WeWork, Mullen Automotive, Bed Bath & Beyond… Pour beaucoup de stock pickers, l’investissement prudent n’est pas une partie de plaisir. Ces derniers préfèrent suivre le train des faillites et des penny stocks. Forbes revient sur les histoires boursières les plus folles en 2023.
Article de Brandon Kochkodin pour Forbes US – traduit par Flora Lucas
En 2023, la seule chose à faire pour gagner de l’argent sur le marché boursier est d’investir dans un fonds indiciel à frais réduits et de s’asseoir sur son canapé. L’indice S&P 500 a grimpé de plus de 20 % et le Dow Jones a atteint un niveau record ce mois-ci. Le plus grand défi a été de rester les bras croisés et de ne rien faire.
Certaines personnes, cependant, ne supportent pas l’ennui. Il est difficile de ressentir une poussée d’adrénaline en écoutant des experts prononcer des mots comme « prudence ». Pour les aventuriers de la finance, la bourse est un casino, un jeu aux enjeux élevés où le plaisir réside dans l’étude des données financières, l’analyse des tendances du marché ou, pour être honnête, dans le fait de lancer les dés et de croiser les doigts.
À cette extrémité du spectre du risque, on trouve une autre catégorie d’investisseurs. Ce sont eux qui dénichent inlassablement les mines d’or potentielles cachées dans les valeurs à quatre sous (ou penny stocks), ou qui sont incompréhensiblement attirés par les actions d’entreprises en faillite alors que les actionnaires risquent de tout perdre. Ils parient sur des sociétés qui tiennent à peine debout, persuadés que, contre toute logique, les actions vont s’envoler et qu’ils seront noyés sous l’argent.
Voici quelques-unes des histoires boursières les plus folles de l’année.
WeWork
Le parcours de WeWork sur les marchés publics a ressemblé à un feu d’artifice du 14 juillet qui a commencé par un émerveillement et a fini par brûler toute la ville. Sous la houlette d’Adam Neumann, son fondateur charismatique, énigmatique et un brin charlatan, l’entreprise affichait une valorisation des actifs privés éblouissante de 50 milliards de dollars. Puis le scénario s’est inversé. Une introduction en bourse ratée en 2019, la sortie en fanfare d’Adam Neumann avec un cadeau d’adieu de deux milliards de dollars et une série de documentaires révélateurs ont permis de lever le voile sur les méthodes chaotiques employées par l’entreprise pour accomplir sa mission, à savoir « élever la conscience du monde ». Finalement, WeWork a fait surface sur les marchés publics en 2021 par le biais d’un SPAC, et en est ressortie un peu abîmée, mais toujours debout et, en dépit de la controverse, avec une évaluation de neuf milliards de dollars, ce qui n’est pas si mal.
Le passage de WeWork en tant qu’entité publique a toutefois été de courte durée. L’entreprise a à peine passé le cap des deux ans. En novembre, le rideau est tombé avec un dépôt de bilan qui a révélé une dette stupéfiante de 18,7 milliards de dollars, éclipsant 15,1 milliards de dollars d’actifs.
Comme si les années de drame avaient drainé l’attention des investisseurs, la faillite de WeWork a à peine fait lever un sourcil. Pourtant, quelques jours avant que la société ne jette officiellement l’éponge, Cole Capital Funds, une obscure entité basée en Arizona, s’est déclarée prête à racheter l’entreprise. L’action WeWork a fait un bond de près de 150 % après l’annonce.
Or, selon la Securities and Exchange Commission (SEC), l’offre de Cole Capital n’était pas valable. Cela aurait dû être clair pour toute personne ayant lu le communiqué de presse d’un œil un tant soit peu attentif. Une ligne en particulier est apparue comme un signal d’alarme : « Nous avons consulté Dieu, des conseillers juridiques, financiers et autres pour nous aider dans cette transaction. » Invoquer Dieu n’est pas exactement une pratique courante dans le processus de diligence raisonnable d’un rachat d’entreprise. Cole Capital n’a pas répondu aux demandes de commentaires de Forbes, et WeWork a refusé de s’exprimer. Le mois dernier, la SEC a accusé Jonathan Larmore, le PDG de Cole Capital, de fraude.
Selon la plainte, Jonathan Larmore est à l’origine du faux communiqué de presse, qui aurait été conçu pour gonfler les actions moribondes de WeWork. L’objectif ? Encaisser les 72 000 options d’achat qu’il avait récemment achetées et réaliser un profit rapide en manipulant le marché.
Cependant, tout est question de timing et celui de Jonathan Larmore n’était pas le bon. Le communiqué de presse n’a pas été diffusé à temps. Ses 72 000 options ont expiré sans valeur juste avant que sa fausse annonce ne fasse la une des journaux et avant que l’action ne bondisse. Ainsi, non seulement Jonathan Larmore s’est retrouvé en bataille juridique avec la SEC, mais il n’a pas pu encaisser ses options.
