais qui correspond au mécanisme même qui a fait de Chiara Ferragni ce qu’elle est aujourd’hui : ces 29 millions d’abonnés qui, il y a peu, ne manquaient jamais de cliquer sur un like sur toutes ses publications, exprimant leur adoration, en temps réel, pour les enfants de l’influenceuse, immortalisés et montrés au public dans toutes sortes de situations. Des abonnés qui auraient probablement aimé posséder les vêtements de marque, l’immense dressing rempli de chaussures et la nouvelle maison de Chiara Ferragni, montrée dans les moindres détails. Ces abonnés qui ont tout à coup décidé que tout cela était inopportun, scandaleux, offensant pour ceux qui ne peuvent pas se le permettre et, par conséquent, se transformer en accusateurs intransigeants, en moralistes utilisant des épithètes inusables, en pourfendeurs de coutumes en continu. Il n’y a rien de mieux pour alimenter l’assaut médiatique qui plaît tant au public, parce qu’il chatouille ses plus bas instincts, qu’il lui permet de diriger ses envies et ses frustrations vers une cible commune, tout en se donnant le sentiment d’appartenir à un groupe et, de ce fait, d’être détenteur d’une vérité absolue.

 

L’hypocrisie des réseaux sociaux et des relations sociales

Bien sûr, il s’agit là de mécanismes typiques du réseau social : ce qui vous mène au sommet de l’appréciation peut, tout aussi rapidement, déterminer votre chute. Cependant, ce qui frappe surtout, c’est l’énorme hypocrisie dans laquelle on vit chaque jour. En d’autres termes, Chiara Ferragni est Chiara Ferragni parce qu’elle a fait hier des choses qui scandalisent le public. Son petit empire vient du fait que des entreprises l’ont payée pour faire de la publicité pour leurs produits, avec la certitude que 29 millions de personnes allaient voir ces publicités. Toutes ont profité de sa notoriété, y compris de grandes marques comme Tod’s, qui ont vu leurs actions s’envoler dès qu’elles ont annoncé sa présence au sein de leur conseil d’administration. Tous les grands médias de l’époque ont accueilli la nouvelle avec enthousiasme, mais ce n’est que maintenant qu’ils écrivent que Chiara Ferragni se présente rarement aux réunions du conseil d’administration. Aujourd’hui, certaines des marques auxquelles elle était liée lui ont tourné le dos, une partie de ses fans l’ont abandonnée (en fait, un nombre relativement faible, peut-être parce que leur voyeurisme adorateur s’est transformé en curiosité morbide de voir la chute d’une idole), et beaucoup la critiquent pour avoir fait ce qu’elle a toujours fait : sourire et s’exhiber.

Pourtant, le public a créé Chirara Ferragni. C’est le public qui a acheté des pandoro non pas parce qu’on lui promettait la charité, mais parce que cela leur donnait l’impression d’être cool. Cette hypocrisie énervante, un des grands fléaux des relations sociales, est tellement ancrée dans la culture occidentale qu’il semble irréversible. Et pourtant, il existe un antidote abordable, mais précieux : un peu de dignité humaine, qui permet à tout à chacun, au moment de rendre son dernier souffle, d’être fier de sa franchise, plutôt que des banalités prononcées pour masquer son piètre jeu d’apparences. Il faut un grand respect de soi pour accepter de vivre, et pas seulement de survivre, ce qui implique une notion de dignité rarement exercée aujourd’hui. Pour cette raison, les réseaux sociaux sont souvent une mécanique infernale : ils rendent tout le monde, entraînant le public vers un flux de masse inconditionnel et réactif. La dignité est aussi un fait de conscience de soi qui prend du temps. Il est temps d’en prendre pleinement conscience.

 


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