Cette année, la Brussels Art Fair (Brafa), qui aura lieu du 26 janvier au 2 février 2020 dans la capitale belge, met à l’honneur le Mur de Berlin en en vendant plusieurs fragments aux enchères. Réputée pour être l’une des plus importantes foires d’art et d’antiquités dans le monde, la Brafa accueille quelque 133 galeristes, plus de 60 000 visiteurs et donne la température du marché de l’art. Nous avons rencontré son président, Harold T’Kint, galeriste et collectionneur.
La Brafa est réputée pour être un bon baromètre du marché de l’art. Que nous apprend-il déjà en ce début d’année 2020 ?
Il n’est jamais facile de généraliser mais je peux vous dire qu’en cette sortie de période de fêtes, les clients sont au rendez-vous. Nous avons explosé en termes de demandes d’exposants. Nous en avons refusé une centaine. 90 % des galeries qui ont participé à la Brafa l’an dernier ont reconduit leur participation. Et la qualité des exposants est supérieure à celle de 2019.
Pourquoi ne songez-vous pas à vous agrandir au lieu de refuser du monde ?
Parce que nous tenons à rester ce que nous sommes, accueillants, avec de la place pour les galeries, des allées spacieuses pour les visiteurs. Nous accueillons deux fois plus de monde qu’il y a 10 ans, environ 65 000 personnes. C’est pas mal mais ça reste une foire à taille humaine où les artistes ont le temps de parler de leur travail avec les collectionneurs. Et bien entendu, si nous déménagions, ça ne serait plus la Brafa.
Harold T’Kint, président de la Brafa : « Si on investit dans l’art comme on place son argent à la bourse, on est sûr de se tromper »
Vous êtes une foire généraliste alors que les collectionneurs sont par définition spécialisés. C’est étrange, non ?
Non, c’est une erreur de penser que les collectionneurs sont enfermés dans un genre. Ils aiment découvrir, ils sont curieux. Le fait d’exposer à la fois de l’antiquité, de l’art contemporain, des œuvres d’arts premiers ou même des pièces d’archéologie, c’est notre force.
Il y a un secteur qui vous semble monter en puissance ?
Nous avons introduit l’art contemporain il y a seulement cinq ans et cela a rencontré un immense succès. Nous sommes obligés de refuser des dizaines de galeries pour ne pas devenir une nouvelle FIAC. Les Arts premiers sont chez nous un secteur de tout premier plan car nous avons un passé colonial important, avec le Congo belge. Et à l’origine, la Brafa était une foire d’antiquités. Nous continuons à présenter des objets anciens de grande valeur.
Quels conseils donneriez-vous à un investisseur qui souhaite débuter une collection ?
De ne surtout pas l’aborder comme un investissement ! S’il veut « investir » au sens propre, il vaut mieux qu’il regarde du côté de la bourse pour espérer faire des profits à court terme. L’art peut être rentable, mais à long terme. Le plus sûr est d’acquérir des œuvres dont on va profiter pendant qu’on les possède. Il faut donc écouter son cœur… et le galeriste qui peut vous aiguiller utilement en vous renseignant sur le profil de l’artiste, l’histoire d’un tableau, vous donner toutes sortes d’informations qui vont confirmer ou pas non seulement la valeur d’une œuvre mais aussi son potentiel.
Que pensez-vous du street art et de la cote de certains artistes comme Banski qui flambe littéralement ? La Brafa défend aussi ce travail ?
Non, pour des raisons techniques. C’est difficile d’intégrer des œuvres de street art dans un lieu clos et limité en superficie. Mais je n’ai rien contre. Banski stimule la réflexion sur l’art et la société en général. C’est, par ailleurs, un excellent communicant qui n’est pas dupe du retour spéculatif sur son travail.
Cette année, vous allez exposer pour la première fois des fragments du Mur de Berlin. Ce sont des œuvres d’art pour vous ?
Votre question pose celle de la définition de l’art lui-même. Moi, je me réfère à Brancusi qui disait en substance : l’art est avant tout une émotion. J’ai un fragment de Mur dans mon jardin et il me procure des émotions.
Quelle est la valeur d’une telle pièce?
Cela dépend du fragment, de ce qu’on y voit, de sa taille, de son état. Lors de la Brafa, nous allons vendre aux enchères des pièces de 3,60m de haut, 1m20 de large et qui pèsent 3,6 tonnes. Les montants récoltés iront à des œuvres caritatives ; les acheteurs seront donc aussi des donateurs qui tiendront compte des causes auxquelles ils s’associent. Le prix de départ des fragments sera de 15 000 euros.
Le marché français traverse une période paradoxale : d’un côté, il y a de très belles ventes réalisées notamment par Sotheby’s, de l’autre, les artistes français qui comptent au niveau international ne sont plus très nombreux…
C’est vrai, Paris n’est plus la place forte qu’elle était après la guerre. Le marché s’est mondialisé et les ventes se répartissent entre New York, Londres, Berlin, l’Asie et un peu Paris. Mais à la Brafa, l’axe Paris-Bruxelles fonctionne bien puisqu’un tiers des galeristes présents ici sont français.
Quels sont vos objectifs cette année en termes de ventes ?
Difficile d’anticiper. J’espère que nous ferons aussi bien que l’an dernier. Moi, si je vends entre 20 et 30 tableaux sur les 5 jours, je serai très heureux. Mais certains galeristes n’apportent qu’une dizaine de pièces d’exception et auront réalisé une belle recette s’ils arrivent à en vendre 2 ou 3.
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