Bon Jovi a marqué l’histoire du rock américain, avec des titres cultes tels que Livin’ On A Prayer ou It’s My Life, en passant par You Give Love A Bad Name. À 58 ans, son fondateur, Jon Bon Jovi, revient sur le nouvel album du groupe et décrypte avec nous l’année 2020.
Bon Jovi sort cette année un nouvel album, 2020, qui comprend des chansons parmi les plus percutantes et les plus fortes de l’histoire du groupe. American Reckoning est une référence directe au meurtre de George Floyd, tandis que Lower The Flag traite de la violence armée aux États-Unis.
Steve Baltin a mené pour Forbes un entretien avec le chanteur sur Zoom, pendant lequel les deux hommes ont pu discuter durant 45 minutes de la carrière de Jon Bon Jovi et de ses héros passés et présents.
Considérez-vous ces chansons comme une forme de prophétie ?
Jon Bon Jovi : Un bon exemple de prophétie est la chanson Blood In the Water. C’est la première que nous avons écrite à l’été 2018, laissez-moi vous expliquer. « A storm is coming » (« L’orage arrive ») fait référence au scandale de Stormy Daniels. « Let me be clear/the walls around you are closing in » (« Que les choses soient claires/les murs autour de vous se resserrent »), ça pourrait se rapporter au débat présidentiel. Que ce soit Stormy Daniels et son avocat Michael Cohen, ou Michael Flynn et l’affaire des liens avec la Russie jusqu’à l’accusation de piratage russe pendant les élections américaines, tout est pertinent aujourd’hui, cette même histoire, c’est le carrefour entre plusieurs personnages. Pendant un certain temps, je me suis dit que ce serait trop daté, et que personne ne saurait de qui je parle, mais ça n’a pas d’importance, c’est tout aussi pertinent après le débat présidentiel. Pour moi, cette chanson fait particulièrement office de prophétie, elle est intemporelle.
J’ai aussi beaucoup aimé la chanson Unbroken, qui s’inscrit dans la tradition des chansons anti-guerre.
Jon Bon Jovi : Une chanson comme Unbroken sera toujours intemporelle, car il y aura toujours des soldats qui reviennent de la guerre et qui doivent vivre après ça. J’ai discuté avec le réalisateur d’un petit documentaire très touchant intitulé To Be Of Service, et il m’a demandé d’écrire une chanson avec l’espoir que mon nom puisse attirer de l’attention à ce sujet. Je voulais que mon texte se concentre sur la fierté des hommes et des femmes qui portent cet uniforme, et les problèmes qu’ils rencontrent lorsqu’ils le retirent. Quand on pense à quel point un soldat est identifiable quand il patrouille dans la rue, c’est une grande fierté pour le monde dans lequel nous vivons. Ce n’est pas la guerre du Vietnam, quand les jeunes hommes et les jeunes femmes revenaient du front pour qu’on leur crache dessus. Aujourd’hui, ce sont des héros et quand ils rentrent, nous apprécions leurs efforts. Mais quand vous retirez l’uniforme, vous devez quand même gérer les traumatismes. Je voulais trouver ce qui les poussait à continuer leur travail et à être toujours fiers. C’est pour ça que la toute dernière phrase de la chanson dit « You asked me was it worth it to be of service in the end/Well the blessing and the curse is/Yeah, I’d do it all again » (« Tu m’as demandé si ça valait la peine de s’engager au final/La bénédiction et la malédiction c’est que/Oui, je recommencerais »). C’est ce qui rend cette chanson différente des titres sur le Vietnam de John Fogerty ou de Born In The U.S.A. de Bruce Springsteen.
Si je me souviens bien, vous êtes un grand fan de Tom Waits, et Day After Tomorrow est aussi une grande chanson anti-guerre.
Jon Bon Jovi : J’adore Tom Waits et Leonard Cohen, ce sont mes deux paroliers favoris. Tom Waits est un génie. Certains ne pensent qu’à The Heart Of Saturday Night ou parfois à Jersey Girl (rires). J’aime les gens qui racontent bien les histoires, et c’est son cas.
L’une des choses que j’aime dans cet album c’est qu’il est conçu autour de récits auxquels on peut s’identifier. C’est drôle, car de nombreuses personnes peuvent penser que vous ne vous êtes pas exprimés sur ces sujets. Mais même Livin’ On A Prayer est une histoire à part entière.
Jon Bon Jovi : C’est une chanson qui raconte une histoire. Avec les chansons comme celle-là, qui traitent de sujets éternels d’une rencontre et de l’envie de gagner, il suffit de remplacer les noms par les vôtres pour que la chanson vous corresponde. Ce que j’adore, c’est que ce n’est pas forcément mon histoire. C’est juste la vérité, des faits et des moments que j’ai vécus, observés ou lus. Ça ne m’intéressait pas vraiment d’écrire une chanson pop traditionnelle, dans laquelle un garçon rencontre une fille, puis il la perd et elle revient. Ça ne m’inspirait pas.
L’écriture a souvent une part de subconscient. Y a-t-il eu des moments où vous n’avez pas réalisé à quel point vous étiez touché par certains sujets avant de faire cet album ?
Jon Bon Jovi : Bien sûr. Je pense tout de suite à Lower The Flag et American Reckoning. Ces chansons traitent de sujets qui me touchaient beaucoup et sur lesquels j’étais renseigné et au sujet desquels je pouvais m’exprimer, pas seulement dans des conversations, mais en chanson. Ce ne sont pas sujets sur lesquels je n’avais jamais réfléchi avant, j’étais au fait. Et avoir atteint un stade où je peux être fier de la manière dont je parle de certains sujets, j’ai parcouru un bout de chemin depuis You Give Love A Bad Name jusqu’à American Reckoning (rires).
