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Château De Chantilly : Le Mystère Du Diamant Rose Et De La Joconde Nue

Cette demeure préservée abrite des trésors intacts d’un prince du XIXe siècle, Henri d’Orléans, duc d’Aumale, fils du roi des Français Louis-Philippe Ier. Le cours de son destin ayant été changé en 1848, le prince consacra sa vie à constituer une collection d’œuvres d’art exceptionnelle pour la France.   Rencontre avec Madame Nicole Garnier-Pelle, Conservateur Général du Patrimoine chargée du Musée Condé au Château de Chantilly

 

Quelle est la singularité du Château de Chantilly ?

Chantilly est un musée légué à la France par un grand collectionneur et un historien. Héritier de la famille Bourbon-Condé d’une immense fortune et du domaine de Chantilly, le duc d’Aumale (1822-1897) a constitué la 2ème collection de peintures anciennes en France après le musée du Louvre selon Pierre Rosenberg.  

Mottez. Le Duc d’Aumale

La vie du prince est bouleversée par la chute de son père le roi Louis-Philippe Ier lors de la révolution de 1848 qui a abolit la monarchie. A l’âge de 30 ans, Aumale doit s’exiler à Londres pendant plus de 20 ans. Contraint à l’inactivité, le duc va enrichir sa collection.

Il va collecter les œuvres dispersées ayant appartenu aux membres de sa famille et acheter les trésors de l’art français qui ont été transférés hors de France. Le duc a fait l’acquisition à Londres en 1854 du tableau Le Massacre des Innocents de Nicolas Poussin qui inspira notamment Le Charnier de Pablo Picasso.  Le plus beau manuscrit du monde Les Très Riches Heures du duc de Berry datant vers 1410 a été trouvé par Aumale en Italie en 1856. Plus de mille neuf cents photographies dont Les Marines de Gustave Le Gray, des dessins majeurs et des objets d’art de toute nature complètent cette exceptionnelle collection.

Gustave LE GRAY – Le brick au clair de lune, 1856 – Photographie. Chantilly, musée Condé (C) RMN-Grand Palais (domaine de Chantilly)

 

Durant ses 23 ans d’exil, sa devise a été « j’attendrai » mon retour en France.

Le château avait été détruit aux deux tiers après la Révolution française en 1798. Aumale l’a en partie reconstruit et réaménagé lors de son retour à Chantilly en 1871 en tenant compte de l’histoire de sa famille des princes de Condé. Des galeries spécifiques ont été prévues afin d’y exposer ses précieuses collections. C’est le comble du luxe.  Une Rotonde présente les chefs-d’œuvre de la Renaissance italienne, dont la Simonetta Vespucci de Piero di Cosimo. La salle du Santuario est conçue comme un écrin présentant notamment deux œuvres de Raphaël Les Trois Grâces et La Madone de la maison d’Orléans. Il a fait aménager un Cabinet des Livres afin d’y abriter ses 13 000 ouvrages dont 1600 manuscrits précieux.

Les jardins à la française commandés par le Grand Condé et dessinés par André Le Nôtre au XVIIème siècle ont été réaménagés. Le Hameau, antérieur au Hameau de la Reine Marie-Antoinette à Trianon, a été restauré dans le jardin anglo-chinois.

Mais à son retour à Chantilly, le jeune prince est veuf et a également perdu tous ses enfants.

Ses collections accrochées à Chantilly vont devenir son héritage, l’histoire de sa vie, l’arbre généalogique de sa famille, son œuvre qu’il veut protéger des avatars de l’actualité.

Sans descendants directs, il lègue en 1886 le domaine de Chantilly à l’Institut de France. Son testament mentionne qu’à sa mort le musée Condé doit être ouvert au public : le château, les précieuses collections et le parc de 115 hectares. La présentation des chefs d’œuvre dans le château doit être préservée. Les collections ne peuvent pas être prêtées. Conformément à son souhait, le château apparaît ainsi tel qu’il était au XIXe siècle. En entrant dans la demeure princière, on s’attend à ce que le donateur vienne nous accueillir.

Le château de Chantilly (c) Jérôme Houyvet

 

Quel est le mystère du diamant rose ?

Il aurait été offert par Louis XIV à son cousin Louis II de Bourbon, prince de Condé dit “le Grand Condé” en remerciement pour son importante victoire lors de la bataille de Rocroi en 1643. Des traces écrites du diamant rose ont été retrouvées dans les archives du Château de Chantilly lors de l’inventaire réalisé en 1740 après le décès du Duc de Bourbon.

Louis II de Bourbon (1621-1686), dit le Grand Condé, devant une évocation de la bataille de Rocroi
d’après Van Egmont Justus (1601-1674) (C) RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

Ce diamant a son identité propre. Il a une irrégularité d’origine sur un côté de la pierre de couleur rose. Transmis de prince de Condé en prince de Condé, il va survivre à la Révolution en voyageant dans toute l’Europe sous la protection de l’armée contre-républicaine des Condé. Le duc d’Aumale va en hériter avec le domaine de Chantilly. Il n’a jamais été exposé au public depuis 1926.

Le diamant rose. Chantilly, musée Condé (c) RMN-Grand Palais (domaine de Chantilly) (c)  Michel Urtado

 

Quel est le résultat des analyses scientifiques de la Joconde Nue faites par le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) ?

Le duc, exilé à Londres, a besoin de recourir aux bons offices de ses amis pour effectuer ses achats en France. Il accorde une grande confiance au baron Henry de Triqueti qui lui a présenté le grand dessin au charbon de bois de la Joconde Nue, dite Mona Vanna, comme une œuvre de Léonard de Vinci. Elle a presque la même pose que la célèbre Joconde du Musée du Louvre. Le nu représente la beauté idéale dans la Grèce antique. Son propriétaire souhaite le vendre au Louvre mais le musée n’a pas le budget. Aumale en fera l’acquisition en 1862. La maison Chenue va transporter le dessin de la France vers l’Angleterre.

