La charge mentale : quesaco ?
Cette notion explose actuellement et peut se définir en reprenant les mots de M. François Fatoux « C’est le fait d’avoir en permanence dans un coin de la tête la préoccupation des tâches domestiques et éducatives, même dans des moments où on n’est pas dans leur exécution. »
En réunion, lundi matin 9H15 quelque part en France : «Ah, j’ai bien pensé à mensualiser la facture EDF, je dois terminer mon dossier de présentation pour la Direction financière, nous sommes lundi et j’ai oublié d’annuler le rendez-vous de l’Orl de mon petit dernier, ai-je pensé à verser les arrhes pour les prochaines vacances en Espagne, ai-je bien pensé à réserver la table du restaurant pour le pot de départ à la retraite de ta collègue…? ».
Ces dossiers ouverts en permanence qui obligent à réfléchir alors que le lieu et le moment ne s’y prêtent pas, ces éléments viennent saturer les capacités comportementales et cognitives de la personne à la manière d’un inventaire à la Prévert.
Des femmes touchées en majorité
C’est Monique Haicault, docteur en sociologie, qui a été la première dans les années 80 à évoquer la charge mentale dite « ménagère ». 30 ans après, le constat est sans appel. Les femmes restent encore touchées par ce problème et toujours plus que les hommes. « À la tête de véritables PME, elles doivent ainsi posséder de multiples compétences – de gestion de stock, d’anticipation de crise (qui s’occupera des enfants en cas de grève des enseignants ?) et d’organisation de planning – qui seraient louées en entreprise, » ajoute François Fatoux ex-membre du Haut Conseil à l’égalité des femmes et des hommes dans son ouvrage Et si on en finissait avec la ménagère ?
Oui, la charge mentale, c’est cela, c’est être physiquement présent pendant que son cerveau est ombragé par des pensées parasites. Ces mêmes pensées ne sont, d’ailleurs, jamais en lien avec la tâche réalisée dans le même temps. En effet, la temporalité est un élément spécifiquement déterminant dans la charge mentale. Il intervient comme un marqueur fort. « Pourquoi, pendant que je suis au bureau, des « tâches domestiques ou éducatives » viennent-elles me perturber ? » pour citer les propos de M. Fatoux. C’est bien cela aussi le problème. Cela soulève la difficulté de la qualité de présence pour la tâche effectuée.
Cela toucherait 77% des femmes selon Jean-Claude Kaufmann, sociologue au CNRS. En effet, « 8 femmes sur 10 déclarent d’ailleurs avoir trop de choses auxquelles penser et avoir peur d’en oublier ».
Même si en plaisantant les femmes se disent volontiers « multi-tâches » on sait désormais avec les neurosciences que le problème n’est pas lié au genre. En réalité, techniquement, même si le cerveau est un outil merveilleux, on ne peut pas classer ses dossiers pro et penser en même temps à la recette du dîner de samedi prochain avec les Martin. C’est techniquement impossible : agir et penser en même temps est irréalisable. On nomme cela des « conflits cognitifs ». Et oui, lorsque certaines zones du cerveau sont activées simultanément et sur les mêmes fonctionnalités, il est facile de comprendre que le cerveau ne peut pas tout gérer et se dédoubler.
Les risques liés à la charge mentale
C’est alors que débute le cercle vicieux de la dévalorisation avec le dialogue interpersonnel suivant : « Comment font les autres alors qu’elles semblent en capacité de tout réaliser et de tout faire ? « Pourquoi je n’y arrive pas alors qu’il me semble que je suis une organisatrice hors pair ? ». Et si on se disait que c’est trop. Alors comment faire pour éviter le piège du manque d’estime de soi avec le cortège du déficit d’amour de soi, de confiance en soi et de perte d’image de soi. Si cela a tendance à se répéter on se sent alors submergé(e), envahi(e), dépassé(e), incapable.
Clef n°1 : Déléguer une partie de vos tâches
Il est essentiel d’évoquer ici la place occupée par les hommes aux côtés des femmes et de leurs foyers. Et bien ils ont une place essentielle dans cette charge mentale, qui, au passage ne les épargnent pas non plus (cf le livre d’Aurelia Schneider). En effet, l’éclatement des familles et la progression constante des divorces, laissent aussi beaucoup d’hommes en « charge ».
