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A table avec Forbes | Garenne : dans la Drôme, un restaurant près des étoiles

le restaurant de l'hôtel Garenne offre un panorama sur ce coin de Provence.

Dans la Drôme, l’hôtel Garenne offre des séjours champêtres plantés dans la Provence, ainsi qu’une table gastronomique exceptionnelle. 

Prenons un pari : il faudra, un jour, à Garenne, s’y prendre un an à l’avance pour espérer avoir une table. C’est maintenant qu’il faut y courir, car on aura bientôt bien peine à seulement y marcher. Il se trouve dans cet hôtel de charme, niché entre le Vercors à l’est et les monts d’Ardèche à l’ouest, une table audacieuse et quelque peu époustouflante. 

L’hôtel a été ouvert il y a deux ans, réhabilitation éclairée et raffinée d’un vieux mas du XVIIIe siècle, dans un style provençal et moderne. Ici, on trouve huit chambres doubles (dont deux avec balcon), deux chambres familiales et un dortoir de sept lits pour les réunions entre amis, avec une vraie literie de palace. Les maîtres des lieux, les deux jeunes trentenaires Cindy et Teddy Bidaux (sans compter leur fils Roméo et le cocker Uno), proposent aussi une série « d’expériences », de la ballade dans les vignes (le mas est entouré d’un petit domaine viticole de quatre hectares – qui donnent des vins très intéressants), des cours de yoga, des visites de chais locaux, et des séances de massages au cœur des vignes, le corps embrassé par le vent et les paroles des cigales.

Mais surtout, il y a cette table, conçue par Teddy Bidaux. Le chef, comme son épouse, vient de ce coin-ci de la Drôme, et est parti à Paris à 18 ans. Il a bien bourlingué, du Mama Shelter avec le chef Yann Tanneau (son mentor), au restaurant Dior de Saint-Tropez de Yannick Alléno, en passant par le restaurant de l’Opéra Garnier de Christophe Aribert (où il a fait ses armes de commis), mais aussi l’étoilé Carré d’Alethius à Valence auprès d’Olivier Samin (« un grand technicien ») jusqu’à la Folie Douce de Megève, où il est devenu chef à 26 ans : des adresses où il a appris le métier, entre la brasserie haut de gamme et la bistronomie de luxe – et vice-versa. 

Cindy et Teddy Bidaux, devant le mas de l’hôtel Garenne ©Maurice Midena

Quand monsieur et madame Bidaux ont décidé après le covid de tout lâcher pour se réinstaller dans leur Drôme natale et réhabiliter un vieux mas branlant, l’idée avait été plutôt de faire de la cuisine façon bistrot chic. Finalement, Teddy a développé une carte de passionné, ou l’excellence traditionnelle (deux de ses alternants sont en course pour être meilleur apprenti de France) le dispute à une douce folie (un héritage de ces années montagnardes sans doute). Ce n’est pas un hasard si l’adresse est déjà dans les petits papiers du Michelin, même si on ose s’étonner qu’elle n’ait pas encore reçu de récompense. Tout y est très sophistiqué, et en même temps très compréhensible. Un vrai coup de cœur, servi sur de jolies tables en ornes, posées dans une salle ouverte sur le paysage d’une Provence avenante. 

 

Le menu

On commence en douceur, avec une pâte à pizza frite (ail et origan), une tuile de pois chiches et compotée d’oignon, deux mignardises qui entament gentiment la discussion, accompagnés d’une extraction de radis et coquelicot, par laquelle le chef vous explique qu’il a des choses à vous raconter. S’ensuit une première entrée associant différentes textures de champignons, à déguster avec un « cappuccino » de morilles très dense, enflammé par un curry rouge, symbolisant une des obsessions du chef : les jus et les sauces. 

Champignons ©Maurice Midena

Puis, le chef nous ramène une surprise. Sur un petit cube de bois, se dresse une coquille d’huitre, dans laquelle a pris refuge une glace – à l’huitre, d’où la folie -, crème d’artichaut et viande d’Aubrac : de la texture aux saveurs, on est tourneboulé, choqué par une telle mise en scène, mais au fond, ravi de s’être laissés prendre par une telle audace. Arrive ensuite une asperge violette, saupoudrée de levure de bière torréfiée, sublimée dans une cuisson si au point que votre bouche y tombe dessus au rythme des horloges. Le tube de légume se laisse tremper dans une sauce marinière, une crème d’ail et de tellines, et une autre de carapaces de langoustine – par la baie vitrée ouverte sur la Provence, le soleil s’endort, puisque lui-même n’a rien à rajouter à ce ravissement. 

Le dîner s’est conclu par une tarte soufflée au pomelo, qui a mis fin au voyage, et a eu le mérite de nous ramener sur terre. Car juste avant, le chef nous avait sorti deux coups de maître. Un terre-mer construit autour d’un filer de bar et d’une moelle de veau, voguant dans une émulsion de l’os, vestige de la cuisine de sa grand-mère, servi avec un saké, faisant du moment un festival de sucre et de ferment. Suit une queue de homard bleu (héritage de ses années passées avec le Breton Tanneau) juste nacrée et fumée aux sarments de vigne, accompagnée d’une glace à la capucine – parce que pourquoi pas. et c’est ainsi que le crustacé tourne au sucré, la glace au salé. Juste à côté, une assiette de gnocchis safranés avec sa pince de homard vous signale que tout ceci n’a plus rien de vraiment terrestre, ni même de purement marin. L’envol se termine avec un morceau d’agneau local confit, cuit pendant dix-huit heures, puis rôti à la plancha, qui donne cette impression que l’animal n’a pas été cuit dans une cuisine mais dans le souffle des anges. Se mêlent chez le goûteur des souvenirs de barbecue entre amis, et de cueillette dans le potager des grands-parents, symbolisée par cette fleur de courgette posée sur la viande. C’est fort et délicieux.

Queue de homard bleu et glace à a capucine. ©Maurice Midena

 

Accord mets-vin

On retiendra le cocktail signature démoniaque (champagne, gin, vinaigre de gingembre, sirop de verveine, poivre du Timut) et le très bon saké servi avec le bar. Pour le reste, on n’a pas été époustouflé par les vins servis, mais les nectars étaient de bonne facture – juste, pas à la hauteur des plats servis. 

 

L’avis de Forbes : Exceptionnel. Une table élégamment audacieuse et gentiment époustouflante d’un chef qui devrait faire parler de lui, calé dans un hôtel adorable. Le tout à 3h en train de Paris. Le menu en six temps est à 98 euros, un tarif auquel certaines tables parisiennes vous accablent de médiocrité. 

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