La Joconde Nue. Chantilly, musée Condé (c) RMN Grand Palais (domaine de Chantilly) Michel Urtado

En s’installant à nouveau dans son château de Chantilly en 1875, le duc a placé la Joconde Nue dans la Rotonde située dans l’axe de la Galerie de Peinture. Pour des raisons de conservation, le dessin sera décroché après son décès et placé dans les réserves au Musée Condé.

A l’occasion du 500e anniversaire de la mort du génie de la Renaissance, le musée a fait examiner ce dessin pour la première fois en 2017 par le C2RMF dont les ateliers sont situés sous le Musée du Louvre.

Après deux années de recherche, les scientifiques et les historiens d’art ont prouvé que ce dessin n’est pas une copie mais une œuvre originale réalisée dans l’atelier de Léonard de Vinci avec la probable participation du grand maître vers 1503. Ce dessin aurait été pensé avec « La Joconde en tête ». Les analyses ont prouvé que ce carton « préparatoire », destiné à reporter la composition sur un tableau par une technique de piquage, a été utilisé par les élèves de Léonard de Vinci pour différents tableaux peints à l’huile. Huit versions ont été identifiées dont un tableau est conservé au musée de l’Ermitage à Saint Pétersbourg.

La Joconde Nue (c) The State Hermitage Museum, 2018

Présentez-nous les appartements privés du duc et de la duchesse d’Aumale

Les appartements privés du duc et de la duchesse d’Aumale furent décorés en 1845-1846 par Eugène Lami selon le style des arts décoratifs de la Monarchie de Juillet (1830-1848). Ils sont les seuls appartements princiers à être parvenus jusqu’à nous.

Chambre de la Duchesse d’Aumale (c) Sophie Lloyd

Jusqu’à fin février 2017, ils sont restés dans l’état où ils avaient été laissés à la mort du duc d’Aumale. Après une restauration spectaculaire qui a duré deux années et un investissement de plus de 2,5 millions d’euros, les appartements ont ré-ouvert leurs portes en mars 2019.

Le décor est éclectique. Il évoque les différentes périodes du Château. L’appartement de la duchesse est dédié au XVIIIème siècle, la chambre du duc rend hommage à la famille Condé, la salle à manger met en avant Henri II et le connétable de Montmorency. 

Salon de Guise (détail) et Salon violet (c) Sophie Lloyd

 

Quel était le style de vie du Duc d’Aumale ?

La Galerie des Cerfs a été aménagée dans le château à la fin du XIXe siècle.  Cette salle de style Renaissance, avec son plafond à caissons, faisait office de salle à manger de réception. C’est là que le duc d’Aumale accueillait le dimanche toute l’élite artistique et intellectuelle de son temps.

La Galerie des Cerfs (c) Luc Castel / Friends of the Domaine de Chantilly

Son déjeuner dominical était devenu l’un des rendez-vous les plus élégants et les plus en vue de la haute société parisienne. Le duc charmait ses invités avec ses conversations sur ses collections, son château et l’histoire des princes de Condé. « Nous autres, nous parlons mais lui il cause » disait Ernest Renan, son confrère de l’académie française.  Il est heureux de pouvoir faire admirer son « œuvre ».

Après le repas commençait la visite de ses trésors et des grands appartements historiques. Il faisait découvrir ses collections de tableaux exposés dans sa Galerie de Peintures et ses manuscrits, ses ouvrages précieux et ses dessins dans le Cabinet des Livres.

Grands Appartements – Galerie des Batailles (c) Sophie Lloyd

Galerie de Peinture du château de Chantilly en 2018 (c) Sophie Lloyd

Galerie de Peinture du château de Chantilly en 1885 par Alphonse Isidore chalot, Chalot. Chantilly, musée Condé (c)  RMN-Grand Palais (domaine de Chantilly) Michel Urtado

Chantilly avait aussi retrouvé le faste des cours princières en organisant des 1880 de splendides réceptions. Le château a renoué avec les splendeurs de l’époque du Grand Condé en conviant toute l’élite aristocratique dont la reine du Danemark, l’impératrice Élisabeth d’Autriche dite « Sissi», le roi et la reine de Naples, le baron et la baronne Alphonse de Rothschild.

 

Quel est le sujet de votre prochain livre ?

Dans le cadre de l’Exposition « Figures du siècle de Louis XIV- Portraits gravés de Nanteuil » que nous allons organiser à la fin de l’année 2019 au Château de Chantilly, je prépare un livre sur le graveur au burin, dessinateur et pastelliste français Robert Nanteuil (1623-1678).

Portrait de Jean-Baptiste Colbert par Robert Nanteuil. Chantilly, musée Condé (c) RMN Grand Palais (domaine de Chantilly) René-Gabriel Ojéda.

Nommé dessinateur et graveur ordinaire du roi en 1658, Nanteuil fut un artiste recherché du siècle de Louis XIV, notamment auprès des membres de la cour et des grands dignitaires du royaume. Il grava onze fois le portrait du Roi-Soleil, quatorze fois celui du Cardinal de Mazarin. Plusieurs tableaux font partie de la collection du Musée Condé dont le Portrait de Jean-Baptiste Colbert datant de 1676. Son génie est de montrer le caractère de ses modèles, réalisant de véritables portraits psychologiques.

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Henri d’Orléans, Duc D’Aumale (1822-1897) par Franz-Xaver Winterhalter. Chantilly, musée Condé (c) RMN Grand Palais (domaine de Chantilly)

Vestibule d’honneur du château de Chantilly (c) Adrien Michel

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