Un sourire accueillant, une écoute bienveillante et un regard acéré, Boris Bréau est le directeur général de la Compagnie Vinicole de Baron Edmond de Rothschild Héritage (CVBER) depuis 4 ans, en charge de l’ensemble des activités vinicoles du groupe et en prise directe d’Alexis de La Palme, président du directoire de la Société française des hôtels de montagne (SFHM) qui s’occupe des activités non financières de la famille du Baron Edmond de Rothschild Héritage.
Vous êtes directeur général de la Compagnie Vinicole Baron Edmond de Rothschild Héritage. Quel est votre parcours ?
Boris Bréau
J’ai passé presque 10 ans en Champagne, notamment chez LVMH, dont un temps en Angleterre. Puis 10 autres années chez nos cousins Baron Philippe de Rothschild, dans la branche anglaise. J’étais alors en charge du développement international. J’ai ensuite fait le MBA d’HEC pour m’ouvrir sur les parties financière, gestion, management, leadership, pour pouvoir assurer la direction générale de Baron Edmond de Rothschild Héritage. J’ai pris cette direction générale depuis 4 ans.
À la mort d’Edmond de Rothschild, Benjamin, son fils a repris le flambeau et s’est tourné vers de nouveaux territoires, dont l’Espagne, l’Argentine, la Nouvelle Zélande et l’Afrique du sud, et donc de nouveaux vins. Pouvez-vous nous dresser un portrait de chacun de ces nouveaux vignobles ?
Bodegas Benjamin De Rothschild & Vega Sicilia
Ces nouveaux venus sont le fruit de coups de coeur, de rencontres privilégiées, avec une volonté de créer de nouvelles choses en faisant appel au côté artisanal de nos collaborateurs et à travers eux, de magnifier tout cela. Toutes nos entreprises sont des pme. Il n’est donc pas question de démarche industrielle, mais de faire l’acquisition de terroirs exceptionnels autour desquels nous voulons construire un écosystème intégré. En Champagne par exemple, nous avions démarré tout petit. Puis nous avons trouvé des partenaires locaux dont nous avons appris beaucoup. Concernant l’Afrique du Sud, nous avons fait une joint venture avec la famille Rupert en 1997. Deux ans plus tard, nous nous sommes associés avec Laurent Dassault pour planter 102 hectares de vignes en Argentine et bâtir la bodega « Flechas de los Andes ». En 2003, nous avons fait l’acquisition du Château des Laurets à Puisseguin Saint-Émilion. En 2009, la rencontre en Rioja, entre Ariane de Rothschild et Pablo de Alvarez a donné le jour à la Bodega Benjamin de Rothschild et Vega Sicila, puis aux vins de Macán. En 2012 enfin, nous avons acquis 24 hectares de vignes situés sur la prestigieuse Rapaura Road, au cœur de la région de Marlborough en Nouvelle-Zélande.
Pouvez-nous nous citer quelques cépages ?
En Nouvelle Zélande, nous avons d’abord travaillé sur du sauvignon blanc pour la création d’un sauvignon blanc de référence sous le nom de Rimapere, puis sur un pinot noir. En Espagne, nous sommes sur tempranillo, un cépage typique de la Rioja. Et en Argentine, sur du Malbec. Comme vous le voyez, nous travaillons avec des cépages autochtones.
Faites-vous des assemblages ?
À Bordeaux, nous faisons en effet un assemblage merlot / cabernet, 80% / 20%, en l’occurrence pour le Château de Laurets. Mais nous avons aussi un 100% merlot pour le Château de Laurets Sélection Parcellaire. Nous ne ferons pas d’assemblages hors l’hexagone, car ce ne serait pas respecter la typicité des terroirs locaux. De toutes façons, il serait absurde de vouloir faire du Bordeaux en Espagne !
Quelles sont vos démarches en matière d’environnement ?
La réglementation est différente en fonction des lieux. À Bordeaux par exemple, nous n’avons pas le droit d’irriguer, alors qu’en Espagne oui, et qu’en Nouvelle-Zélande, 100% des parcelles sont irriguées ! Pour nous, la certification bio n’est pas une fin en soi, mais nous respectons la nature à chaque étape. Nous n’utilisons plus aucun produit toxique depuis quinze ans déjà. Nous avons programmé prochainement un séminaire en Angleterre, avec tous nos directeurs techniques, pour progresser sur le sujet, partager nos expérimentations. Il y a tant de spécificités à prendre en compte, comme la culture de la vigne, l’irrigation donc, la vinification, la densité des cépages etc. À Bordeaux, nous avons 7000 pieds à l’hectare. En Nouvelle Zélande, 4500, avec un écart important entre les rangs. Nous sommes d’ailleurs en train d’élaborer un tracteur qui puisse travailler sous le rang, pour casser directement l’herbe sous le pied, sans avoir à traiter. En Espagne, le vin est élevé en barrique, quasiment pas en Nouvelle-Zélande !
Voyez-vous déjà de beaux résultats ?
Oui bien-sûr ! Notre sauvignon blanc Rimapere a été élu en 2016, « meilleur sauvignon au monde » par un magazine scandinave. Ce terroir est vraiment exceptionnel. Et notre nouvelle spécialiste, Anne Escale, va le faire encore évoluer.
Tous nos vins affichent pour le moins une belle évolution de style. Raison pour laquelle, dans le Médoc, chacun de nos vins gagnent 1/2 point de rating. Les Château Clarke 2015, 2016, 2018 vont être top ! L’Argentine travaille des vins souvent exubérants. Nous travaillons à leur donner de l’élégance, ce qui nécessite encore des ajustements. En tout cas, notre volonté est de nous démarquer.
Gonzalo Iturriaga De Juan
Les joint ventures sont-elles la forme de partenariat idéal pour vous ? Comment cela fonctionne-t-il ?
Oui. Nous fonctionnons au cas par cas. Nous sommes très opérationnels en Argentine, en Afrique du Sud, à 100% en Nouvelle Zélande. Globalement, chacun apporte son niveau d’expertise dans un objectif commun de succès.
Quels sont vos projets ?
Cette année, nous avons signé avec un nouveau partenaire américain : la société Wilson Daniels, dans le cadre d’une exclusivité réciproque. Nous avons signé également récemment avec East Meets West, pour initier notre phase de lancée sur le marché chinois. Cette société, créée par un Français, possède un réseau de distribution très qualitatif. Nous sommes partenaire avec le Ritz : une bouteille de Château Clarke « Ritz Paris » est offerte en chambre pour les clients VIP. Nous venons de signer avec Alain Ducasse, ce qui signifie que nos vins seront présentés dans une quarantaine de restaurants. Nous prévoyons enfin d’investir dans de nouveaux outils de production pour les Châteaux Clarke et Malmaison. Il faut rappeler que ces deux domaines datent déjà des années 70 !
EDRH – Ariane et Benjamin de Rothschild
Quels sont les chiffres de la Compagnie Vinicole Baron Edmond de Rothschild aujourd’hui ?
La production est passée de 400 000 bouteilles en 1981, à 3 500 000 de bouteilles, en 2018, dont 90% à l’exportation. Elle emploie 150 personnes à travers le monde et distribue ses vins dans 80 pays, contre seulement 10 en 1981.
Quelle est votre devise ?
L’engagement, car l’engagement est un maillon essentiel de notre activité. Nous rationalisons, « premiumisons » la qualité, les prestations, le packaging, tout ! Nos équipes peuvent exprimer pleinement leurs compétences. Nous sommes, je dirais, aussi bien intrapreneur qu’entrepreneur. Nous encourageons l’entraide pour trouver des solutions transversales.
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