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Carole Bouquet, l’actrice française qui ne met pas d’eau dans son vin !

2023, un grand cru pour Carole Bouquet qui a reçu le prix de « la Personnalité de l’année » décerné par La Revue du vin de France, l’un des magazines de référence en la matière. L’actrice vigneronne a gagné l’estime de la profession tout en se découvrant une âme d’entrepreneure. Entre deux cuvées et tournages de film, la star s’est livrée à Forbes.

Propos recueillis par Sabah Kaddouri.
Article issu du numéro 25 – hiver 2023 de Forbes France

 

Ces dernières années, la production de vins vous a quasiment occupée à plein temps. Aviez-vous des objectifs précis en vous lançant dans l’aventure ?

CAROLE BOUQUET : Non, rien n’était tracé dans ma tête. Mon ancrage en Italie se nourrissait d’une seule envie : me sentir légitime de cet amour porté à ce pays. J’ai donc acheté un bout de terre dans une île perdue entre la Sicile et la Tunisie, sur le terroir de Pantelleria. Personne ne serait allé là-bas pour développer un tel projet de vignoble ! Il faut être complètement fou pour se dire que c’est le bon endroit… En fait, j’ai acquis une petite maisonnette d’une chambre où dormir et d’une pièce pour le cochon, et sinon, tout était à l’abandon à la ronde !

D’ailleurs, il n’y a toujours pas d’eau courante chez moi ! Je continue à m’approvisionner par le biais de citernes. Comme je suis une œnophile dans l’âme, j’ai décidé de m’occuper des vignes qui avaient été délaissées pendant très longtemps. Pour mon seul plaisir et celui de mes convives.

 

« Sangue d’Oro, c’est le vin d’une femme qui s’est faite vigneronne dans l’adversité », a déclaré Denis Saverot, directeur de la rédaction de La Revue du vin de France, à l’occasion de la remise du prix à l’actrice.

 

Vous avez donc dû relever une succession de défis. omment passe-t-on de rien à une production annuelle de   4 000 bouteilles et à un vin primé ?

C.B. : C’était le parcours du combattant ! Il m’a fallu près de vingt ans pour décrocher les permis de construire autour de ma maison afin de m’étendre sur 20 hectares, dont 8 hectares de vignes. J’ai dû acheter tour à tour à 70 personnes. Vous savez, il est plus compliqué de bâtir une demeure à Pantelleria qu’un palais à Venise ! J’en ai pris conscience au fil des ans… Mais, dès lors que je suis arrivée au bout du processus administratif, j’ai pu construire mon chai en un an. Ensuite, j’ai bien essayé de collaborer avec des œnologues notoires de la région, cependant on m’avait prévenue que personne ne me suivrait dans l’aventure.

Il faut dire que c’est tellement rustique chez moi ! Le travail est impossible à mécaniser à cause de la pierre obsidienne enfouie dans les pieds de vignes. L’une des plus brutes qui soient. Pour autant, je n’ai pas désarmé car j’ai fini par convaincre un spécialiste la première année d’activité. Toutefois, je n’ai pas du tout aimé le résultat, alors je m’en suis séparée. Ma chance à moi est d’avoir connu un homme exceptionnel, Nunzio, qui chaque année accueillait son petit-fils en vacances sur nos terres de Pantelleria. Ce garçon que j’ai vu grandir s’est attaché à ce lieu, il a accepté de s’investir à mes côtés une fois adulte.

On ne s’improvise pas vigneronne… Qu’avez- vous appris sur vous en cultivant votre propre vin, le Sangue d’Oro ?

C.B. : J’ai réalisé que j’étais tenace, obstinée et que j’aimais entreprendre. Alors oui, à un moment donné, je voulais tout laisser tomber tant le travail était titanesque. C’était de l’acharnement contre les éléments, contre les gens. Vous savez, j’ai essayé de convaincre les vignerons locaux de se fédérer pour sauvegarder le patrimoine vinicole, je les avais même emmenés à Bordeaux à la rencontre de grands noms pour un partage d’expériences. En vain…

…Il y a une belle définition pour traduire l’esprit qui règne à Pantelleria, c’est la phrase du Guépard de Visconti : « Tout doit changer pour que rien ne change. » Donc, à ma seule échelle, j’ai changé un peu les choses, sans avoir fait évoluer la situation sur place. Je me suis confrontée aux mêmes difficultés avec les maires successifs.

Êtes-vous frustrée ?