Êtes-vous plus confiant avec l’âge, puisque tous les artistes semblent être plus assurés au fur et à mesure qu’ils vieillissent ?
Jon Bon Jovi : Soyons clairs, j’adore Runaway, You Give Love A Bad Name et Livin’ On A Prayer. Elles représentent tout à fait celui que j’étais et ce dont je voulais parler. C’est tout ce que je savais dire à l’époque. Je ne cherchais pas bien plus loin que ça. Mais je fais ce métier depuis longtemps, aujourd’hui j’ai 58 ans et je suis différent. Je ne suis plus celui que j’étais à 21 ou à 25 ans. C’est mon parcours et il m’a amené ici aujourd’hui. Si certains s’attendent à d’autres Livin’ On A Prayer, ils ne trouveront pas leur bonheur. Je ne veux pas réécrire ça, c’est le passé.
Cela rejoint vos activités caritatives, pensez-vous qu’avec l’âge il devient plus important de se concentrer et de partager ces idées ?
Jon Bon Jovi : La Jon Bon Jovi Soul Foundation a atteint un stade que je n’aurais jamais pensé pouvoir atteindre, mais cette motivation ne m’a pas été inculquée pendant l’enfance, en tout cas pas au degré dont je dispose aujourd’hui. Mes parents n’étaient pas engagés en politique ni impliqués dans la vie communautaire. J’ai plutôt appris ces valeurs avec mon épouse, ça m’a fait grandir. Personne ne devrait critiquer un jeune de 20 ans qui ne pense qu’à être le chanteur d’un groupe de rock et qui chante à ce sujet. Mais si j’écrivais encore des chansons comme ça à 58 ans, ce serait dommage. Donc nous nous sommes démarqués du genre d’où nous venons et aujourd’hui je suis là avec mes cheveux gris et mon ventre bedonnant, et je vous dis : « C’est ce que je suis, c’est là que ça se passe. Je ne fais pas semblant, je ne me teins pas les cheveux, je ne fais pas d’injections de Botox et je ne participe pas à des concerts revival ». Ça ne m’intéresse pas. Je préfère m’en aller et laisser derrière moi un cadavre élégant plutôt que de courir après le passé. Pour moi, ce serait un pêché.
Y a-t-il des artistes que vous admirez pour la manière dont ils ont évolué et vieilli avec grâce ? Ne me dites pas John Lennon, ce serait ironique car il n’a pas vieilli avec grâce. Son évolution à la fin s’est faite en très peu de temps.
Jon Bon Jovi : Mon Dieu, oui. J’ai la chance incroyable, le cadeau du ciel, de pouvoir considérer Paul McCartney comme mon ami. Je pense beaucoup de temps avec lui pendant l’été, et je plaisante souvent en disant que John et George sont rentrés sur leur planète. Ça n’a aucun sens, John est passé de She Loves Ya à Imagine. Qui aurait cru qu’un homme se cachait en ce garçon ?
J’adore que vous fassiez référence à votre amitié comme un cadeau du ciel. Que penserait votre version plus jeune si on lui avait dit qu’il serait ami avec Paul McCartney ?
Jon Bon Jovi : Je l’appelle tout le temps « Beatle Paul ». Un jour, il m’a demandé pourquoi je faisais ça, et je lui répondu que j’étais trop vieux pour l’appeler M. McCartney et trop intimidé pour l’appeler Paul. Je suis trop respectueux. C’est étonnant, mais c’est une vraie histoire. Je suis fan de tellement de gens. Quand j’ai rencontré Tom Waits, c’était pareil. Je lui expliquais : « Tu ne comprends pas, j’ai essayé d’écrire 10 de tes chansons pendant ces 30 dernières années ». J’ai fait la même chose avec Bob Dylan et Bruce Springsteen depuis que je suis petit. Ce sont des gars que j’admire encore beaucoup.
Quelle est la chanson de Tom Waits que vous auriez aimé avoir écrit, et pourquoi ?
Jon Bon Jovi : Who Are You. C’est ce qui me vient immédiatement, comme I Want You ou Just Like A Woman de Bob Dylan. J’adore vraiment Who Are You, et aussi I Don’t Wanna Grow Up et Bone Machine, elles sont vraiment bien. Il y a aussi Hold On, une super chanson. Les paroles de Come On Up To The House et The House Where Nobody Lives sont géniales. Je pourrais en parler pendant des heures.
Les auteurs-compositeurs ne sont jamais satisfaits. Mais parfois vous atteignez un stade où vous touchez du doigt ce que vous cherchez. Cela vous est-il arrivé sur 2020 ?
Jon Bon Jovi : Je suis trop proche de cet album aujourd’hui pour vous citer une chanson en particulier, mais c’est ce que je ressens avec l’album. J’en suis trop proche pour l’instant parce que je travaille sur le film que nous avons tourné et sur le montage. Mais je suis très fier dans l’ensemble. Si le Covid m’a permis une chose, c’est de revenir en arrière et d’écouter tous les titres. Certains étaient meilleurs que ce que je pensais. Certains n’étaient pas aussi bons que je l’espérais, mais l’ensemble de l’œuvre tient toujours la route.
Article traduit de Forbes US – Auteur : Steve Baltin
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