Mullen Automotive
En théorie, Mullen Automotive est une entreprise spécialisée dans les véhicules électriques. Un examen plus approfondi de ses comptes révèle une autre histoire. Depuis 2021, ses ventes se sont élevées à 308 000 dollars. L’entreprise ne vend pas beaucoup de voitures. L’activité réelle de Mullen Automotive semble consister à vendre ses actions à ce qu’elle appelle une « base d’actionnaires très vocale et active ». L’ampleur de ces ventes est stupéfiante. D’après les données de FactSet et en tenant compte des divisions d’actions, le nombre d’actions de ce constructeur automobile californien a explosé, passant de sept millions au début de l’année à 311 millions aujourd’hui. Cela représente une augmentation de 4 300 % en 12 mois.
Comme l’on peut s’y attendre, l’explosion du nombre d’actions a eu un impact significatif sur le cours de l’action de Mullen Automotive. La valeur des actions de la société a piqué du nez, chutant de 99 % pour atteindre 0,13 dollar. Il est de notoriété publique que la fabrication de voitures nécessite un investissement initial substantiel (il suffit de regarder Tesla, une entreprise avec laquelle Mullen Automotive et ses actionnaires aimeraient être comparés).
Toutefois, les fonds amassés par Mullen Automotive ne sont pas uniquement destinés à la recherche et au développement ou à l’expansion des capacités de production. Une part importante de ces fonds va dans les poches du PDG, David Michery, qui, pour l’anecdote, a été président du label de hip-hop Death Row Records. En 2022, la rémunération de David Michery a atteint 6,1 millions de dollars. Si l’on ajoute les frais généraux et administratifs de la société, qui comprennent la rémunération, les frais de conseil et les frais juridiques, Mullen Automotive dépense 75 millions de dollars par an, essentiellement pour les frais généraux et pour son PDG. En revanche, l’investissement de la société dans la recherche et le développement n’est que de 22 millions de dollars pour l’année.
La manière dont Mullen Automotive hiérarchise ses dépenses est devenue un sujet brûlant lors d’une interview à l’émission Fox Business TV de Charles Payne en août. David Michery était à l’antenne avec l’avocat Wes Christian pour discuter d’un procès intenté par Mullen Automotive. La société poursuit plusieurs entreprises de courtage parce qu’elle pense que les courtiers aident à la vente à découvert illégale de l’action Mullen Automotive, ce qui fait baisser le prix de l’action. Charles Schwab, une société de courtage poursuivie par Mullen Automotive, a déclaré que la plainte « contient beaucoup d’allégations douteuses et peu de vérité ». Charles Payne a souligné que les frais généraux et administratifs élevés et le salaire important de David Michery étaient « insensés ». En essayant de s’expliquer, David Michery a fini par donner une réponse confuse qui ne répondait pas vraiment aux accusations de Charles Payne. Wes Christian avait l’air plutôt mal à l’aise pendant tout ce temps. Puis, comme par hasard, l’audio de David Michery s’est interrompu, juste avant que Charles Payne ne puisse se plonger dans les divisions d’actions douteuses de Mullen Automotive, que le présentateur a qualifiées de « folles ». Mullen Automotive n’a pas répondu à la demande de commentaire de Forbes.
Bed Bath & Beyond
L’histoire commence lorsque la société Bed Bath & Beyond, après plusieurs tentatives de relance, se déclare en faillite en avril. Habituellement, une faillite signifie que les actions d’une entreprise sont finies. Les investisseurs n’ont plus qu’à panser leurs plaies, mais pas cette fois-ci. Le règne de Bed Bath & Beyond en tant qu’action mimétique a transformé la société en une sorte de célébrité boursière. Malgré une annonce de faillite contenant des avertissements clairs selon lesquels les propriétaires d’actions pourraient se retrouver sans rien, les actionnaires n’ont pas perdu espoir. Même des mois plus tard, les plus fidèles partisans de Bed Bath & Beyond refusaient de lâcher prise.
Cependant, c’est là que les choses deviennent vraiment bizarres : ces investisseurs se sont tournés vers un livre pour enfants intitulé Teddy pour trouver des réponses. Teddy, dont l’auteur est Ryan Cohen, fondateur du site de vente en ligne de produits pour animaux Chewy et ancien investisseur dans Bed Bath & Beyond, est devenu la pierre de Rosette de ces investisseurs. Ils pensaient qu’il contenait la clé pour comprendre l’intrigue complexe qu’ils imaginaient, une intrigue dans laquelle les méchants de Wall Street faisaient couler les actions, et où un héros (Cohen, à leurs yeux) émergerait pour les sauver. En étudiant les pages, ils ont trouvé des indices cachés dans les détails les plus insignifiants, comme la couleur de la chemise de Teddy qui reflétait le logo du détaillant.
Leur théorie ? Cohen préparait un grand retour pour non seulement sauver Bed Bath & Beyond, mais aussi pour dédommager les investisseurs loyaux en leur offrant des parts dans une toute nouvelle entreprise nommée Teddy.
En comparaison, le sort du détaillant a été des plus simples. Overstock.com a racheté le site internet, l’application mobile et le nom pour 21,5 millions de dollars (les magasins et les marchandises ont été exclus de la vente) et s’est rebaptisé Bed Bath & Beyond. Pas Teddy.
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