Il faut préciser que les hommes jouent un rôle important surtout quand on constate encore une forte inégalité sur le plan de la prise en charge des tâches quotidiennes. Selon un rapport de l’Insee parue en 2017 sur l’égalité entre les femmes et les hommes, « lorsqu’elles exercent un emploi à temps plein, les mères consacrent deux heures de plus que les pères chaque jour aux activités domestiques et parentales ».
Ce décalage d’implication dans le quotidien explique notamment que 62% des femmes souhaiteraient que les choses changent, 15% d’entre elles n’en pouvant plus. Quant aux hommes, ils sont 7 sur 10 à souhaiter que cela ne change pas. Un vrai paradoxe quand 87% des hommes interrogés se déclarent prêts à s’impliquer davantage au quotidien pour soulager leur moitié. Alors ces chiffres interrogent sur la capacité à dialoguer et à rechercher l’équilibre entre la vie privée et la vie pro.
Se faire aider par la personne qui partage sa vie ou par un tiers va favoriser un allègement dans votre quotidien. Et oui, cela change la vie et surtout libère votre esprit. C’est ainsi se donner l’opportunité de mettre votre valeur ajoutée là où elle doit être. CQFD.
Clef n°2 : Arrêter de vouloir trop bien faire et un temps réduit
On s’aperçoit que beaucoup de profils dits perfectionnistes et hyper-contrôlant sont plus sensibles à la charge mentale. Plus largement, tout un chacun peut se retrouver face à une surcharge mentale (les célibataires, les couple, les femmes ou les hommes au foyer, les divorcé(e)s,…). En effet, chacun peut être un jour concerné par une surcharge, certes mentale, mais aussi physiologique. On l’a envisagé précédemment l’organisation de la vie domestique, de la vie au travail, de la gestion des repas, des courses, des vacances, des réunions, des plannings dans un espace temps très comprimé et très accéléré peut s’avérer compliqué. Alors pour éviter la saturation, à plus ou moins long terme, cessons de vouloir atteindre la perfection. Cette quête est vaine. Alors oui, laissez le petit-déjeuner sur la table. Profitez, avec une belle présence, pour saluer avec attention votre collègue ou pour avoir un mot tendre d’encouragement à votre bachelier(e) qui va présenter un oral important. Alors oui, il y a fort à parier que vous retrouverez votre bol de thé et le chocolat du petit dernier à la même place. Et alors ???
Clef n°3: Pratiquer le lâcher prise pour éviter le burn-out
Et si on s’autorisait à penser à une chose à la fois ? En effet, cela éviterait une fatigue excessive entraînant une hypovigilance avec un risque de burn-out pour 89% des femmes (source INSEE étude menée en 2018 par Jean-Claude Kauffman sociologue). Alors oui, on peut légitimement s’interroger en se posant ces questions : quelle est la priorité de la journée ? Ce que je ne fais pas aura-t-il des conséquences dans 5 ans ? Se souviendra-t-on du rendez-vous que j’ai dû annuler ?.
Bien entendu vous pouvez à nouveau essayer la fameuse « to do list » qui fonctionnent bien à condition qu’elle soit précise. En effet, le cerveau ne comprend que des tâches données avec précision. Alors si vous inscrivez sur votre smartphone « Penser déplacements clients » prenez plutôt le temps d’écrire «Téléphoner à l’agence de voyage pour prendre billets d’avion pour aller-retour à Nice voir Madame Z ». Vous allez gagner ainsi du temps parce que l’injonction est claire. Alors, qui dit gain de temps dit gain de productivité.
Et puis la dernière chose, et non des moindres, c’est aussi de comprendre le lien que vous entretenez avec votre environnement. Deux choses qui vous obligent à vous positionner. Au début cela n’est pas obligatoirement confortable. La première c’est savoir dire non. Et oui, pour votre sécurité mentale, il est parfois essentiel de dire « Je ne suis pas disponible » , « Je pense que ce dossier peut être aussi bien traité par X » , « Le dîner de ce soir, je ne l’accepte pas et je vais à mon cours de pilate ». Des exemples concrets pour vous réapproprier votre temps si précieux et pour éviter d’imploser ou d’exploser. C’est donc choisir, et comme le dit l’adage : « Choisir c’est renoncer » … j’ajouterai « et tendre vers quelque chose de bien meilleure pour soi ».
Pour aller plus loin :
- Aurélia Schneider La charge mentale des femmes (et des hommes)
- La bande dessinée d’Emma Fallait demander
- L’appli « To Do List » : Wunderlist
- L’enquête datée du 28 février 2018 menée par Jean-Claude Kaufmann, sociologue au CNRS en lien avec l’IPSOS
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