De la patience, un casting de rêve, une passion sans limite et une vision de long cours, c’est un peu tout ça le Château La Grâce Dieu des Prieurs : un lieu comme nul autre pareil à Saint-Emilion. Dans le Bordelais, cette adresse fait grand bruit depuis quelques temps par son audacieuse association des beaux-arts, de la vigne, du design et des jeux d’échecs. Forbes est allé à la découverte de cette utopie russe ayant pris racine en terre girondine. Coup de cœur œnophile.
Ce lieu résolument atypique ne pouvait être imaginé que par un esprit sagace et avant-gardiste. D’autres vous diront fantasque. Andreï Filatov, homme d’affaires à succès, amateur d’art et de vin, président de la Fédération russe d’échecs, a réuni ses passions en acquérant ce domaine dans le plus illustre terroir girondin. Cet homme de goût s’est donné le temps pour trouver un ancrage dans le Saint des saints. Son projet viticole n’a rien d’une lubie de milliardaire, car le Russe francophile est depuis toujours habité par l’envie de produire « le meilleur vin du monde » dans une quête transfiguratrice. L’idée ? Faire coexister la grandeur de l’Art russe, l’excellence d’un grand cru français sur fond de dialogue épicurien Est / Ouest.
D’un pays à l’autre, d’une culture à l’autre, deux mondes se rencontrent pour s’accorder et se parfaire en un mariage généreux. Le prétexte est tout trouvé grâce à cet élixir précieux qu’est le vin, symbolique nectar qui se meut en véritable trait d’union. Dans cette propriété de 9 hectares acquise en 2013, les univers s’imbriquent mélodieusement rendant possible cette conversation d’esthètes. Andreï Filatov s’est entouré des meilleurs talents pour lier traditions viticoles et beaux-arts. L’homme a convaincu l’enfant du pays, Louis Mitjavile, d’apporter sa science de la vigne au domaine composé de 90 % de merlot et de 10 % de cabernet franc. Issu d’une lignée de renom, ce prestigieux conseiller est une signature qui en dit long sur les ambitions du Château La Grâce Dieu des Prieurs. Sensible à l’agriculture raisonnée, le Russe a par ailleurs fait appel à l’expertise de Pedro Ruiz, responsable technique vigne et vin, pour mettre en place une culture en accord avec la saisonnalité.
Ce duo chevronné collabore de concert sous la houlette de Laurent Prosperi, charismatique directeur du domaine, qui a la délicate mission de partir à la conquête de la place de Saint-Emilion, et du monde, au côté de son épouse polyglotte, Rod Vangheli. Laurent Prosperi peut déjà se féliciter de compter parmi ses ambassadeurs étoilés, un certain Yannick Alléno, un chef qu’on ne présente plus. En à peine trois millésimes (2014, 2015, 2016), La Grâce Dieu des Prieurs – Saint-Émilion Grand Cru se retrouve déjà à flirter avec les plus belles tables du monde grâce à la galaxie Alléno qui s’étend de Séoul à Saint Tropez. « Ce n’est qu’un début ! », nous confie le directeur du domaine. « Nous travaillons énergiquement à faire connaître nos vins en leur donnant un style et une représentativité façonnée par leur millésime. Il est important de refléter dans nos cuvées la saveur du temps et du travail annuel. ».
Autre pièce maîtresse du Château, l’architecte Jean Nouvel, qui a tout de suite adhéré au projet de l’entrepreneur mécène Andreï Filatov. Le designer a imaginé un ensemble architectural inédit où chaque édifice est un objet d’art à part entière, la Maison Bordelaise, le Cuvier et le Chais, le Belvédère et le Fortin : chaque structure introduit des technologies dernier cri, un design moderne dans le plus grand respect du patrimoine pluri-centenaire de la bâtisse. Sacré défi technique que de respecter un tel triptyque ! Jean Nouvel nous propose ainsi pour le cuvier et le chais une construction unique en forme de cylindre en verre et bétons : à l’intérieur, des cuves en inox poli ont été installées pour assurer une bonne fermentation et assemblage ; à l’extérieur, le cylindre devient un cyclorama porteur d’une fresque allégorique sur le travail dans la vigne.