C.B. : Oui et non. J’accepte que le temps, les gens, la vie soient figés ici. Néanmoins, c’est tellement dommage de voir qu’il est à présent trop tard pour sauver les vignes alentour. Mais, je ne perds pas de vue un point fondamental, celui de me sentir viscéralement enracinée à ce territoire. Dès que j’atterris à Pantelleria, j’oublie toutes les difficultés du monde, je suis heureuse, inspirée.

 

 

Que veut dire d’ailleurs Sangue d’Oro ?

C.B. : Le « Sang d’Or ». Ce nom, je l’ai trouvé en une seconde ! Il évoque combien cette terre est héroïque à travailler. Rendez-vous compte, entre chaque pied de vigne, il y a une pierre nichée au sol, on ne peut rien mécaniser.

En quels termes décririez-vous l’expérience gustative Sangue d’Oro ?

C.B. : C’est vraiment le sud de l’Italie qui se résume par des odeurs, des parfums ensoleillés. Il y a un goût d’abricot et de pêche avec une pointe d’acidité prononcée. Dès le départ, je ne voulais pas qu’il soit trop doux pour ne pas le cantonner à un nectar que l’on sort au dessert. La bagarre était d’en faire un vin de caractère dont on peut sortir une bouteille à l’apéritif comme au dîner. Sangue d’Oro se boit dans un grand verre parce que le nez est extraordinaire ! Sa couleur vous met en joie, elle évoque la Méditerranée. Ce passito se révèle incroyablement frais et équilibré. Il est dans le jus de son environnement contrasté car l’île de Pantelleria a l’air violente, de prime abord, alors qu’elle est extrêmement voluptueuse.

Cette activité chronophage est la raison pour laquelle vous vous êtes éloignée du grand écran ?

C.B. : Non, pas vraiment. Mon métier marche par vague. Je n’ai jamais eu non plus de plan de carrière. Batailler pour aller chercher un rôle à tout prix, ce n’est pas moi. Cela n’a jamais été moi. Quand je suis passée de l’ombre à la lumière grâce au succès retentissant du film Cet obscur objet du désir de Luis Buñuel, nommé aux Oscars dans la catégorie du Meilleur film en langue étrangère en 1978, j’étais en train de danser au Studio 54 (Rires).

Alors le vin transcende tout à vos yeux, même le cinéma ?

C.B. : Je suis une actrice avant tout, le cinéma c’est ma vie. Rien ne supplantera cette passion, cet amour. Disons qu’à vingt ans, les prix ne me faisaient pas beaucoup d’effet. En revanche, aujourd’hui, je ne dirais pas non ! Je trouve qu’en vieillissant, on devient plus tendre avec soi-même, on a aussi davantage conscience de la valeur des choses.

 

Comme une promesse à Nunzio (à droite), l’homme qui a cru en elle pour son projet de vignoble, la star n’a jamais abandonné malgré la succession de difficultés.

 

Vous avez joué les James Bond girl, les résistantes, les grandes figures de théâtre… De quoi êtes-vous en quête aujourd’hui ?

C.B. : Je me suis toujours refusée à rêver de quelque chose que je ne pourrais être certaine d’obtenir. C’est une manière de ne pas être masochiste. Quand je regarde ma carrière, tout s’est finalement présenté comme des cadeaux. Avant le film Trop belle pour toi, j’avais refusé beaucoup de propositions. Cela ne m’a jamais dérangée d’être dans le creux, le plus important étant toujours d’être portée par un projet, un metteur en scène, une histoire. Mais, ce qu’il se passe en ce moment est assez inédit car tout me tombe dessus !

Cinéma, théâtre, télévision et plateformes ! Ma pièce de théâtre Bérénice de Racine est un gros succès pour lequel je joue les prolongations. Je suis également au casting de deux productions sur Amazon Prime et Apple TV+, ainsi que sur TF1. D’où la complexité d’organiser cette interview, mais nous y sommes arrivées !

Une dernière question pour ce spécial Luxe : quel est justement votre luxe à vous ?

C.B. : Sans hésitation, un dîner avec des amis accompagné d’un bon vin. Je suis une épicurienne, pour moi, manger, c’est célébrer la vie. Et réunir des proches autour d’une belle tablée rend ce moment encore plus précieux ! J’aime la gastronomie depuis toujours et on le sait que trop bien dans le milieu du cinéma (Rires). Moi, je ne peux pas être heureuse avec une assiette de carottes !

 

 

 

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