A la demande expresse du propriétaire, le prix Pritzker d’architecture a conçu une œuvre artistique en anamorphose où l’on distingue Youri Gagarine en apesanteur dans un jeu de couleurs chatoyantes qui se reflète sur les cuves, telle une allégorie du voyage dans l’espace-temps. Le rouge prédominant se conçoit comme une révérence à l’Histoire soviétique. Andreï Filatov est un grand admirateur de son illustre compatriote, le premier homme à avoir séjourné dans l’espace. Une expérience esthétique culminant avec une autre découverte sensorielle, au chai cette-fois. Ici, les vins vieillissent en musique bercés par des morceaux du répertoire classique russe ! Magnifique !
Attardons-nous également sur le fortin, un lieu exceptionnel à bien des égards résumant l’alchimie entre ces deux esprits épicuriens. Andreï Filatov a voulu faire de cette dépendance plantée au milieu des vignes un continuum de sa quête : glorifier le travail des vignerons et des vendangeurs et promouvoir l’art soviétique et russe. Selon cette feuille de route, Jean Nouvel a imaginé une véritable maison d’architecte parée de matériaux nobles et d’œuvres d’art spectaculaires à l’image de ce bronze signé du sculpteur, peintre et joaillier russe, Dashi Namdakov. Dans cette puissante scène de chasse royale s’esquissent les coutumes d’un peuple ancestral d’Eurasie qui nous touche par son élégance. Le génie stylistique de Namdakov a été maintes fois exposé de Tokyo à New York.
Le regard s’arrête aussi sur la baie vitrée au pouvoir réfléchissant où sont superposées des pièces de verres : son effet miroir dévoile une incroyable fresque paysagère en hommage à la vigne. Il n’y a d’ailleurs que deux créations dans ce style dans le monde signées de Jean Nouvel, la seconde se contemple à New York. Un somptueux piano et un jeu d’échecs complètent la décoration de ce bijou de manoir. C’est au fortin que le bienfaiteur russe apprécie de réunir ses amis lorsqu’il est de passage sur ses terres saint-émilionnaises.
Pour diffuser son amour inconditionnel de l’Art russe, Andreï Filatov a choisi de casser les codes en s’inspirant des bouteilles d’il y a 250 ans. Des flacons aux surfaces plus généreuses parfaitement affûtés pour y apposer des étiquettes picturales. La Fondation ‘Art Russe’ octroie au Domaine le droit d’utiliser douze reproductions issues de ses chefs-d’œuvre pour orner chacun de ses millésimes. La Fondation basée à Londres rassemble l’une des plus importantes collections privées d’art russe ; les tableaux collectés ont rarement été vus par un public international.
A ses compatriotes artistes, dont le talent n’a jamais jadis franchi le rideau de fer, Andreï Filatov nous explique « vouloir raconter l’histoire des grandes œuvres de la peinture russe, et de leurs créateurs, dans différents pays du monde. Tout au long du siècle, des générations de peintres exceptionnels ont travaillé en Russie, chacun d’eux étant porteur de connaissances académiques colossales et d’un talent individuel unique. La grandeur et le talent de ces artistes souligne le statut de la viniculture française, qui est un véritable art en soi. ».
Le Saint-Emilion Grand Cru 2018 met donc à l’honneur des artistes comme Arkady Plastov, Aristarkh Lentulov, Tahir Salahov, Tatiana Yablonskaya, Petr Ossovsky, Victor Ivanov, Nikolai Baskakov, Alexander Gerasimov, Nikolai Fechin et des frères Tkachev. Leurs toiles illustrent le quotidien des hommes et femmes à l’ère soviétique.
Le tour du propriétaire révèle en outre la production de vins blancs démarrée en 2019 sur une parcelle d’1 hectare. Ce chardonnais au cépage atypique de la région se destine aux œuvres caritatives, il sortira à 100% en magnum.
Dans ce Château aux multiples vocations, le visiteur assiste à la naissance d’un vin d’exception en passe d’entrer dans la cour des grands. Avec son costume de capitaine et entraîneur de l’équipe nationale russe d’échecs, Andreï Filatov a réussi un coup de maître à Saint-Emilion. L’occasion d’interroger l’homme d’affaires sur la manière dont ce noble jeu l’influence au quotidien : « Le jeu d’échecs fait partie de ma vie. J’y suis attaché depuis mon enfance, et bien sûr, les échecs m’ont beaucoup appris. Mais le plus important, c’est qu’ils m’ont donné une vie intéressante, un merveilleux cercle social et un travail fascinant. ».
La Grâce Dieu des Prieurs – Saint-Émilion Grand Cru
1, La Grace Dieu
33330 Saint-Emilion
Tél. +33 (0)5 57 74 42 97
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